Boileau

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Depuis la fenêtre de sa chambre, on pouvait distinguer une grande partie de la ville. Il localisait, à quelques mètres près, des endroits qu'il avait parcouru mainte fois au cours des années. Il s'accouda au rebord vieillissant du balcon et huma profondément l'odeur de l'air. Un parfum d'été flottait, charrié par le vent et renforcé par la tiédeur du soir. Un mélange d'herbe ayant chauffé toute la journée, de pollution et d'autre fragrances qu'il n'arrivait pas à discerner, mais qu'il connaissait parfaitement. Le jeune homme se perdit dans ses pensées et ses souvenirs, le soleil renforçant sa nostalgie de temps meilleurs ou l'insouciance régnait en maître. Il se retourna pour rentrer dans sa chambre et attraper un cigarillo qu'il alluma d'un geste précis, trahissant son habitude de consommation, avant de se repositionner sur le balcon et de s'y accouder pour aspirer une grande bouffé de fumée et d'air tiède.

Il avait beau connaître la vue, il ne s'en lassait jamais et portait son regard vers les mêmes lieux encore et encore en ressentant toujours la même émotion. Il se sentait bien ici. Une sérénité comme il en avait rarement connu au cours de sa vie.

Puis, le voile de ses souvenirs se déchira brutalement au son du sifflet du commissaire. La chaleur et les fragrances d'été laissèrent place à la boue et à l'humidité. Davian Boileau faisait souvent ça pour échappé à son quotidien, il rêvait de son monde pour oublier celui sur lequel il se trouvait. La plupart de ses amis l'avaient surnommé "Le Lunard" et ce surnom était resté au sein de sa section.

Il se leva péniblement, son corps protestant contre l'effort. Il ne savait pas combien de temps il avait pu se reposer en rêvant de son monde, mais il n'avait pas la sensation d'être plus frais qu'au moment ou il avait fermé les yeux.

- «Bouge-toi, Lunard. Le borgne veut qu'on se repositionne sur la crête F. Tonna une voix puissante dans son dos.

Davian tourna la tête pour voir qui lui parlais, bien qu'il le sut au son de sa voix.

- « C'est la cinquième fois qu'il nous fait bouger pour rien. Répondit-il en grommelant.

- « Pas mon problème, bouge ton cul, c'est tout.

Le sergent Mactav, un grand gaillard bourru avec lequel il ne valait mieux pas discuter, qui passait son temps à jurer et à pousser ses gars à grand coup de bottes. Ceux qui ne le connaissaient pas pourraient penser qu'il n'était qu'un imbécile sans cervelle, mais les membres de son escouade, dont Davian faisait parti, savait qu'il était bien plus que ça et que c'était le genre de type à avoir un bel avenir au sein de la garde, s'il s'en sortait vivant.

En regardant autour de lui en s'étirant, Davian constata que le reste de la section commençait à bouger vers le point de rassemblement. Il récupéra son barda sans empressement, emportant son fusil plasma lourd en dernier. Il avait la sensation qu'il devenait un peu plus lourd à porter chaque jour. Il suivit le mouvement d'un pas traînant en tentant de se rappeler la vue et l'odeur d'été de son foyer, sans succès. Cela faisait des semaines qu'ils étaient embourbés dans une guerre de trancher contre les forces du Grand Ennemi. Davian ne comptait plus le nombre de dégénérés et de space marines félons qu'il avait vaporisé grâce à son fusil plasma. Il laissait ce genre de décompte à des gardes plus porté sur ce genre racontars, même s'il savait que la plupart n'approchaient pas la moitié de la besogne qu'il abattait à chaque journée d'affrontement dans la boue.

Encore une fois perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas les gardes de sa section devant lui qu'il heurta. Il n'eut pour toute réponse que des grognements et des regards noir. Il porta son attention sur un homme qui s'était perché sur une pile de caisses du munitorum. Ce type était grand, en tenue du commissariat, le traditionnel képi vissé sur la tête. Son œil gauche était dissimulé sous un cache œil, lui donnant un air d'autant plus sévère que son uniforme ne le laissait déjà supposer. Il s'exprimait d'une voix forte et accompagnait ses mots de grand geste afin de motiver les troupes, mais Davian ne l'écoutait pas. Il savait déjà tout ce qu'il y avait à savoir : on bouge vers un autre endroit ou on se fera tirer dessus et ou on devra tirer plus que ceux d'en face pour survivre. C'était simpliste, mais généralement, c'est comme ça que Davian voyait les choses. Il jeta son mégot qui grésilla lorsqu'il se planta dans la gadoue.

Sarbédia : Prélude vers l'abysseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant