Chapitre 4 - Celle qui fuit

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Obax et son protecteur emprunte un des sentiers littoraux qui menaient au port de la ville. La nuit était chaude, on entendait que les bruits des animaux sauvages. La jeune femme avait été recouverte d'une longue cape noire, cachant ainsi ses origines du mal.

-  Ne parle pas, je dirai que tu es muet. Tu seras un homme. Mieux vaut que personne ne sache qu'une femme embarque sur ce vaisseau, ce ne serait pas convenable.

Il s'avança puis se retourna de nouveau.

-  J'avais oublié un détail crucial. Mon neveu est ici. Tu ne l'as encore jamais vu, il était parti faire le tour du Sud. Tu seras un cousin éloigné du côté de son père, qui est mon frère, que j'ai fortuitement rencontré lors d'une vente aux enchères. As-tu bien compris ?

-  Oui. Tout est dans ma tête.

Eudes De La Mirage, ce marchand ambulant connu à travers l'Europe, était inquiet. Ses yeux n'arrêtaient pas de faire des aller-retours d'avant en arrière. Il avait peur qu'on les ait suivis. Obax n'était pas la seule à craindre pour sa vie si on la retrouvait. Si on apprenait qu'il avait volé une esclave, qu'il l'avait faite venir sur un bateau et qu'il l'avait travestie ... Il ne donnerait pas cher de sa peau.

La phare illuminant les côtes africaines grandit à leur vue. Ils débarquèrent sur une plage où un navire attendait au loin.

-  Sir, nous vous attendions. L'Écume d'Argent est prêt pour votre voyage.

-  Bien, qu'on se tienne prêts à lever les amarres. Vous êtes-vous déjà occupés de mes bagages ?

-  Oui, monsieur. Tout est déjà dans votre cabine.

-  Bien, je vous remercie, Capitaine.

Ce dernier loucha sur l'ombre noire. Le comte s'en aperçut et inventa tout de suite une excuse.

-  Ceci est un cousin éloigné de mon neveu. Pouvons-nous y aller maintenant, je vous prie ? le pressa-t-il.

Le temps était compté. Il fallait s'éloigner le plus des côtés avant le lever du jour. Lorsque que les sous-chefs du maître d'Obax s'apercevraient qu'elle ne viendrait pas travailler au champ, une alerte sera donnée.

Une heure plus tard, les canaux arrivèrent au vaisseau. Sa coque de bois massif et peinte était immense. Une sirène surplombait l'océan. Le conte salua l'équipage.

-  Comment annoncez-vous cette première partie de voyage ? questionna le conte.

-  Nous partons à la bonne saison. Si tout se passe comme prévu, nous n'aurons pas de déconvenues, le rassura le capitaine.

La pointe du Cap de Bonne-Espérance était la plus dangereuse du monde. Les vents soufflaient atrocement envoyant s'échouer avec une fureur sans merci les navires et leurs hommes. La mort attendait souvent ceux qui essayaient de le franchir.

Le conte emmena Obax dans sa cabine.

-  Il y a un lit, tu le prendras. Je dormirai sur le sofa. Surtout, fais bien attention à ce que personne ne te voit, ou toi et moi serions perdus à jamais, trembla Eudes De La Mirage.

Un poing s'abattit sur leur porte, signalant un présence. Le conte, effrayé, fit un signe de main à Obax pour qu'elle se retourne.

-  Qui est-ce ?

-  Moi, mon oncle.

-  Ah ! Basile ! Entre, je t'en prie.

Un jeune homme, de l'âge d'Obax entra. Il était lui aussi richement vêtu. Ses cheveux étaient aussi blond mais d'un doré flamboyant. Sa peau était d'un blanc lunaire, son teint gris n'en faisait pas une triste mine mais rajoutait à la brillance de son grain.

-  On m'a signalé une présence à vos côtés. Me feriez-vous l'honneur de me présenter à votre compagnon ? L'on m'a dit que nous faisiez partie de la même famille.

-  Une famille éloignée. Je te présente François Courtin, il est un cousin très éloigné de toi.

Oui, le prénom, il avait oublié d'en donner un à Obax. Courtin était effectivement un nom répandu dans l'autre branche de sa famille. Eudes fit des yeux ronds, espérant que la jeune femme ne trahirait pas sa surprise.

-  Enchanté, cher cousin, fit Basile dans une révérence.

Obax se tourna vers lui, et baissa la tête dans un mouvement de salutations respectueuses.

-  François est fatigué et... il est muet. Il ne sera pas d'une bonne compagnie pour vous. Je pense qu'il restera dans la cabine à l'abri de tous et des moqueries pendant tout le voyage.

-  C'est fort dommage, même ôté de la parole, nous avons toujours quelque chose à dire.

Eudes regarda son neveu, un sentiment de fierté débordant du cœur, « il a hérité de moi, c'est sûr » se dit-il intérieurement. Son ouverture, son attrait pour la différence, « si seulement j'avais entièrement confiance, je pourrais lui faire part de notre secret » regretta-t-il dans son esprit.

Basile sortit, accompagné de son oncle. Oban resta seule dans la pièce de bois qui tanguait.

Le voyage commençait. 

OBAXWhere stories live. Discover now