Chapitre 1 - L'aube d'une promesse

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Ses pieds nus, durcis par les labeurs, foulaient énergiquement la terre dure du sol. Son souffle était saccadé, ses gouttes de sueur perlaient sur sa nuque.

Le cœur agité, Obax désespérait de rejoindre son père.

La cabane pointa le bout de son nez. Elle y était presque, elle espéra plus que tout au monde qu'il était encore là, il le fallait.

Elle écarta la teinture qui leur servait de porte et entra dans une pièce dénuée des meubles habituels. Là, dans un coin de la pièce, sa mère se tenait à genoux près du tapis de paille qui servait à toute la famille. Sur ce nid jauni et moisi par le temps, son père était allongé, souffrant.

« C'est la fin » marmonna sa mère en s'essuyant le nez avec son poignet. Les larmes avaient bouffi ses grands yeux noisette. Mais elle n'avait pas le temps de l'apitoyer, c'était à son tour de travailler. Le grand maître n'attendait pas et ne tolérait aucun retard. Alors Obax prit sa place de veilleuse.

Pris d'une nouvelle fièvre, le corps faible de son père était tendu de spasmes. Son râle était rauque et saturé. Sa fille prit dans ses mains son moignon, elle espérait ainsi lui conférer du courage pour ses dernières heures. À ce contact, le père ouvrit des yeux où se reflétait un bout de l'impénétrable faux.

- Il faut... que l'on... parle.

- Repose-toi s'il te plaît, tu sais que tu ne dois pas parler.

- C'est trop tard, arriva-t-il à articuler après avoir craché dans un bol aux nombreuses fissures.

Obax se dirigea vers la porte d'entrée où se tenait une jarre, elle contenait peu d'eau et ils n'en auraient probablement plus pour ce soir, mais son père nécessitait ce breuvage de la vie.

- Bois.

Elle releva doucement la nuque de son père, les lèvres sèches étaient avides du liquide transparent qui y coulait dessus.

- Sais-tu pourquoi je t'ai appelée Obax ? Sa signification est « celle qui s'interroge ».

Obax détourna le regard, cela lui était trop insupportable et injuste. Elle ne pouvait pas l'écouter, si elle le faisait, cela reviendrait à accepter sa future disparition. Elle ne pouvait tolérer une telle chose.

- Regarde-moi, lui ordonna-t-il de tout son amour de père.

Obax tourna son visage, planta ses yeux dans les siens si proches de la mort, son spectre avec l'instrument à la main s'y reflétant maintenant.

- Tu vivras.

Ces mots solennels furent prononcés dans son dernier râle. La pâleur vint voiler sa peau chocolat rendue sèche par le soleil du grand sud. Ses yeux noirs étaient maintenant vides. Obax tendit sa main aux longs doigts, et les ferma. Des étoiles aqueuse vinrent briller dans ses yeux et consteller ses joues. Alors, dans un dernier hommage solennel à son père, elle prononça les mots qui changeraient sa vie à jamais :

- Je jouerai pour toi.

OBAXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant