L'Astre et le Veilleur : Tome 2 : Des flammes dans la nuit

89 ~ Sylath

Le vampire hésite à intervenir lorsque l'homme implore Ilashan. Le mercenaire semble soudain vouloir fuir la pièce et les mots durs et venimeux qu'il utilise convainquent Sylath de se rapprocher. Lorsque le vampire pousse un peu la porte entrebâillée, Ilashan le remarque enfin et son regard égaré s'accroche à lui.

Sylath comprend sans traduction le conflit de loyauté qui doit faire rage dans la tête du mercenaire. Ces deux hommes sont ses ennemis, ils sont partis à sa recherche pour le tuer. Il ne leur doit rien et il devrait même leur être hostile et ne pas s'en approcher. Mais ils lui ressemblent plus qu'aucun autre mortel ou immortel du Temple, et le coeur du mercenaire doit naturellement balancer en la faveur de ceux de sa terre natale. Aussi, quand Ilashan intercède en leur faveur, Sylath acquiesce.

– Les enfants de l'Astre sont aussi les enfants du Veilleur, déclare-t-il sans quitter Ilashan des yeux. Qu'ils soient traités avec les mêmes égards.

Les guérisseuses hochent la tête, visiblement soulagées de pouvoir offrir au malade le réconfort qu'il demande et l'une d'elles pose alors une main prudente sur l'épaule du chasseur de prime valide.

– Vous pouvez rester avec votre frère, dit-elle lentement pour que l'homme la comprenne.

Toute la tension de la pièce retombe alors. La guérisseuse a redressé la chaise. L'étranger s'y rassoit maladroitement et bredouille un merci dans trois dialectes différents avant de parvenir à le dire dans la langue du Nord. Son esprit est focalisé sur le jeune homme malade dont il prend la main fiévreuse.

Il murmure quelques mots à son frère - frère par alliance sans doute car Sylath n'a pas l'impression qu'ils ont la même odeur - et les répète plusieurs fois. Le garçon s'apaise. Le regard de l'étranger revient alors à Sylath et finalement à Ilashan. Il le dévisage confusément avec un mélange de gratitude et de curiosité. Il ne fait aucun doute qu'il a compris l'aide qui lui a été apportée.

Les subordonnés de ce Dario doivent se sentir complètement perdus, pense le vampire. Séparés les uns des autres depuis qu'ils ont rejoint la garde, ils sont constamment surveillés et très peu de choses ont dû leur être expliquées. De plus, ils travaillent le jour, quand le Temple dort. Ils doivent donc avoir le sentiment de garder une forteresse quasiment déserte depuis leur arrivée.

C'est cet instant de calme que choisit Adamarius pour entrer. Il tend devant lui une fiole emplie d'un liquide orangé, comme si la mixture pouvait le mordre. Sylath reconnaît les fioles d'Auria, le Guérisseur a dû lui demander une potion spéciale pour soigner le jeune homme. Adamarius est un Ancien, mais il était déjà vieux quand le Veilleur lui a offert l'éternité et il est parmi les vampires les plus... excentriques. C'est un excellent médecin, mais il n'a pas vraiment le sens des réalités. Ce qu'il confirme en découvrant ses "invités" inattendus.

Il a un moment d'arrêt puis il s'exclame d'une vieille voix rêche, ponctuée d'un tic de langage rapidement agaçant :

- Ah Ilashan ! Merci d'être venu, mh. Ce jeune homme vous appelait. Il a besoin de repos, mh. C'est le froid... Il ne doit pas être habitué. Mh. Il ne doit pas être habitué...

Puis il donne la fiole à une guérisseuse en insistant pour que le patient boive tout. Si les Anciens ne s'étaient pas promis de ne jamais avoir de discorde devant les humains, Sylath se serait mis en colère à cet instant. Adamarius fait venir Ilashan contre ses ordres auprès d'homme qui veulent le tuer, puis il le nomme distinctement devant eux. Il pourrait aussi leur donner une arbalète et accrocher une cible sur son... calice.

Ce qu'Ilashan n'est pas, se répète-t-il en forçant ses accès de possessivité à se calmer. Et il savait ce qu'il faisait en venant là. Il n'a pas besoin d'une protection rapprochée, il n'est ni fragile ni en danger ici. Ces hommes ne vont rien tenter alors qu'ils sont entourés d'inconnus, dans un lieu inconnu.

Les deux guérisseuses aident le jeune homme à boire la mixture fabriquée par Auria. L'une tient la fiole, l'autre aide le garçon à se redresser et le chasseur de prime les aide. Après un regard à Ilashan qui semble toujours légèrement troublé par la proximité de ces deux hommes du Sud, Sylath décide qu'il est temps de quitter les lieux.