CHAPITRE XXXI: LE MASSACRE

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Bloc Nord, forêt du Sauge, cinq ans plus tôt.

Il faisait froid. La nuit était épaisse devant une lune absente. Le vent soufflait par bourrasques intermittentes. Il agitait les feuillages des arbres dans un ballet rendu effrayant par la mesure que le nouveau chef d'orchestre battait. Unique preuve de leur présence, une pluie battante qui mettait à l'honneur les senteurs naturels d'arbres printaniers, de terre mouillée et de fleurs sauvages. Les gouttes épaisses tombaient drues sur leurs têtes dissimulées devant une ascension autant pénible pour leurs corps que celui leur guide.

Poslim en avant ouvrait la marche en empruntant le petit chemin escarpé que son ours leur dégageait, la pluie lui mouillant son poil bleu et blanc translucide. C'était la vingt et cinquième attaque mortelle des vampires roturiers et leur troisième filature en cette nuit fraîche d'octobre. Malgré les conditions pénibles, la nature qui les repoussait pour mieux pouvoir les avaler, la prudence qu'ils s'obligeaient dans leur ascension forçait une admiration pour le moins paradoxale. Dans le sous bois, ils traquaient l'animal sauvage qui les entraînait un peu plus profondément dans les bas-fonds.

La pluie coulait. Elle continuait son concert, ses notes associées aux éclairs qui zébraient le ciel d'un blanc cassé enchaînaient les grondements de plus en plus menaçants. Poslim siffla encourageant son spirit anhilum à augmenter la cadence. Obéissant, l'animal bondit de plus belle dans les flaques de ses longues pattes grises aux griffes pointues. Il traquait ainsi l'odeur du bout de vêtement qu'il avait réussit à arracher au déviant, le Nocturnz qu'ils chassaient. Les babines retroussées, le quadrupède désormais grondait, ses lourdes pattes grattant contre un amas de branches.

Le groupe se reconstitua au devant de la sérendipité. Face à elle, Ty émis un seul ordre. Immédiatement alors, les  branchages qui avaient plus ou moins servis à dissimuler ce qui se révélait être une cabane de chasse volèrent dans l'air vers une destination inconnue. Une récompense naturelle qu'ils ne se refusaient pas. Ils s'étaient acharnés sur cette piste infime dans les ténèbres de la nuit, malgré la pluie qui soudainement compatissante mourrait lentement. La moiteur interne les accueillit tout de suite avec son odeur répugnante. Elle s'infiltra au delà même de leurs pores en créant le genre de nausée qu'on se savait incapable de contenir. Ce fut Féline qui craqua en premier, elle vomit en se détournant précipitamment.

Ty laissa son iji le précéder à l'intérieur de leur nouvelle scène de crime où malgré l'heure avancée des mouches bourdonnaient à plein régime. Il y en avait toute une légion disséminée au dessus des cadavres. On pouvait en compter une vingtaine environ dont les chairs encore fraîches avaient été pendues au plafond. Au sol, où des gouttes de sang échouaient dans l'écueil improvisé, des vers et asticots se frottaient les uns aux autres dans ce qui ressemblait à des restes humains. Les murs ingénieusement repeint par le sang qui avait giclé, contenaient des restes évidents de peaux ainsi que de selles animales. A la vérité près, l'horreur avait été symbolisée en ces lieux, la répugnance elle en revanche irriguait les âmes présentes d'un fort sentiment d'impuissance.

Poslim qui avait suivi son meilleur-ami se frottait le nez à l'intérieur des plis de son coude. On sentait à la rigidité de ses muscles qu'il luttait pour ne pas avoir à détaler. Son iji dans sa main libre, il éclairait le carnage circulairement et révéla les ailes que Ty avaient tatouées dans le cou. Accroupit, ce dernier observait le sol les manches de son imper retroussées sur ses avant-bras.

La scène retranscrivait une cruauté pour le moins irréelle. L'Enchantress trouvait d'autant plus dommage que les corps épargnés ne soient plus vivants pour livrer le secret de cet antre. Ils avaient été négligemment rejeté au pied de la cheminée avec des traces de morsures légères pour les gorges qui n'avaient pas subi la brutalité de la fringale. Quand aux autres, difficile de ne pas le relever, le constat était évident. L'appel du sang avait ce genre d'effet sur les vampires dégénérescents, sous sa transe seule la faim exarcerbait leur volonté. Ils se transformaient alors en dangereuses bêtes assoiffées qui n'hésitaient pas à se créer une ferme pour les plus sadiques.

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