Les Mercenaires de l'Ombre Tome 1: L'éveil

CHAPITRE 2 (Partie 1)

Les néons qui formaient en lettre capitale, Hell's Grill, clignotaient sous ma tête, alors que j'arrivai aux abords du bar. Les lumières, pourpre, rouge et blanc, se reflétaient sur le bitume trempé et coloré la façade du bar, en brique rouge brute, rendant sa couleur naturelle plus vif qu'elle ne l'était. Déjà devant celle-ci des motos étaient garées les unes à côtés des autres, en diagonales. Je passai les portes en verre, mon tuteur sur les talons.

La salle était remplie, des serveuses circulaient entre les tables. Le bruit des conversations, des rires, des verres que l'on trinque, emplissaient mon ouïe, tandis que ma vue et mon odorat étaient saturé par la fumée des cigarettes, qui se répandaient en une vapeur blanche fantomatique, donnant un aspect onirique à la pièce.

La décoration était épurée, je dirais même chaleureuse, les murs d'un rouge vermeil sur lesquels étaient accrochés quelques affiches de concert de métal, et des posters de motos, pour faire honneur à sa réputation. Ils mettaient en valeur les poutres en bois et le parquet vernis. Ce dernier était déjà abîmé par de nombreuses rayures, dû à de vieilles traces de lutte et de table déplacé. Sur ma droite, était situé le bar et comme pour s'accorder à la déco, il était fait de bois brut. Au fond à gauche deux tables de billard, où déjà des paris étaient lancés. Un attroupement d'armoires à glace, vêtu de veste en cuir et tatoué de la tête au pied, avaient pris place, s'amusaient, hurlaient des insultes et/ou des encouragements aux deux adversaires qui s'affrontaient. À l'opposé de ces derniers la porte des toilettes, située non loin de la réserve.

L'ambiance était encore bonne enfant, des gens riaient, parlaient... Tout ce qu'il y avait de plus normal. Une jeune femme s'activait derrière le comptoir, avec un homme d'une trentaine d'années, un de ces employés sans doute, à en juger par les directives qu'elle lui donnait. Ces cheveux, aussi noirs que les miens, tombaient en cascade sur son épaule. Son visage d'une beauté vénéneuse, toute en finesse était rehaussé par le vermeil de ses lèvres. Ses traits étaient sculpturaux, figés dans le temps. Elle était magnifique, elle dégageait une aura ténébreuse, dangereuse. Elle était semblable aux roses, aux primes abords, elles sont magnifiques jusqu'à ce que l'on essaye de les cueillir. Mon instinct me soufflait qu'elle n'était pas humaine, j'en étais certaine, je parierai pour un vampire.

Lorsqu'elle leva les yeux vers nous, enfin plutôt vers Jay, et qu'elle nous vit, un grand sourire apparut sur ses lèvres écarlate, laissant entrevoir une rangée de dents blanches. Mon tuteur me fit signe de le suivre et nous nous dirigeâmes vers elle en slalomant entre les tables en bois vernis.

— Jay ! Ça fait un bail, qu'on ne t'a pas vu ? Comment vas-tu ? C'est elle ta petite protégée ?

Elle avait débité toutes ces questions en un temps record, je notai qu'elle possédait un petit accent que j'avais du mal identifié. Elle ne s'était à aucun moment départie de son sourire. Bonjour les zygomatiques. Ses yeux noirs me fixaient sous ces longs cils ébène, comme si j'étais une espèce rare, alors qu'elle embrassait la joue de Jay et le serrai dans ces bras. Ils étaient plus proches que de simples amis.

— Doucement Isa, tu vas l'effrayer avec toutes tes questions. Je vais bien. J'ai eu beaucoup de travail. Je te présente Black Clanfield, la petite sœur de Larren. Tu te souviens de lui ? Black, voici Isabelle De LaRoche, une amie et la propriétaire du Hell's Grill, me présenta-t-il en s'installant sur un haut tabouret en face du comptoir, et je fis de même.

— Enchantée, dis-je en lui présentant ma main qu'elle serra fermement.

Je déduisais qu'Isabelle était d'origine française, par son nom qui d'ailleurs me disait quelque chose. Pendant une fraction de seconde, je tentai de me souvenir où l'avais-je entendu, avant d'enfin percuter. Une ampoule imaginaire venait de s'illuminer dans mon cerveau grillé par une semaine de cours intense.