XXVI- Une réception effrayante

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Hôpital Lariboisière, Paris, mardi 31 décembre 1940, 19h50.






J'ai énormément de chance d'être ici. Nous mangeons correctement contrairement à la population française, et le bâtiment est réchauffé.
Je suis ici, loin de la guerre. Je suis ici en tant qu'allemande, et non en tant que française.

Je n'ai plus à avoir peur.

Je travaille dans une partie de l'hôpital, réservée à l'administration. Nous sommes une vingtaine de secrétaire dans une grande pièce.
Nous passons la journée à taper sur les machines à écrire, et à ranger des dossiers. Une secrétaire, au nom d'Ursula m'a présenté le bâtiment et elle m'a également montrer ce que je devais faire en tant que secrétaire.
C'est vrai que j'aurai tout de même préféré être infirmière que secrétaire. Mais ce n'est pas si important que cela. Peu importe ce que je suis. Tant que je suis en sécurité...
Cependant ma grossesse ne se porte pas très bien. Depuis que j'ai quitté Reims, j'ai de nouveaux, des maux de têtes intenses, ainsi que de forts nausées. Erika m'a donné la veille un flacon de comprimés. J'hésitais au début, je ne voulais pas prendre ces comprimés. J'avais peur que cela soit nocif pour ma grossesse. Mais elle est infirmière, elle sait ce qu'elle fait, j'ai donc finalement accepté et pris ces médicaments.





Aujourd'hui, nous sommes le 31 décembre 1940. La dernière soirée de l'année 1940.
Cette année qui m'a transformé.
J'étais avant la guerre, une jeune fille, qui ne se souciait de rien. Une fille qui passait ses journées à lire au pied des rivières ardennaises. Et qui sortait sans cesse se promener. Ni la chaleur extrême, ni la pluie diluvienne, et ni le temps glacial, ne pouvait m'empêcher de sortir.
Je cachais mes magazines de mode, sous mon matelas pour ne pas que ma mère les découvrent. Ma génitrice supportait mal ma soif de liberté, de découverte, ma coquetterie et mes sorties incessantes. Étant issue d'une famille très religieuse, elle jugeait mal ce côté extraverti que j'avais. Mon père était moins strict. Il vient d'une famille berlinoise très pauvre contrairement à ma mère qui elle, venait d'une famille aisée. Mais ma mère, après  la mort de son père tué lors de la bataille de Verdun par des soldats français, alors qu'elle était encore adolescente, sa mère avait décidé que ses enfants et elle, allaient quitter l'Allemagne. Ce pays faisait souffrir sa mère devenue veuve plus que tout, elle avait décidé de retourner dans son pays natal, qui était la Turquie. Ma mère a dû apprendre rapidement le turc, bien qu'elle connaissait tout de même quelques mots. La Turquie lui parut étranger, mais elle s'est rapidement habitué à ce pays. La politique kémaliste en Turquie avait été d'une grande aide pour ce pays qui avait sombré dans la misère à la fin de la grande guerre, comme son alliée l'Allemagne. Cette politique avait augmenté l'économie de ce pays. Mais l'argent n'était pas un problème pour ma grande-mère, puisqu'ils voyagèrent souvent en Allemagne, principalement lors des fêtes juives.
Mes parents se sont rencontrés dans une synagogue à Berlin, lors des allumages de bougies d'Hannouka.
Tout s'est rapidement déroulé. Le premier regard, la première discussion, la première sortie...
Plus tard, après s'être unit pour le meilleur et pour le pire, ils quittèrent l'Allemagne promptement. L'Allemagne souffrait d'une grande crise économique. La famine, la misère, les violences rôdaient dans les rues allemandes. Quelques mois après leur arrivée en France, ma mère accoucha. Je suis leur première enfant. Et quatre années plus tard, ils donnèrent vie à mon frère cadet, Abraham.
Ce garçon... Bien que nous passions nos journées à nous embrouiller, il m'est d'une grande importance. Il doit avoir si grandit...

Comment va-t-il ? Comment vont mes parents ?

C'est horrible comment ils me manquent énormément. J'espère les revoir aussitôt.
Après l'accouchement peut-être.
J'espère qu'ils ne seront pas choqués lorsqu'ils me verront avec deux bébés. Comme tout parents au monde, ils me comprendront.
Je leur dirai jamais la triste vérité. Que ces enfants sont issus parmi plusieurs viols. Non je ne leur dirai pas cela, non.
Car aujourd'hui j'aime Oliver plus que tout.
Je leur dirai que j'ai rencontré le grand amour.
Qu'Oliver m'a protégé.
Cela dit, il m'a protégé en m'envoyant ici. Il a risqué sa vie pour moi.
Je suis recherchée à Reims, dénoncée par mon propre peuple en tant que juive terroriste.


Condamnée à Aimer Where stories live. Discover now