Chapitre 2 - Celle qui s'interroge

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Les jours passèrent et la colère d'Obax ne s'épuisait pas. Elle aurait bientôt l'âge de tenir le même rôle que sa mère et qu'Ababuo, sa grand-mère. Son emprisonnement à vie allait se faire au prix d'une chose inconsidérée.

-  Toi, là. Tu peux partir. Disparais de ma vue, tonna une voix derrière elle.

Elle reçut un coup de fouet, minime, qui lui décrocha une grimace de douleur. Mais elle ne dit rien, car ici, elle devait souffrir et se taire.

Obax, qui avait le droit à son âge, à un pause, fila tout de suite du champ de coton. Elle courut vite, soulevant sa lourde robe de coton marron, rapiécée de toute part. Dans ce paysage de l'Afrique du Sud, seul un petit chiffon blanc posé sur la tête de la jeune femme venait troubler la paix et l'ordre de la végétation luxuriante.

Elle arriva au bord de la falaise, elle laissa son âme se transporter au grès du vent. Le soleil était aride, brûlant la terre et formant des cloques sur ses pieds. Les quelques brins d'herbe qui étaient encore épargnées de la canicule vint les lui rafraîchir.

Elle frissonna de dégoût et de fureur mêlés. Elle savait ce que son maître s'apprêtait à faire. Il avait maintenu une vieille tradition, le passé l'avait suivi jusqu'au continent africain : le droit de cuissage. Obax, le jour de son anniversaire, devrait partager sa couche. C'était sa manière à lui d'asservir les femmes, et ainsi soumettre les hommes en leur enlevant la plus infime possession qu'ils pourraient avoir.

Elle suffoquait. Son plus grand cauchemar allait prendre vie dans quelques jours. Obax regarda autour d'elle pour se calmer, les falaises voisines étaient aussi immenses, les vagues en bas venaient s'écraser avec fureur sur les rochers qui parcouraient des kilomètres avant de disparaître dans le néant bleu. Des baleines montraient leurs dos au ciel, éclatant au soleil leurs eaux intérieures. Malgré le fait qu'elle soit esclave, Obax aimait sa terre. Est-ce qu'un jour Hermanus, sa ville, avait connu la paix ? Est-ce que ses ancêtres avaient connu la liberté ?

Elle aimait la pensée qu'Hermanus était la deuxième pointe la plus au Sud du monde, après Struisbaai. Un sentiment de légèreté voyageuse la prenait souvent à l'évocation de cette image. Elle habitait dans le plus bel endroit du monde, mais les blancs le salissaient, ils foulaient une terre qui ne leur appartenaient pas, séquestrant et martyrisant les êtres qui avaient tout construit auparavant. Elle et les siens n'étaient que le reflet médiocre d'objets et d'animaux.

-  Je dois partir.

Comment allait-elle s'y prendre pour fuir ? Elle l'ignorait. Par contre, elle connaissait les conséquences si on l'attrapait. Mort, torture... ou pire l'attendaient. Ce serait au bon vouloir de son maître de désigner la sentence appropriée.

Ses yeux ne se perdirent pas dans l'infini de l'horizon, non. Elle contemplait son avenir, qu'elle tracerait elle-même, dressée contre tous ceux qui voudront la voir échouer... ou morte. 

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