HORS HISTOIRE Mercredi 28/11/18 10h30 •Lola•

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ATTENTION HORS HISTOIRE !

-...par exemple, un rite d'initiation, un rite initiatique.

-Lola Kerma?

Je tourne la tête vers le surveillant qui vient d'entrer dans la classe, réveillant tout le monde du sommeil qui s'emparait de nous devant cette sublime leçon sur la transformation de noms en adjectifs. Voyant qu'il a mon attention il reprend:

-Tu peux venir s'il te plaît ? Prends tes affaires.

Je m'exécute. En sortant de la salle, je vois Laurent et Sabrina (les parents d'Esteban) en pleurs. Je me précipite pour prendre Sabrina dans mes bras et la questionner :

-Qu'est ce que vous faites là ? Qu'est ce qu'il se passe? Tout va bien?

-Esteban...

-Quoi Esteban !? , je demande, paniquée tout à coup.

-Il devait arriver au circuit à 9h. À 10h il n'était toujours pas là ils ont lancé des recherches. Il a eu un accident de voiture sur le trajet, sans doute un connard qui a grillé la priorité. Ça ne m'étonnerait pas que ce soit un de ses putains de fans tarés d'un autre pilote. m'informe Laurent. Il a été conduit à l'hôpital. On prend l'avion dans 1h pour le rejoindre. On sait tous à quel point vous êtes importants l'un pour l'autre et on a vu avec tes parents, ils sont d'accord pour que tu nous accompagnes si tu le souhaites.

J'accepte immédiatement. Je ne pleure pas. Sans doute parce que je ne me rends pas encore compte. Sur le chemin vers l'aéroport personne ne parle. Quand on s'installe dans l'avion, j'entends une mère appeler son petit garçon :

-Jules! Viens t'asseoir à côté de moi !

Et là je comprends. Je pense à Jules Bianchi et je fonds en larmes. Parce que comme beaucoup de personnes, je ne me suis jamais vraiment remise de ce qui lui est arrivé. Et là je me rends compte que la f1 va peut être orpheline d'un autre pilote, comme des milliers de personnes perdent des proches chaque jour à cause de la route. Mon Giganto est peut être en train de mourir.

Pendant les 7 heures de trajet, je ne dors pas, pleurant, blottie contre Sabrina. On s'accroche l'une à l'autre comme à une bouée de sauvetage, ignorant si l'on est en train de perdre une des personnes les plus importantes dans notre vie.

Arrivés sur le sol d'Abu Dhabi, nous prenons immédiatement un taxi pour l'hôpital. Là-bas, malgré les négociations des parents d'Esteban, on nous informe que la famille seule est autorisée à le voir et que, par conséquent, je dois rester seule dans la salle d'attente.

Je me ronge les ongles depuis une demi-heure quand Laurent revient enfin.

-Alors?

-Il était dans le coma quand il est arrivé à l'hôpital. Ils l'ont placé dans un coma artificiel pour l'opérer de la jambe droite. L'opération s'est bien passée mais on ne sait pas quand il se réveillera.

-Ni si il se réveillera, j'ajoute douloureusement.

Laurent m'adresse un regard peiné et s'avance pour pleurer dans mes bras. Ou peut être est ce moi qui pleure dans les siens.

-On va prendre une chambre d'hôtel. Sabrina veut rester auprès de lui et je la relayerai dans la nuit.

-Mais moi aussi je veux rester là !

-Ça ne changera rien Lola. Je préfère que tu dormes dans un vrai lit. Si Sabrina m'informe de son réveil, je te lèverai et on viendra immédiatement ok?

-Oui...

Bien évidemment je n'arrive pas à m'endormir. Je me tourne, retourne et re-retourne dans tous les sens, incapable de trouver la bonne position, si tenté qu'elle existe.
J'ai finalement dû réussir à avoir quelques heures de sommeil puisque quand j'ouvre les yeux, le réveil indique 8h et c'est maintenant Sabrina qui est dans la chambre. Une fois prêtes, nous repartons à l'hôpital. De jour, j'ai le droit de voir Teban donc nous allons dans sa chambre, où Laurent nous informe qu'il y a du progrès : il a cligné des yeux pendant qu'il lui parlait. Du progrès...je suis vraiment en train de dire ça ? C'est cligner des yeux putain, pas courir un marathon! Je retiens un sanglot et ouvre la porte. Sabrina et Laurent me disent qu'ils me laissent seule avec lui et que si besoin ils sont dans le couloir. La porte se ferme derrière moi et je me tourne vers le lit. Il est là. Allongé sur le lit, plus pâle que d'habitude. Des tuyaux sont branchés partout. On entend et on voit les battements de son coeur sur une machine. Je m'approche de lui et m'assois au bord du lit. Tout à coup, sa respiration se fait plus difficile, plus lente, plus espacée. J'essaye de crier au secours, d'appeler ses parents à l'aide mais rien ne se passe, ma gorge nouée bloque ma voix. Dans un dernier moment de lucidité je pose mes lèvres sur les siennes, le visage baigné de larmes, avant de laisser ma tête tomber sur son torse, juste à côté de son coeur. Poum poum. Poum... poum. Poum......... poum. Poum.................... poum. Puis plus rien. Un bip, infini. Et je sais que tout est fini.

Pardon...je m'en veux sincèrement...

Ça Fait Longtemps... (E.O.)Where stories live. Discover now