Chapitre 7

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Kageyama manque de lâcher son arme.

Les yeux démesurément écarquillés, il ne peut que regarder le visage d'Oikawa. Son voisin. Son petit-ami. Le cambrioleur prodige qu'il recherche depuis des mois.

Son cerveau essaie désespérément de superposer ces deux réalités, mais il n'y arrive pas, c'est impossible. Impossible. Oikawa ne peut pas être- le voleur ne peut pas être- plus rien ne fait sens, et Kageyama est incapable d'articuler quelque chose tant l'absurde de la situation le dépasse. Ses doigts, contractés autour de son revolver, sont pris de tremblements incontrôlables.

-Ne me tire pas dessus, s'il te plaît, feint de plaisanter Oikawa. Je veux vraiment ces saphirs.

Il fait volte-face et tourne délibérément le dos à Tobio, même en sachant l'arme pointée droit sur lui ; son attention revient sur le cube de protection, et il se saisit de nouveau de son laser.

Kageyama ne peut rien faire à part surmonter le choc. Le sentiment de trahison compresse sa poitrine. Oikawa n'a jamais été celui qu'il prétendait être, et ses mensonges, jusqu'où vont-ils, tout était-il donc faux ? Une simple ruse pour connaître les plans de la police ? Mais Tobio n'a pas le temps d'y réfléchir. Ignorant tous les sentiments de doutes et de douleur qui menacent de s'emparer de lui, il raffermit sa prise sur son arme :

-Pose ça, lève les mains.

Seul un léger rire lui répond, et Tobio connaît ce rire futile, il l'a détesté d'abord, et aimé ensuite –et l'entendre dans ce contexte lui fait profondément mal. Oikawa n'en a visiblement rien à faire, et découpe soigneusement le verre, concentré sur sa tâche.

-Tobio, Tobio-chan, chantonne le cambrioleur à voix basse. Tu ne t'en es jamais douté, pas même une seconde ?

Kageyama serre les dents, toujours engourdi par le choc. Oikawa a presque terminé avec le cube, ses gestes sont experts et précis.

-Tu m'as menti, murmure-t-il finalement, sans baisser son arme d'un millimètre. Depuis le début, tu mentais.

Oikawa extrait soigneusement le cercle de verre qu'il a découpé et le dépose au sol ; il daigne accorder un regard à Kageyama, louche un instant sur le revolver, puis sourit de nouveau :

-C'est faux, et tu le sais.

Même sans bouger, sans parler, Tobio se sent à bout de souffle. Deux images distinctes flottent dans sa tête, Oikawa, tellement léger et superficiel, simple sur tous les aspects... Et le cambrioleur, celui qui hantait les rêves de Tobio, d'une intelligence redoutable, d'une ruse impitoyable, d'une technique parfaite. Son petit-ami qu'il croyait connaître. Son Némésis objet de fantasmes obscurs. Une seule et même personne.

Il n'ose pas tirer, regarde, à la fois anéanti et fasciné, Oikawa se pencher pour examiner le coffret ouvert recelant les saphirs.

Et Kageyama sait. Il sait qu'il a délibérément laissé de côté la piste de son voisin. Il aurait dû creuser toutes ces contradictions dans son comportement, toutes les questions –cette richesse étonnante, cette soif de domination, cette élégance qui dénotait avec son comportement habituel, tout ce qu'il aurait pu associer au voleur, s'il l'avait voulu, tout ce qu'il aurait pu découvrir, s'il avait choisi de poser une question plus pertinente lorsqu'Oikawa lui en avait laissé l'occasion, s'il avait choisi de demander autre chose que la confirmation de ses sentiments...

Oikawa avance ses doigts gantés, lentement, et rabat le couvercle sur les saphirs pour que ce soit plus commode à transporter. Puis il s'empare du coffret sans attendre, et tout va alors très vite.

Voler son CœurOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz