c h r i s

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– Zia, file-moi la 4 fromages, demande Nolan en tendant la main vers la boîte en carton posée par terre.

– Tu rêves mon pote, il reste qu'une part et elle est pour moi !

– Allez, s'il te plaît, c'est moi qui suis allé acheter les pizzas, renchérit-il en passant la main dans ses boucles brunes.

– Avec moi ! intervient Jules.

– Exact. Donc logiquement, Jules et moi devrions nous partager la derni...

Mais Zia ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase et croque à pleines dents dans l'objet de leur convoitise. Aussitôt, Nolan se jette sur elle pour la lui prendre des mains, mais Zia perd l'équilibre et tombe du banc sur lequel elle était assise, entrainant Nolan dans sa chute.

On entend d'abord de grands éclats de rires, puis un silence gênant s'ensuit. Les deux amis prennent alors conscience de leur position : Zia est allongée dans l'herbe, la part de pizza toujours entre ses dents. Nolan est posté au-dessus d'elle, une main appuyée de chaque côté de la tête de Zia, afin qu'il ne l'écrase pas de tout son poids.

Nolan se relève rapidement, un air gêné mais adorable sur le visage. Puis il se rassoit et regarde Zia qui savoure le reste de sa pizza en le dévisageant d'un regard à la fois victorieux et séducteur. Il faut dire que ses grands yeux en amande et ses longs cheveux noirs ont un certain charme.

Ah, ces deux-là. Aussi loin que je me souvienne, ils ont toujours été attirés l'un par l'autre, mais jamais aucun des deux n'a fait le premier pas. Ce sont mes deux meilleurs amis et je donnerais tout pour les voir ensemble, ils seraient tellement mignons... Par contre, je refuse de tenir la chandelle ! Eux seuls semblent ne pas remarquer que leurs sentiments sont réciproques car, dans le groupe, tout le monde en a parfaitement conscience. À part peut-être Matt...

Matt connaît Zia depuis qu'ils ont trois ans et, d'après ce que j'ai compris même si ce lourdaud a du mal à se confier, il est amoureux d'elle depuis longtemps. De toute façon, ça crève les yeux, rien qu'à voir le regard qu'il porte sur elle quand elle danse ou quand elle rit... et aussi celui qu'il porte sur Nolan lorsqu'ils sont ensemble. Je vous laisse imaginer qu'il n'est pas des plus tendres.

Matt est grand et costaud. Il a des yeux très sombres, tout comme ses cheveux. Il est depuis toujours celui que je parviens le moins à cerner dans le groupe. Il agit parfois de manière très bizarre, voire flippante... Bref, ce n'est pas mon meilleur ami mais j'arrive à le supporter parce qu'il est dans la bande depuis qu'il a sauvé Zia des griffes d'un pervers taré.

C'était en quatrième, au collège. À la sortie des cours, un lycéen l'avait embarquée avec lui et qui sait ce qu'il lui aurait fait subir si Matt n'était pas intervenu et n'avait pas écrasé son poing sur la figure de ce malade mental. Je lui serai toujours reconnaissante d'avoir été là quand il le fallait et de l'avoir défendue mais je ne l'apprécie pas vraiment pour autant.

– Il reste du Coca ? demande Clem.

Clem est une fille géniale et drôle. Elle est toujours là pour nous remonter le moral lorsqu'on en a besoin et elle a toujours le mot pour nous faire rire. Ou pour clasher Matt. C'est la sportive du groupe et je l'admire, elle et ses cheveux rouges coupés au carré.

– Je ne sais pas si Sofiane t'en a laissé, répond Lily.

– Quoi ? J'ai à peine bu deux bouteilles ! Oui, bon, peut-être trois... se rectifie-t-il en voyant le regard que Clem lui lance. Mais moi, au moins, c'est pas les bouteilles d'alcool que je vide, hein Jules ?

– Mec, c'est de la bière. 5 degrés, même pas, répond le blond.

– T'en es quand même à ta septième, je dis en passant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

– Petite nature ! me charrie-t-il avec un clin d'oeil.

Ce Julot, on ne le changera pas ! Un vrai séducteur dans l'âme. Mais au fond, tout le monde sait que c'est pour rire car il a fait son coming out l'année dernière. C'est le garçon le plus gentil que je connaisse.

Quelques minutes plus tard, une fois les estomacs rassasiés et les bouteilles – de Coca comme de bière – vidées, on s'assoit au bord du lac et on regarde le soleil se coucher.

– C'est fou, on s'en lasse pas, murmure Lily en passant les mains sur sa robe blanche qui vole au vent.

– De quoi ? Des couchers de soleil ? demande Matt.

– Oui. De ça et de tout le reste. La cabane, les pique-niques, tout ça quoi.

On hoche simultanément la tête. Elle a raison, on fait ça depuis de nombreuses années maintenant et on ne s'en est jamais lassés. Un sourire vient alors se plaquer sur mon visage.

– Bon ! Et si on passait aux choses sérieuses ? dit Nolan.

– Oh oui, Chris ! renchérit Clem.

– Oui, oui, oui ! s'exclame Sofiane et tapant des mains comme un enfant.

J'éclate de rire.

– Allez, montre nous ce que t'as dégoté, insiste Matt.

– D'accord, mais je vous préviens. Le vendeur me l'a bien spécifié : on doit faire ça solennellement et dans les règles de l'art.

Je vois Zia lever les yeux au ciel, amusée. Et je la comprends. J'aurais certainement agi de la même manière à sa place. Cependant, même si j'essaie moi aussi de tourner ça à la rigolade, je veux respecter les consignes strictes que m'a données le vendeur. Ce n'est pas que j'ai peur, mais disons que je préfère prendre mes précautions et ne pas prendre de risques inutilement. Dès que j'ai senti l'atmosphère qui régnait dans le magasin où je l'ai acheté, j'ai su que quelque chose clochait. On va bientôt découvrir quoi.

Alors, comme la nuit et la fraîcheur commencent à tomber, on décide de rentrer s'abriter dans la cabane. J'ai hâte de leur montrer enfin ce que je me suis démenée à trouver pendant plusieurs semaines.

Alors que tout le monde est installé autour de l'imposante table en vois qui trône au centre de la cabane, je sors la précieuse boîte. Toutes les têtes se penchent pour avoir plus d'informations sur la nature du jeu, mais la boîte est noire et unie.

Je m'éclaircis la gorge et annonce d'une voix moins assurée que je l'aurais voulu :

– Les amis, je vous présente le premier exemplaire au monde du célèbre jeu du Loup-Garou.

𝐐𝐔𝐀𝐍𝐃 𝐋𝐄 𝐉𝐄𝐔 𝐃𝐄𝐕𝐈𝐄𝐍𝐓 𝐑𝐄𝐀𝐋𝐈𝐓𝐄Where stories live. Discover now