II- Amour avoué

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            Reims, vendredi 21 juin 1940, 07h30.




Je me lève de mon lit afin d'ouvrir la fenêtre. La fraîcheur du matin, le ciel ensoleillé, le silence, seulement le chant du rossignol. Depuis un mois, les réquisitions, les lois allemandes, les violences ont fait leur apparition. La vie devient de plus en plus compliquée. La nourriture se raréfie, on manque de pain, de viande, de sucre, de beurre... On manque de tout.
Devant les magasins, les queues deviennent interminables. Il faut donc aller le plus tôt possible pour avoir de quoi manger.

J'enfile une simple robe bleue en coton, je me fait une tresse et j'applique seulement de la poudre sur mon visage. Je me parfume. Je prend mon sac et je sors. Les rues sont vides. Après une heure d'attente devant l'épicerie, j'ai eu deux tranches de pain, avec un maigre morceau de fromage.

[...]



Reims, vendredi 21 juin 1940, 19h50.





Je me dépêche de sortir de la maison, je suis encore en retard pour le shabbat. Lors des shabbats, je vais chez la famille Zuckerman, les amis de mes parents. Après dix minutes de route j'arrive enfin devant la maison. Je toque à la porte et c'est Isaac qui me l'ouvre. Isaac est le fils d'Esther et de Yankel, il a cinq ans plus que moi. Son père a combattu avec mon père pendant la guerre. Ils ont immigré en France, après les lois de Nuremberg. Isaac a deux grands frères. Contrairement à leurs enfants, les parents d'Isaac parlent pas beaucoup français.

- Désolée du retard. Je n'ai pas vu l'heure passée. Isaac me sourit bêtement. J'entre dans le salon, en évitant de lui adresser un regard.



- Les autres ne sont pas encore arrivés. Dit-il en s'approchant de moi. A chaque fois que je le vois, j'ai des papillons dans le ventre. Ses cheveux noirs, ses yeux bruns, son caractère... me font tomber amoureuse. J'ignore si moi aussi je lui plaît.
Mais une chose est sûre, c'est que je l'aime.



Il est tellement près de moi que je peux sentir son souffle. Je le regard noyée dans ses yeux.

- Je pense toujours à toi. Chuchote-t-il dans mon oreille gauche. J'ai l'impression que mon cœur va explosé.
Suis-je en train de rêver ?

- Je sais pas quoi... Sans avoir la possibilité de terminer ma phrase il m'embrasse. Sans réfléchir, j'intensifie son baiser au point d'être essoufflée. Un désir, une envie chaleureuse envahit mon corps. Il me plaque contre le mur et commence à déboutonner ma robe. Il colle son bas-ventre contre le mien. Je l'arrête brusquement.

- Ich... kann nicht. ( Je...ne peux pas ). Je peux voir dans ses yeux qu'il est déçu.

- Pourquoi ? Je ne te plaît pas ?

- Non ce n'est pas ça, au contraire tu me plaît beaucoup mais... je ne peux pas, c'est encore trop tôt. Il se recule de moi et je boutonne ma robe en ayant très honte.

- Écoute Rebecca, je t'aime... Je suis sérieux. Est-ce bien réel ? Il m'aime ? Je le regard, choquée par ses propos qui me font tant plaisir. Je rêvais d'entendre ça depuis longtemps, depuis des années.

Soudain, j'entends des bruits venant de l'extérieur.

- Ne t'en fait pas, ça restera entre nous. On reprendra cette discussion plus tard. Je rougis, j'entends la porte s'ouvrir, je me recule un maximum d'Isaac pour éviter les soupçons. On les accueils avec un grand sourire comme si de rien ne s'était passé. Ils nous renvoient un sourire.

Quelques heures plus tard je dois rentrer à cause du couvre-feu. Durant tout le shabbat mon regard s'est porté sur Isaac, sur ce garçon qui me fait oublier la guerre.

Je suis prête à sortir de la maison. Quand tout à coup il m'agrippe le bras.

- Je viendrais te chercher demain, sois prête à 19h00. Me dit-il.

- Je suis navrée mais demain je ne pourrai pas. Lui dis-je, déçue.

- Tu va aller au bal ? Dit-il d'un ton sec.

- Comment tu le sais ? Et oui... pour m'amuser un peu.

Il dit rien, mais je vois voir sur son visage qu'il est furieux.

- Isaac... Dis-je en caressant sa joue. Tu n'as pas à t'inquiéter. Tout va bien se passer. Les nazis ne connaissent ni ma religion ni mes origines, je ne risque rien. J'ai besoin d'aller à ce bal pour me changer les idées. Je m'en moque qu'il y ait des nazis ou pas. Je veux seulement m'amuser.

Je dépose un baiser sur ses lèvres.

- Fait attention à toi. Dit-il avec un petit sourire.

Je lui sourit aussi et je sors de la maison des Zuckerman. Je suis tellement heureuse que j'ai même réussi à oublier mes problèmes...

Enfin avant de tomber sur deux soldats soûls.

Condamnée à Aimer Where stories live. Discover now