Chapitre 1

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Les murs étaient tapissés de sang encore frais. Des morceaux d'os et de chair accrochaient sur la tapisserie. Assis devant un bureau, ce qu'il restait du corps n'était pas beau à voir. L'explosion avait frappé au niveau du buste, dispersant la moitié supérieure du cadavre à travers la pièce. Sur le tapis, on pouvait reconnaître un doigt. Un peu plus loin, un morceau de boîte crânienne où quelques cheveux étaient encore attachés avait roulé contre le mur. 

Sofka plissa le nez, assaillie parles odeurs qui saturaient l'air : le sang qui dominait et un parfum plus léger. Artificiel, si Sofka ne se trompait pas. Le bureau où l'homme travaillait avait aussi été frappé par le souffle de l'explosion et gisait en morceaux dans une flaque de sang. Seuls restaient au milieu de la pièce, encore figés sur sa chaise, le bassin et les jambes du cadavre. Au milieu de l'amas de chairs déchirées, on apercevait une vertèbre et un morceau d'intestin qui pendait et suintait sur le parquet. Les serpents sur la tête de Sofka se dressèrent autour d'elle, dardant leurs langues fourchues avec de légers sifflements. Fukuda grogna, mais elle l'ignora. L'agent qui attendait devant la porte eut un petit geste de recul, se cogna le coude contre le mur et étouffa un juron.

- Est-ce que l'on sait ce qui a causé l'explosion ? demanda Sofka lorsqu'elle eut terminé d'examiner le cadavre.

Fukuda secoua la tête.

- Pas encore, mais...

Il sortit un cadran de sa poche et le montra à sa supérieure.

- Les résidus magiques sont très puissants, plus de 80%.

- Un sortilège, d'après toi ? s'enquit la gorgone.

Son second grimaça.

- C'est difficile à déterminer avec précision, Sof. Peut-être bien. Je vais devoir faire plus d'analyses.

- Evidemment.

Insensible au sarcasme, Fukuda remonta les lunettes sur son nez et brandit la tablette qui ne le quittait jamais. Sofka se désintéressa aussitôt. Ses analyses, bien que toujours pertinentes, étaient trop longues pour le peu de patience qu'elle était disposée à offrir aux gadgets modernes.

- Dis-moi seulement s'il s'agit d'un meurtre, demanda-t-elle.

Fukuda haussa un sourcil noir et parfaitement épilé. D'un geste théâtral, il embrassa la pièce de la main.

- A moins que ce soit un suicide particulièrement répugnant, je pense que nous pouvons conclure conclure que cet homme a été victime d'un accident malheureux. Ou d'un assassinat, lâcha-t-il avec insolence.

Sofka ne releva pas. Elle travaillait avec Fukuda depuis cinq ans et ne se formalisait plus de son impertinence.

- Merci de vos lumières, Maître Fukuda, railla-t-elle. Je vais vous laisser à vos gadgets et me renseigner un peu.

Fukuda hocha la tête, mais il ne l'écoutait déjà plus, trop absorbé par l'écran entre ses mains. Sofka le laissa donc et quitta la pièce avec soulagement. L'air était plus frais dans le couloir et et ses serpents se détendirent un peu, coulant sur ses épaules. Elle leva une main distraite pour caresser leurs écailles. Consciente que les deux policiers qui avaient découvert le cadavre l'observaient, elle laissa retomber son bras le long de son corps et s'approcha d'eux. Ils se raidirent à son approche. L'un était humain et l'autre arborait des crocs protubérants. Sofka les dominait tous deux d'une bonne trentaine de centimètres. Quelques serpents dressèrent la tête, toujours curieux lorsqu'elle rencontrait des inconnus.

- Officiers, salua-t-elle.

- Inspectrice, répondit la femme avec déférence.

Son coéquipier ne paraissait pas aussi poli. S'il était plus incommodé par le fait de devoir travailler avec elle ou par le cadavre en morceaux, elle n'aurait su le dire.

La Gorgone et la BotanisteWhere stories live. Discover now