L'Astre et le Veilleur : Tome 2 : Des flammes dans la nuit

64 ~ Ilashan

La salle d'arme est aussi vide que la veille, pour la plus grande satisfaction d'Ilashan. Il dépose sur un banc de bois sculpté les affaires qu'il a emportées avec lui et se dégourdit d'abord les membres pour assouplir et réchauffer ses muscles.
Il se sent chaque jour en meilleure forme, après cette fameuse nuit d'excès en compagnie du vampire. Il n'a pas l'impression que le sang perdu la veille l'a vidé de ses forces, n'a pas non plus de courbatures particulières. Il n'aurait jamais cru pouvoir chevaucher le vampire sans avoir aussi peu mal aux reins.

Ilashan passe une bonne partie de son temps à entraîner son corps et faire travailler ses muscles, bien trop peu sollicités au cours de ces dernières semaines. Il ne sait plus vraiment depuis combien de temps il est ici. Deux semaines, peut-être trois ? Chaque fois qu'il se trouve en compagnie de Sylath, le vampire se montre si tendre qu'il a l'impression de le connaître depuis des années. Pourtant, une semaine plus tôt, Ilashan ne ressentait qu'un mélange de méfiance et de rancœur à son égard. Elles sont sûrement toujours là, enfouies quelques parts en compagnie des vignes des profondeurs et du nerf de bœuf, mais pour l'heure, ce ne sont plus ces émotions-là qui le tenaillent lorsqu'il voit le vampire.

L'activité physique tient pourtant ces pensées à distance. Ilashan pensait se contenter d'exercices simples pour remettre son corps en forme, mais il est rattrapé par une sensation de manque au creux de sa paume, et finit par se saisir d'une lame d'entraînement.
Peut-être l'une de celles qu'utilisent les soldats de la garde de jour. Est-ce que les hommes de Dario l'ont déjà rejoint ? Sûrement pas. Cela ne fait que deux nuits, c'est bien trop tôt. Ils doivent encore avoir besoin de repos et d'adaptation à ce nouvel environnement.
Ils sont cinq, désormais. L'un d'eux est blessé, mais Ilashan ne connaît les visages que de deux d'entre eux. Cela dit, il est plus que probable qu'hormis Dario, ses acolytes ne soient pas capables non plus de le reconnaître.
Sous l'impulsion de leur chef, ils pourraient être pris d'une idée stupide ; encore plus stupide qu'entreprendre un périple dans le nord inconnu à la recherche de deux cadavres. Ils pourraient essayer de le tuer ici, ou bien de le prendre en otage, de le faire prisonnier en pensant qu'il pourrait les mener vers la sortie. Ils auraient l'avantage du nombre... mais lui, il serait en pleine forme. Et il commence à connaître la forteresse.

Ilashan fait tournoyer l'épée dans sa main, comme une jonglerie tape à l'œil, aussi flamboyante qu'inutile.
Et puis il affronte ces ennemis invisibles réunis autour de lui.
Il y passe un long moment, s'évertuant à imaginer plusieurs cas de figure, jusqu'à sentir ses muscles s'alourdir et son corps ruisseler de sueur. Il ne fait pas tout de suite attention à la porte qui s'ouvre, reconnaissant du coin de l'œil la chevelure sombre de Sylath. Il n'interrompt pas son entraînement pour ne pas se couper en plein effort, persuadé que le vampire appréciera la vue, et regretterait qu'il y mette fin pour lui.
Ce n'est qu'en redressant la tête, encore essoufflé, qu'il aperçoit la personne qui accompagne Sylath. Pris de court, Ilashan marque une seconde de surprise. Il se serait arrêté plus tôt s'il avait vu que Boréa accompagnait Sylath.
Mais la gardienne de la bibliothèque n'a pas l'air hostile, et le visage du Flagelleur est aussi calme que d'ordinaire. Ilashan s'autorise à se détendre, devinant que leur entretien s'est bien passé.
Il attrape dans ses affaires la vieille outre de peau récupérée un peu plus tôt, et avale une longue gorgée d'eau fraîche avant d'approcher des vampires. Saisissant la serviette tendue par Sylath, il se frotte longuement le visage avant de les fixer tour à tour.

– Nous assurer de quelque chose ? répète-t-il en fronçant les sourcils. Vous voulez dire... dans le sud ?

Ça l'intrigue, autant que ça l'inquiète. Il dépose la lame d'entraînement et se laisse tomber sur le banc pour observer les deux immortels, qui ont désormais toute son attention.