Chapitre 2

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 Comme Ravi ne revenait pas, Sofka décida d'aller voir si Ujali était plus disposée à lui parler. Elle n'y couperait pas, si choquée qu'elle soit. Les proches d'une victime de meurtre étaient toujours les meilleurs suspects et bien souvent les coupables. De ce que Sofka avait vu de la maison, les chambres devaient être à l'étage. Au sommet de l'escalier, plusieurs photographies encadrées longeaient le couloir. Sofka s'arrêta pour y jeter un coup d'oeil. La décoration intérieure pouvait en dire beaucoup sur son propriétaire. Un humain figurait sur la majorité des images, certainement Dyal Ganapuli. C'était une bonne chose de pouvoir mettre un visage sur le cadavre sans buste du bureau. Il était clairement très fier de sa réussite. Un cliché montrait ce qui devait être son usine, le nom de Ganapuli s'étalant en lettres stylisées sur la façade d'un bâtiment immense. Dyal paraissait minuscule à côté, malgré son gabarit. Il souriait de toutes ses dents. Sur une autre photographie, il posait avec sa femme et son fils. La ressemblance était flagrante. La petite famille semblait heureuse, bien qu'Ujali soit un peu figée sur les portraits. Dyal avait réussi et il devait avoir un bon paquet de concurrents et d'ennemis. Avec un peu de chance, Ujali pourrait lui en dire plus à ce sujet.

La porte de la chambre était entrouverte. Sofka frappa et entra sans attendre. Le décor était tout aussi extravagant et luxueux qu'à l'étage inférieur, bien qu'il n'y ait probablement personne à impressionner. Le lit à baldaquins prenait la majorité de la pièce. Les tissus tirés était de gaze transparente et laissaient deviner la silhouette allongée d'Ujali. Ses pleurs s'arrêtèrent lorsqu'elle réalisa qu'elle n'était plus seule.

- Laissez-moi, je ne veux voir personne, dit-elle d'une voix geignarde.

- Dans un moment, répondit Sofka. Votre mari faisait souvent de la magie dans son bureau ?

Ujali se redressa et tira les baldaquins pour regarder la gorgone en face. Elle avait les yeux gonflés et les joues humides. Son maquillage avait coulé et ses longs cheveux noirs étaient tout emmêlés du côté qu'elle avait appuyé sur l'oreiller.

- Je ne sais pas ce qu'il fabrique dans son bureau, personne n'a le droit d'entrer. C'est son métier de fabriquer des sorts, alors oui, j'imagine qu'il devait faire de la magie régulièrement. Vous pensez que c'est ce qui l'a tué ? gémit l'humaine.

Sofka secoua la tête, ses serpents accompagnant le mouvement.

- C'est une possibilité mais assez improbable. Nous pensons plutôt à une magie étrangère, mais cela reste encore à déterminer. Mon collègue est en train de faire tous les tests nécessaires. Dites-moi, Mme Ujali, le commerce de votre mari prospère bien, n'est-ce pas ? Qui va en hériter ?

Ujali se frotta les yeux, mais n'eut pas à réfléchir bien longtemps.

- Notre fils, Ravi. Je ne pense pas que Dyal me l'aurait laissé.

- Vous pensez ? releva Sofka. Vous n'êtes pas certaine ? A-t-il écrit un testament ?

- Probablement, mais il ne m'en aurait pas parlé si c'était le cas, répondit Ujali en baissant les yeux.

Cela ne fit que confirmer l'impression que Sofka avait eu en regardant les photos dans le couloir. Dyal et Ujali Ganapuli n'étaient probablement pas un couple aussi soudé qu'ils auraient voulu le laisser paraître.

- Il devait avoir un certain nombre de concurrents ou d'employés mécontents, non ? Comme tous les industriels qui réussissent.

Ujali hocha la tête avec une certaine retenue, comme s'il lui coûtait de l'admettre.

- Dyal n'est évidement pas le seul dans l'industrie des sortilèges artificiels, mais c'est l'un des meilleurs. Je veux dire, c'était.

Elle essuya une larme du revers de la main.

La Gorgone et la BotanisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant