NASH - MARVEL

Chapitre 47 : Bucky

Le cœur qui bat fort, je n'ose plus faire un seul mouvement. Et lui non plus, apparemment. Le silence qui règne dans la pièce est vraiment pesant. Même si je suis maintenant certaine de la personne qui se trouve en face de moi, j'ai besoin de m'en assurer de vive-voix, ayant du mal à croire qu'après tout ce temps, je le retrouve enfin.

« Bucky ? »

Il ne me répond pas immédiatement, me faisant languir d'entendre sa réponse.

« Qu'est-ce que tu fais là ? Lâche-t-il. »

Je repose son carnet sur la table de la cuisine et réfléchie une seconde. Il a écrit dans son carnet qu'il ne se souvenait pas de mon nom, alors peut-être qu'il ne se souvient toujours pas. Je pouffe nerveusement en secouant la tête et je lui lance un regard. Il a fait un pas vers moi, mais il est toujours dans l'ombre de la nuit.

« Je te cherchais, dis-je simplement.

- Pourquoi tu me cherchais ?

- Si tu te souvenais de moi, tu n'aurais même pas à me poser la question. »

Il fait un autre pas vers moi. Un coup de vent puissant fait s'envoler le rideau qui menace de se décrocher. Maintenant à moitié ouvert, les lumières du centre-ville et celle de la lune me permettent de distinguer le visage de Bucky. Il fait un autre pas, se retrouvant de l'autre côté des plans de travail de la cuisine, restant toujours aussi silencieux.

« Mais bien évidemment, tu ne te souviens toujours pas de moi. N'est-ce pas ? Ce n'est pas grave, je m'y attendais, à vrai dire.

- Je me souviens de toi. »

Je lui lance un regard rempli d'espoir. Il me montre du menton le carnet que j'avais dans les mains il y a quelques secondes.

« De pas grand-chose, mais de suffisamment pour savoir que tu n'avais aucune raison de me retrouver. A part si tu es rancunière et que tu as envie de me rendre ce que je t'ai fait.

- Ce que tu m'as fait ?

- Tout le mal que je t'ai fait. »

Je fronce les sourcils et fais un pas vers lui. Il recul subitement, m'arrêtant dans ma demi-marche.

« Je t'ai fait du mal. Alors pourquoi tu me souris comme si ce n'était pas le cas ?

- Tu ne m'as pas fait de mal...

- Ce jour là, tu m'as appelé. Tu as crié mon nom, tu m'as supplié de t'aider, de ne pas les laisser te faire de mal. Tu n'as pas arrêté de croire que j'allais t'aider pendant qu'ils te broyaient le cerveau, tu n'as pas arrêté de m'appeler et de me supplier. Mais moi, je t'ai regardée souffrir comme si ça n'avait pas d'importance. Je t'ai ignorée, alors que j'aurais pu te protéger.

- Ce n'était pas de ta faute...

- C'est moi qui t'ai portée et forcée à rester sur cette chaise. C'est moi qui t'ai attachée, c'est de ma faute.

- Tu ne réfléchissais plus. Ils t'avaient conditionné, Buck. Tu n'agissais pas selon tes propres pensées.

- Mais je t'ai laissé souffrir. Je me souviens encore très bien de ce jour là. Il m'empêche de dormir correctement. Rares sont les nuits où je ne t'entends pas m'appeler, me supplier, alors que je te regardais souffrir sans agir. »

Je souffle du nez et regarde mes pieds une seconde avant de le regarder de nouveau.

« Et... tu ne te souviens que de ça ?

- Que de ça ? Non. Comme si ce n'était pas assez, je me souviens de toutes les fois où j'ai manqué de te tuer pendant un entraînement. Et aussi ces fois où j'étais prêt à te laisser tomber pour rester concentré sur ma mission. Je me souviens très bien de t'avoir poignardée sur le pont l'autre jour, de t'avoir frappée et blessée.

- Bucky, ce ne sont que les mauvaises parties du décor. Tout ce que tu me dis, ce n'était pas toi. Tu ne pouvais pas faire autrement que d'obéir. J'en sais quelque chose, parce que moi aussi, j'ai bien manqué de te tuer à plusieurs reprises. On est quittes là-dessus, tu peux me croire. Je t'ai même fait bien plus de mal que toi tu ne m'en as fait, à vrai dire. Tu t'en souviens, de ça ?

- ... non. »

Je fais un pas en sa direction.

« Bucky, je sais exactement par quoi tu passes, parce que je suis passée par la même chose avant toi. Lorsque je suis sortie du conditionnement, j'ai totalement perdu la mémoire. Puis je me suis souvenu de toutes les choses affreuses que j'avais faites, au point que ma culpabilité soit si lourde que je me mette à me déteste moi-même. Mais avec le temps et beaucoup d'aide, j'ai fini par retrouver la mémoire. C'est vrai qu'il reste encore beaucoup de zones floues dans ma tête, mais je me souviens des bonnes choses aussi.

- Ça fait un an et demi que j'essaie de retrouver la mémoire. Et à chaque fois que j'ai un flashback, c'est d'un moment où j'ai fait du mal à quelqu'un. Je n'ai jamais rien fait de bien. Je n'ai probablement jamais été quelqu'un de bien.

- Laisse-moi te prouver le contraire. »

Je m'approche jusqu'à me retrouver à cinquante centimètres de lui. Son regard ne me quitte pas, méfiant mais surtout terrifié. Je tends ma main vers lui et la pose sur son poignet. Je la remonte doucement jusqu'à son coude en le regardant dans les yeux.

« On s'est fait une promesse, Bucky. On s'est promis que si un jour l'un de nous oubliait l'autre, on ferait en sorte de l'aider pour qu'il retrouve la mémoire. Alors laisse-moi t'aider.

- Et si je refuse ?

- Je te forcerais.

- Et comment ? »

Je souris machiavéliquement en pensant à un compromis qu'il ne peut pas vraiment refuser.

« Tu te souviens de Steve ?

- Pas vraiment. Pourquoi ?

- Il a vraiment envie de te retrouver, lui aussi. Il y a une époque où vous étiez meilleurs amis et où vous auriez tout fait l'un pour l'autre.

- Et alors ?

- Si tu ne me laisses pas t'aider, je lui dis que je t'ai retrouvé.

- Je ne serais plus là lorsqu'il arrivera.

- Parce que tu crois que maintenant que je t'ai enfin retrouvé, je vais te laisser filer ? »

Il allait faire un pas en arrière mais je resserre la prise que j'avais sur son bras. Il regarde ma main qui le maintient fermement et soupire longuement.

« Si tu dis à Steve que je suis ici, si tu lui dis que tu m'as retrouvé...

- Pas besoin d'inventer une menace que tu ne mettras jamais à exécution. Je te promets que je ne lui dirais rien le temps que tu me laisses t'aider. »

Il me regarde dans les yeux et secoue positivement la tête. Je desserre ma prise pour qu'elle soit douce et redescends ma main vers la sienne. Lorsque je touche la peau de son poignet, il semble perturbé. Je n'arrive pas à croire qu'après tout ce temps, je peux enfin le revoir et effleurer sa peau. Sa présence m'avait tellement manqué que j'en ai les larmes qui me montent aux yeux. Bucky fixe nos mains qui se rapprochent et attrape subitement la mienne dans la sienne en fronçant les sourcils. Je souris et une larme roule le long de ma joue.

« Je suis vraiment heureuse de t'avoir enfin retrouvée, Bucky. »

Sentant que le timbre de ma voix a changé, il relève la tête pour me regarder. De son autre main, il efface la larme qui a humidifié ma joue. Il brise la distance qui nous séparait pour me prendre contre lui, tenant toujours ma main dans la sienne.

« Je ne sais toujours pas pourquoi tu t'obstines tellement à me retrouver et à m'aider, et j'ignore totalement pourquoi tu pleures, mais... ça me fait du bien que tu sois là. »

Je resserre l'étreinte, me callant contre son épaule. Ça y est, je l'ai enfin retrouvé. Ce sentiment de solitude que je ressentais malgré la présence de mes amis s'est enfin évaporé, en une étreinte sous la lumière de la lune.