PSYCHOSE

CHAPITRE 3 ✔

SWANN

Je continuai mon chemin, mes pensées toujours tournées vers cette étrange fille. Elle me disait vaguement quelque chose, comme si j'avais déjà croisé ce regard bleuté quelque part. Perdu, je me remémorai les derniers évènements de la journée et en m'attardant un peu plus sur ce qu'il s'était produit ce midi, je la revis. C'était la fameuse fille de la cafétéria.

Un soupir las m'échappa. Je ne comprenais même pas pourquoi je m'étais attardé sur elle en particulier. Après tout, ce n'était ni la première ni la dernière personne à m'avoir dévisagé à mon insu. Les gens m'avait toujours perçu comme une bête de foire. La personne dont il fallait absolument se moquer si l'on voulait être perçu comme étant normal aux yeux des autres étudiants. Mais à quel moment ?

À quel moment ma vie avait-elle autant basculé ? Pourtant d'après mes souvenirs, depuis ma plus fade enfance, j'avais toujours été visé par les moqueries de mes camarades. Et ce qu'importe où je me trouvais. À l'orphelinat, à l'école, dans la cours de récréation, à la cantine, dans la salle de classe, dans les toilettes ou bien dans le couloir. Les gens ne m'avait jamais aimé. Mais pourquoi ? Qu'avais-je fait ?

Un jour, on m'avait dit que mes yeux pâles étaient bizarres, que la transparence de mes deux iris faisait ressortir mes deux pupilles de manière bien trop effrayante. Et si seulement ça n'avait été que ça... Car non seulement mon physique me jouait des tords, mais mon caractère glacial ne faisait aussi qu'en rajouter. Les gens m'avaient toujours perçu comme quelqu'un d'hautain à cause de l'intonation monotone et froide de ma voix. J'avais été gâté par Mère Nature décidément...

Seulement, avec le temps je m'y étais fait. J'avais cessé de m'attarder sur leurs regards, j'avais arrêté de faire attention à leurs insultes gravées sur mon casier. Petit à petit, les injures à mon égard s'étaient transformés en des bruits de fonds insignifiants quant aux coups à de simples caresses.

Alors pourquoi ? Pourquoi ses yeux avaient donc retenu mon attention ? Qu'est-ce qui avait changé ?

Je secouai la tête, agacé par ce flots de pensées. Cette fille ne devait pas avoir d'importance. Rien. Mes yeux devaient arrêter de visualiser sans cesse son visage. Mes oreilles devaient arrêter de chercher le son de sa douce voix en vain. Mon épaule devait effacer le souvenir de son touché. Mon nez devait arrêter de se remémorer la senteur sucrée et légèrement vanillée qui s'émanait de son corps.

Mon cerveau devait tout simplement l'oublier. La supprimer.

Elle n'était venue m'aborder que pour pouvoir rire de moi auprès de ses copines. Je veux juste faire connaissance, m'avait-elle dit ?

L'ombre d'un rictus déforma le coin de mes lèvres. Foutaise.

Trop occupé à faire le trie dans ma tête, je ne m'étais même pas rendu compte que j'étais enfin rentré. Mon corps, grand et maigre dépassa le petit portillon de ma maison puis pénétra l'habitacle. Mais dès mon arrivée, je manquai de peu de tomber sur une canette de bière qui traînait dans les parages. Un grognement désapprobateur fit alors vibrer ma gorge. Qu'est-ce que ça foutait là ?
Je ramassai le déchet et après un léger détour dans la cuisine, jetai cette merde.

- T'es rentré tôt aujourd'hui, résonna soudainement une voix grave.

Mon corps fut secoué d'un sursaut puis se retourna. Jaxon se tenait face à moi, un joint fraîchement allumé glissé entre les lèvres. D'un coup d'œil, je pu constater de son état déplorable. Dire que je l'avais laissé dans le même état ce matin...