Chapitre 3

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« Une vraie rencontre, une rencontre décisive, c'est quelque chose qui ressemble au destin. »

-   Tahar Ben Jelnoun

         L'avantage des explications d'Hayden, c'est que j'ai compris qu'avec tout ce que j'aurais à faire, j'aurais peu de temps à lui accorder et ça, ça me fait sourire. Le travail que je vais devoir effectuer n'est pas compliqué et là encore, ma mère apparait dans mon esprit. Elle pensait que j'allais me tuer à la tâche, j'aimerais bien voir sa tête si elle apprenait que le plus gros que je vais devoir effectuer durant les deux prochains mois sera de porter des cartons de la réserve jusqu'à l'avant de la boutique pour ranger les produits. Il va falloir que je range les stocks et que je m'occupe de la caisse le matin. L'après-midi, je serai dans la réserve avec Hayden pour l'aider avec les planches. J'ai aussi rencontré Ashley, une fille de trente-trois ans, qui bosse ici tous les jours.

En bref, après une longue visite, j'en ai déduit que cette boutique ne sera peut-être pas l'endroit le plus désagréable où je vais passer mon été.

Même si Hayden ne m'inspire pas confiance, je sais que c'est seulement parce que je suis extrêmement fermée au monde extérieur. Dans le fond, il est gentil même si il se montre taquin par moment. Je n'exclus pas l'idée qu'il puisse aussi ne pas être si sympa qu'il n'y parait.

Au cours de la visite, j'ai appris qu'il avait dix-huit ans et qu'il bosse ici pour se faire un peu d'argent pendant l'été. Si j'ai bien suivi, c'est un ami d'enfance de Klaus.

Depuis une dizaine de minutes, nous sommes assis sur un vieux canapé usé de la réserve. Je torture nerveusement le tissu déjà abimé parce que je n'ai jamais été très douée pour discuter. Je ne sais jamais quoi dire, j'ai toujours peur d'en dire trop et de donner des armes aux autres pour qu'ils puissent un jour ou l'autre me faire du mal. Il faut aussi que j'apprenne à me détendre et à baisser ma garde, c'est évident. Le truc c'est que c'est plus facile à dire qu'à faire, surtout face à un mec que je connais à peine. Les garçons ce n'est pas trop mon truc, surtout depuis que j'ai vu deux de mes amies souffrir et au passage, que j'ai fini par en souffrir aussi.

Ça fait tellement mal de se faire briser le cœur que depuis ce jour-là, je me suis promis de ne plus jamais l'ouvrir à qui que ce soit.

— Et toi ? T'es aussi chiante et désagréable que tu veux le faire croire, ou il y a une histoire derrière tout ça ?

Je lève subitement les yeux vers lui, bousculée par sa question qui me semble un peu trop intrusive. Je me force à déglutir nerveusement et je soupire discrètement.

S'il croit que je vais lui servir mon histoire sur un plateau d'argent, il se fout un doigt dans l'œil. Il y a des choses qui sont bien trop douloureuses pour pouvoir être évoquées. De plus, mon histoire est bien trop foireuse et déprimante pour qu'elle puisse être racontée. Qui voudrait l'entendre si moi-même je m'efforce de la refouler ?

— J'ai dix-sept ans et je vis à Columbus depuis toujours. Je passe les vacances d'été ici parce que j'ai insisté pour ne pas passer une nouvelle fois mon été dans le camping pourri où ma mère adore aller. Laisse-moi rajouter que je ne suis pas désagréable et chiante, mais juste moi-même.

— Si tu es en vacances, pourquoi tu bosses ? demande-t-il du tac au tac.

Je ne peux pas nier que sa remarque est pertinente et je n'avais pas prévu ça. Il ne pouvait pas juste relever le fait que ma mère passe les vacances dans un camping pourri ?

— J'avais envie de me faire un peu d'argent.

Dieu merci, il ne relève pas. De toute façon, je ne lui aurais pas expliqué que si je suis ici, c'est parce que j'ai tellement poussée ma mère à bout qu'elle a voulu me faire payer toutes mes conneries. Ça ne le regarde pas, ça ne regarde personne d'autre que moi.

The Summer JobWhere stories live. Discover now