Freddie et Jim

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Une douce lumière orangée tapisse le ciel. Que c'est rare en Novembre. Pendant un instant, Jim pense que c'est un cadeau que lui fait Freddie pour le remercier de son amour, mais celui-ci n'est plus au ciel. Jim ne peut donc plus lui parler ! Les larmes de l'amant redoublent. Monsieur Hutton est désespéré.

Jim entend l'halètement d'un chien assis à ses pieds.

–Puppie, Puppie ! Viens ici ! l'appelle Freddie avant de courir pour remettre son animal en laisse. Il n'est pas méchant, c'est un golden retriever ! Un vrai doudou pour les enfants ! Dit-il à Jim en caressant son chien.»

Le chanteur constate le visage ravagé de chagrin de l'homme qui accompagnait ses amis.

–Vous êtes l'ami de Brian, John et Roger ? Que vous arrive-t-il ?

–Pardonnez-moi, sanglote Jim en reniflant et tentant d'essuyer ses larmes. Je ... la souffrance l'empêche de parler.

–Chagrin d'amour ? Questionne Freddie en s'asseyant à ses côtés.

–... Deuil, déclare Jim après avoir pris une grande inspiration.

–Toutes mes condoléances, mon cher. Puis-je faire quelque chose pour vous ? »

Jim dévisage Monsieur Mercury. Il ne distingue plus aucun sentiment amoureux, aucune complicité... où est cet homme qui l'avait dragué dans un bar gay en 1985 ? N'a t-il pas tué Freddie Mercury en le sauvant ?

–Êtes-vous heureux ? Demande l'endeuillé.

–Oui, très, affirme le chanteur avec pudeur afin de ne pas paraître vaniteux face à un homme en peine. »

Jim connaît Freddie. Il sait que sa réponse est honnête. Il ne lui ment pas.

–Alors tant mieux, déclare Monsieur Hutton.

–Vous dîtes que vous êtes coiffeur, c'est ça ?

–Oui et barbier.

–C'est étrange, j'ai l'impression de vous connaître...

–Oh, Londres n'est pas si grande, on s'y est peut être déjà croisé. »

Jim ne peut cacher son chagrin. Plus il s'entend mentir à celui qui l'aime et plus il réalise qu'il l'a perdu à jamais.

–Oh, très cher, je ne supporte pas de vous voir ainsi. Dîtes-moi ce que je peux faire pour vous.

–Rien, rien... c'est le propre du deuil, on ne peut rien faire pour l'en empêcher.

–Puis-je tenter de vous réconforter avec une boisson chaude?

–Vous n'y parviendrez pas... mon ami est mort, c'est comme ça. »

À l'entente du mot ami, Freddie écarquille ses yeux. Jim fronce les sourcils afin de cerner la cause de ce changement d'expression chez son interlocuteur.

–Qui y a t-il ?

–Vous avez dit le mot ami... votre façon de dire le mot ami, ça m'a troublé... Vous me rappelez quelqu'un ... enfin.. il me semble, c'était à une soirée, mais, j'étais un peu ivre, et... pardonnez moi, je ne devrais pas vous embêter avec ça.

–Cela ne m'embête pas.

–Vous rappelez étrangement quelqu'un, dit Freddie en plissant ses yeux afin de reconnaître l'inconnu.

–Je ne pense pas qu'on se soit déjà rencontré. Que vous oubliez des gens comme moi, cela paraît normal, mais, si moi, je vous avais déjà rencontré, vous, le Grand Freddie Mercury, je ne pourrais l'oubl...

Jim s'effondre à nouveau en larmes puis il se souvient que son ex-amant n'aurait sans doute pas voulu le voir ainsi. Il prend une grande inspiration et, entre deux sanglots, reprend sa conversation.

–C'est drôle, j'ai lu des interviews de vous plus jeune dans lesquels vous disiez que vous ne souhaitiez pas une vie conventionnelle, et pourtant, j'ai l'impression qu'aujourd'hui vous êtes complètement rangé.

–J'ai fait la fête, j'ai profité de ma jeunesse, mais, il y a un temps pour tout. ... En fait, ... un soir, lors d'une soirée d'après concert, quelqu'un à qui vous ressemblez étrangement m'a dit qu'une maladie allait arrivée, le sida. Et qu'elle tuerait tous ceux qui avait de nombreuses relations sexuelles, notamment les homosexuels. J'étais ivre, je me suis dit, ce mec est dingue ou je suis saoule ! Je suis rentré dans ma chambre d'hôtel avec un doute, une angoisse... je me suis dit : et si c'était vrai ? J'en ai parlé à ma femme, Mary, et elle m'a dit que tout était possible en médecine. Les plus grandes découvertes, les plus grands progrès, comme l'apparition de nouvelles maladies. J'ai pris une cuite ce soir là, seul, et je me suis dit, ce sera la dernière. Ce ne fut pas la dernière, mais c'était la dernière fois que je le faisais de la sorte, sans pensée aux conséquences. Alors j'ai décidé de sortir de cette angoisse du futur en bâtissant quelque chose de solide, sans danger : ma famille.

–Et votre carrière, aussi.

–Oui, mais, quand on est sur le point de mourir, à la fin de notre vie, ce ne sont pas les fans et les paparazzis qui nous aident à tenir, ce sont les gens qu'on aime. »

Jim pleure à nouveau. Il sait combien Freddie dit vrai. Il a vécu à ses côtés jusqu'à son décès. Dans cette nouvelle existence, il ne pourra pas lui dire adieux.

–Pardonnez-moi, je vous parle de derniers instants alors que vous êtes en deuil, c'était indélicat de ma part.

–Ne vous en faites pas, je sais que vous ne souhaitiez pas mal faire. Je suis à fleur de peau pour ne pas dire à fleur de cœur. »

Freddie passe une main dans le dos de Jim. Amicalement.

–Je suis vraiment désolé pour vous.

–Ne le soyez pas, Monsieur Mercury, j'en serai le plus navré des deux.

–Que comptez-vous faire ?

–Rentrez en Irlande, m'entourer des miens. Vous avez raison, ce sont nos proches qui nous aident à tenir.

–Peut-être à une prochaine fois, dans des circonstances plus gaies. »

Jim sourit à l'entente du mot "gaies". Gay.

–Il ne vaut mieux pas, conclue-t-il. Ce fut un réel plaisir de vous rencontrez dans des circonstances moins gay. Bonne soirée.

–Bonne soirée, mon cher. »

Monsieur Mercury rentre dans sa demeure. Jim se retourne afin de le regarder une dernière fois. Le chanteur, lui, ne cherche pas Monsieur Hutton du regard comme il l'aurait fait du temps où ils étaient amants. La porte de Garden Lodge se referme. Le soleil termine sa course. Jim voit soudain la Doloréane passée à vive allure devant ses yeux avant de s'engouffrer dans le portail temporel. Il ne parvient pas à distinguer ses passagers mais suppose qu'il s'agit de Marty et Doc qui reprennent le cour de leur temps. Sans machine, plus de remaniement possible de l'Histoire. Jim prend une grande inspiration et tout en fixant son ancien domicile déclare :

–Adieu, Freddie. »


Sauvons Freddie!!Where stories live. Discover now