Pourvu que l'espoir nous sauve

Rêver sans étoiles

Pourvu qu'une main se tende vers moi, et envole toutes les autres. Un jour peut-être, elles cesseront de me tourmenter, de me bousculer, de m'enfoncer dans cet océan, de m'entraîner vers les abysses. Pourvu qu'une main vienne du ciel, la-haut, pourvu qu'elle m'élève vers elle.

Je ne suis pas sortie. Je n'ai pas vu la lune. Je n'ai pas vu les étoiles. Je n'ai pas chassé l'angoisse de ma vie par l'angoisse de la grandeur infinie de l'univers. Parfois, se dire qu'on n'est rien face à cette immensité, c'est un peu se rappeler que'avoir le coeur vide et les larmes aux yeux n'est qu'un vide parmi un autre si démesuré.

Je ne suis même pas un grain de sable dans le désert, même pas une goutte d'eau dans l'océan. Pas une étoile dans l'univers. Je ne suis qu'un grain de poussière face à l'immensité, je n'ai aucune importance, aucun impact. Et soudain, cette idée m'est agréable. Je ne suis rien, et cela me conforte. Je ne suis rien.

J'ai regardé le ciel, le brouillard traversé par l'éblouissante lumière du soleil. Si grand, si lointain, si puissant. Autodestructeur. "Comme toutes les belles choses, il attirait la destruction."

De l'origine de cette phrase, je n'ai qu'un vague souvenir. Un livre, étrange mais bien écrit. Un marais, un château ou une forteresse - que sais-je - à couper le souffle. Un monstre, probablement.

Je me réfugie dans les livres comme l'enfant dans les bras de sa mère.

Oui, s'il-vous-plaît, encore une autre histoire. Laissez-moi rêver encore, rêver que je n'existe pas, laissez-moi voyager dans ces vies auxquelles je n'appartient pas. Je veux changer de peau, changer de vie, de contexte, d'époque, je veux qu'on me peigne une autre atmosphère, un autre caractère, un autre visage.

Laissez-moi vivre ce que je n'ai pas vécu, qu'importe les étoiles dans mes yeux, laissez-moi quitter la réalité. Plus d'immensité, plus d'angoisse, plus de peur de la grandeur infinie et de l'insignifiance de nos vies.

Ce soir je veux rêver de ce que je ne suis pas. De ces fausses vies, de ces mensonges, de ces histoires écrites pour les mortels ennuyés. Je veux lire et me perdre dans les mots couchés sur les pages de papier.

Je vais changer de vie pour un temps.

Je veux rêver sans étoiles.