Chapitre 1 (4) : Soliloque ad Pictorem

298 21 690
                                    

Nous nous relevons à peine l'annonce terminée. C'est là que je remarque que j'ai toujours avec moi ma corbeille et mon pain. Fébrile, j'en avale un morceau en vitesse et en tend un à Veikko, qui l'attrape avec un sourire et un merci. Puis je regarde Hikage. La jeune fille multicolore s'est mise dans un coin sans même que je le remarque. Curieuse, je m'approche, mais en retour elle recule un peu plus.

- Bon ben j'y vais moi ! lance Kagari avant de s'enfuir en courant.

Il ne s'épuise jamais ?! Il n'avait même pas l'air essoufflé tout à l'heure ! Comment un bonhomme si petit peu courir autant ? Peut-être qu'il adore juste courir...difficile à dire...A moins que ça n'ait un sens caché que je ne découvrirai que plus tard ? A ce stade, on ne peut plus me reprocher de raisonner en termes de scénario, toute cette histoire y ressemble beaucoup trop, et ça ne peut pas faire de mal d'essayer de prédire la suite des évènements.

Or, dans un scénario "intéressant", il y aurait au moins un meurtre. Si Monokuma est le maître de cette histoire, son écrivain en quelque sorte, alors il trouvera un moyen de nous faire nous entretuer. Je frissonne. Il fait vraiment froid sous l'océan....

- Wen...Wen Xiang ?

C'est Hikage. La pauvre semble avoir encore plus froid, et pourtant elle garde ses manches retroussées. Étrange....Elle s'approche de moi en tremblant de tout son corps.  Je jette un œil à Veikko.

- Veikko ? Tu...tu peux lui...prêter ton écharpe ?

Le Dj hausse les sourcils, surpris, mais obtempère malgré tout. Ses doigts viennent attraper le bout de tissu qui protège sa gorge, et il le retire rapidement avant de me le lancer. Précautionneusement, je viens l'enrouler autour du cou de Hikage en faisant bien attention à ne pas toucher la moindre parcelle de sa peau. Cela ne l'empêche pas de rougit violemment lorsque je resserre doucement l'écharpe, puis recule.

- Ça..ça va mieux ? Tu devrais peut-être....déployer tes manches ?

- Non...non...ça ira....marmonne-t-elle, l'air déjà moins frigorifiée.

- Pourquoi ? interroge Veikko, visiblement mécontent d'avoir dû lâcher sa précieuse écharpe.

Hikage baisse les yeux sous son ton inquisiteur, l'air prête à se refermer sur elle-même comme une huître. Inquiète, je la regarde, puis je pose avec hésitation ma main sur son épaule, en tentant de prendre un ton ressemblant à celui de Raraka, ce même ton qui avait réussi à m'apaiser aussi aisément :

- Ne...ne te préoccupe pas de lui. Tu nous le...le diras plus tard... si tu en as envie.

Elle acquiesce silencieusement, et nous nous mettons en marche vers le réfectoire pour rejoindre Monokuma, et probablement les autres. J'appréhende ce moment. Surtout une éventuelle rencontre avec Sukina, l'Ornithologue, et ses fichus corbeaux....ou pire, Yuzuha ! Si elle essaye encore de sauter sur Veikko, je risque de m'énerver et...

Et là ce sera sûr que personne ne voudra de moi.

Je pousse un long soupir en même temps qu'un léger frisson vient secouer ma colonne vertébrale. Je sais que nous sommes dans une cité sous l'eau, mais installer un système de chauffage, aurait-ce réellement été si dur ? Monokuma a construit une cité sous l'océan, avec des portes ridicules, le tout recouvert d'or,  mais mettre un radiateur c'était trop demander ?

Frustrée par ce détail pourtant anodin, je tente de détourner mon attention, et mes yeux tombent finalement sur Hikage, qui me fixe, ses pupilles multicolores rivées sur moi. Aussitôt, mon visage prend une délicate teinte écarlate.

- Tu...peux arrêter ?

- P...pardon !

Elle détourne le regard. J'entends Veikko soupirer derrière moi. Ça ne doit pas être facile d'être coincé entre deux introverties trop timides pour ouvrir la bouche...

Danganronpa : L'Enfer AquatiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant