30 ~ Ilashan

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En imaginant quelqu'un essayer de trancher la tête de Sylath comme on abat un arbre, Ilashan ne peut s'empêcher de grimacer. Il n'a aucune envie d'assister à cela, pas plus que de le voir brûlé et écorché à cause du soleil. Qu'il s'agisse de son hôte ou de toute autre créature vivante, d'ailleurs. Il a déjà vu assez de morts atroces pour avoir matière à hanter ses cauchemars.
Néanmoins, il est satisfait d'apprendre que le vampire a si peu de faiblesses. Fasciné, aussi, et peut-être un peu horrifié. Ilashan a parfois du mal à concevoir ce que cela signifie exactement que d'être un immortel.

– Si je voulais vraiment me débarrasser de vous, je m'y prendrais autrement. Je vous trouverai plutôt un autre mercenaire insolent pour détourner votre attention. Un qui accepte de porter la tenue des novices.

Il n'a répondu aux taquineries de Sylath que par un regard ironique et un sourire difficilement contenu. Les piques sont plus agréables à lancer lorsque leur destinataire a assez de répondant pour s'en défendre.

– Mais que vous soyez découvert ou pas, de toute manière, personne ne vous prendra pour mon allié. Vous n'avez pas vraiment une allure de mercenaire, et je ne suis pas sûr qu'un déguisement puisse changer quelque chose.

Ilashan s'assoit finalement aux côtés du vampire, contre la caisse qu'ils viennent de vider. Il se moque bien du confort de l'assise tant qu'il peut soulager les muscles de ses jambes, déjà mis à mal par la promenade. Il songe brièvement qu'il a manqué cruellement d'exercice au cours de ces dernières semaines. Il faudra y remédier, pour ne pas entreprendre le voyage en étant trop en dessous de ses capacités.

Avec son teint pâle et sa peau intacte, Sylath ne pourra pas se faire passer pour un vulgaire bretteur vagabond. Il a la silhouette d'un homme qui pratique l'art de l'épée, mais qui ne l'a jamais exercé sur le champ de bataille. Et un phrasé qui trahira sa provenance.

– On vous prendra sûrement pour mon employeur. Un seigneur du nord, ou quelque chose comme ça. Ça pourra être utile pour voyager de nuit. On pardonne plus facilement les extravagances des nobles, surtout quand ils sont étrangers. Il suffira juste de ne pas avoir l'air trop riche, pour ne pas attirer l'attention des voleurs locaux.

Ilashan croise les doigts, le regard pensif. Il craignait que penser à tout cela le rendrait morose, mais c'est plutôt l'inverse qui se produit. La tension qui pesait sur ses épaules s'est considérablement amoindrie depuis tout à l'heure, éclatée comme une boule de neige sur un rocher. Il apprécie au contraire de pouvoir s'occuper l'esprit en attendant l'aube et l'appel du sommeil.
Pire, parler de tout ça a un côté légèrement excitant.

– Par contre, il va y avoir le problème de la langue. Je suppose que vous ne parlez aucun des dialectes du sud ?

Lui-même ne connaissait rien d'autre que sa langue maternelle avant d'accompagner les mercenaires sur les routes du continent. Mais il était adolescent, et il n'avait pas d'autre choix que d'apprendre pour pouvoir se débrouiller par lui-même.
Ilashan voit mal comment ces langages auraient pu parvenir jusqu'aux portes de la forteresse, alors que même leurs cartes sont vieilles de plusieurs siècles. Et il sait qu'il ne pourra peut-être pas toujours leur servir d'interprète.

L'Astre et le Veilleur : Tome 2 : Des flammes dans la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant