Chapitre 8

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Ils roulent toute la nuit jusqu'à l'aube, et Tobio se trouve incapable de se reposer convenablement. Le plancher de la camionnette est dur, inconfortable, et il s'est recroquevillé sur lui-même, trouvant dans le long manteau sombre de Karasuno une source de chaleur bienvenue. Plusieurs fois, il relève la tête de ses bras sans savoir s'il a dormi ou non, jette un œil autour de lui –tantôt Oikawa est sur le siège passager à côté du chauffeur, tantôt il est assis près de Tobio.

Il ouvre de nouveau les yeux, sans avoir aucune idée de l'heure qu'il est. La nuit hivernale s'éternise, mais cela doit faire des heures qu'ils sont sur la route ; il est affamé et frigorifié, son dos lui fait mal. Il se redresse doucement pour voir qu'Oikawa a pris le volant –Kageyama ne savait même pas avant ce jour qu'il pouvait conduire- et que le chauffeur, Iwaizumi, est désormais assis près de lui. Il s'est donc endormi... et a manqué un arrêt, visiblement, ce qu'il se reproche, sans vraiment savoir s'il aurait pu tenter quelque chose. Par réflexe, il porte son regard de l'autre côté pour s'assurer que son arme est toujours là, mais le plancher est nu.

-C'est moi qui l'ai, déclare Iwaizumi à voix basse, comme s'il avait lu dans ses pensées.

Kageyama se tourne vers lui. C'est la première fois qu'il le voit de si près ; c'est un homme à l'allure agressive –à peu près autant que lui-même, estime-t-il-, mais peut-être légèrement plus vieux. Il contemple Tobio sans ciller.

-Je ne t'attache pas, dit-il lentement. Oikawa m'a demandé de ne pas le faire. Mais si tu tentes de t'enfuir, je n'y réfléchirai pas à deux fois avant de te tirer dans les jambes... si ce n'est pas dans la tête.

Deuxième menace de mort de la nuit... Ils sont tout de même sérieux, songe Tobio en hochant la tête pour montrer qu'il comprend.

-Tu nous as sacrément facilité la tâche, souffle Iwaizumi en s'adossant à la tôle. La police a été prévenue trop tard pour nous rattraper, maintenant. Tu veux tout faire tout seul, eh ? Ça me rappelle quelqu'un, tiens.

Il se tourne avec un demi-sourire vers l'habitacle, où Oikawa est en train de chanter faux sur une chanson pop. Kageyama baisse la tête. Il a au moins eu raison sur ce point... Le cambrioleur agit seul, planifie et exécute tout lui-même ; un trait qu'ils partagent.

-Et maintenant ? murmure l'inspecteur, espérant qu'Iwaizumi saura le renseigner mieux qu'Oikawa sur ce qui l'attend.

-Pour ne rien te cacher, il me semble peu prudent de te garder avec nous, répond Iwaizumi en fronçant les sourcils. Tu connais notre identité, il te serait trop facile de remonter notre piste si on te relâchait... Mais te prendre en otage n'est pas forcément la meilleure idée qu'Oikawa ait eue. Il est aveuglé par ses sentiments. De mon côté, j'étais plutôt favorable à te laisser dans un fossé avec une balle dans le crâne.

Il lui adresse un sourire froid, mais Kageyama demeure imperméable à cette nouvelle menace, tout occupé par la phrase précédente... Les sentiments d'Oikawa son donc vrais ? La scène du restaurant lui revient en mémoire, sa promesse de vérité, et encore, au musée, lorsqu'il a assuré ne pas avoir menti... Et à présent, le meilleur ami même d'Oikawa le lui confirme. Oui, il y a d'abord eu de la ruse, sans nul doute ; mais le voleur s'est-il aussi laissé prendre à son propre piège ? Tobio se trouve encore plus confus avec cette information.

Son regard erre sur Oikawa. Il s'est changé, de ce qu'il aperçoit de son dos et ses épaules par-dessus le siège, et a troqué sa tenue noire suspecte contre un épais pull-over.

-Un otage, alors, se contente de répéter Tobio à voix basse.

-C'est ce qu'il semble, répond Iwaizumi. On attend de voir la conférence de presse de tout à l'heure sur le vol pour voir ce que les médias pensent de tout ça. Dans tous les cas, qu'ils croient que tu es le vrai coupable ou qu'ils aient compris qu'il y avait quelqu'un d'autre, ils vont se lancer à ta recherche.

Voler son CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant