Chapitre 7 - À la lueur de la nuit

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Les dernières semaines écoulées furent joyeuses. Vivre au manoir était un réel plaisir pour Obax. Les serviteurs, l'intendant et les bonnes, une fois l'avoir écoutée user de son talent, commencèrent à l'aimer et à la servir comme une vraie bourgeoise. Tous prirent l'habitude de la voir déambuler sagement dans la grande demeure.

Chaque jour était une fête, le manoir était devenu une demeure musicale. Certains voisins, habitant à quelques kilomètres venaient exprès pour entendre jouer la jeune femme. Le conte possédait plusieurs clavecins au grand bonheur d'Obax qui pouvait se permettre, selon ses humeurs, de jouer dans n'importe quelle pièce. Dehors dans la brousse luxuriante, où la verdure envahissait les environs, les notes et l'harmonie de son talent se propageait. Les gens, dehors, faisaient souvent une pause, fermant leurs yeux, pour profiter de ce régal sonore.

Dans toute la campagne, on ne parlait que d'elle. Obax devenait de plus en plus une légende : la claveciniste noire. Ils reçurent une invitation de la Cour Royale pour venir y séjourner dans quelques mois et ainsi faire démonstration de son talent. La nouvelle ravie Obax et Eudes, mais Basile, plus terre-à-terre, se méfia. Serait-ce un piège ?

Son amitié avec le jeune homme avait elle aussi grandit. Le jeune homme lui récitait des poèmes dans le jardinet alors qu'elle s'occupait des rosiers. Il lui déclamait son amour naissant à la lisière des forêts lorsqu'il lui apprenait à monter à cheval.

Obax n'avait jamais connu l'amour, bien sûr qu'elle l'avait eu avec sa famille, mais jamais celui d'un homme.

Alors, un jour elle s'abandonna. Basile vint à sa rencontre dans sa chambre à minuit. Son regard était fiévreux, celui d'Obax craintif. La jeune femme portait une robe de nuit blanche, d'un satin léger. À la lueur de la nuit, ce contraste fantomatique avec sa peau d'ébène, donna l'impression à Basile qu'il était en train de contempler un ange. À sa vue, son désir ne devint que plus ardent. Alors le jeune homme s'approcha de la déesse obscure, et d'un baiser langoureux, l'emporta dans sa passion.

Plus tard, lorsque leur étreinte se fatigua, Obax tomba épuisée dans les bras de son amant. Un silence calme et affectueux les berça. Mais Basile, qui laissait son regard se perdre par la fenêtre, interrompit leur tranquillité tiède :

-  Pourquoi devons-nous être si différents ?

-  Ce n'est pas la bonne question. Pourquoi sommes-nous nés à la mauvaise époque ? le corrigea Oban.

-  Tu imagines un futur affranchi d'un ordre racial ? Voilà qui m'intéresse.

-  Le monde change sans cesse. Un jour viendra où toi et moi serons égaux.

-  Mais tu es une femme, répliqua Basile, sceptique.

-  Cela aussi changera. Et ne me dis plus jamais ça, je suis aussi forte que toi, tu entends ?

Obax s'était mise à califourchon sur lui, exposant sa supériorité.

-  Avoir une femme forte, cela me conforte, ria-t-il.

-  Avoir une égale à soi, voilà ce qui importe, lui siffla-t-elle sérieuse.

-  Je t'aime.

Ses yeux tremblaient devant sa vision. Ces mots étaient l'aveu de son admiration. Jamais, il ne pourrait trouver d'être vivant plus libre.

La peau d'ébène d'Obax brillait de sa noirceur contrastée à la peau de perle de son amant. Un long silence s'installa entre eux. Elle s'allongea sur son torse, profitant de son cœur battant pour elle.

-  N'as-tu donc pas peur de la perte de ta vertu ? se risqua Basile.

-  Je suis née en tant qu'animal, j'ai grandi en tant qu'objet. Que puis-je vraiment perdre dans cette vie où rien ne m'appartient ?

Obax sut à cet instant, qu'elle comprenait beaucoup trop de choses. 

OBAXWhere stories live. Discover now