Chapitre 5 - Notes sur océan

35 14 7
                                    


Les jours avaient passé, les semaines aussi. Le temps écoulé avait renforcé les liens entre Eudes De La Mirage et la jeune Obax. Du haut de ces dix-huit ans, elle apprenait l'étiquette, les coutumes françaises, le parler... Chaque jour était une nouvelle leçon de vie.

Mais ce qu'elle aimait par dessus tout, était sa pratique quotidienne du clavecin. Le conte lui ordonnait de souvent jouer pour être fin prête à son débarquement.

Ils avaient un rêve fou, et ils allaient tout faire pour le rendre réel.

Mais un jour, tout faillit basculer. Basile était un jeune homme curieux, amical et sociable. Son autre cousin, à la difformité qui ne se voyait pas, l'intriguait par dessus tout. Il cherchait en permanence sa présence lorsqu'il n'était plus en leçon avec son oncle. Obax, à chaque fois, essayait de toutes ses forces et de l'éviter. Elle se retrouvait souvent au fond du navire, là où on entreposait la viande salée.

Alors qu'elle pensait qu'il serait occupé avec son oncle et le capitaine sur l'établissement d'une nouvelle carte de navigation, Basile apparut. Obax était occupée à l'avant du bateau, elle regardait l'horizon bleu. Son regard était perdu dans l'infini, le visage fouetté par des gouttelettes sauvages et le vent chaud. Ses mains tenaient fermement la capuche de sa cape. Elle ne l'entendit pas s'approcher d'elle.

-  On est songeur aujourd'hui, mon cousin ?

Obax émit un sursaut de surprise. Sans se retourner vers lui, elle s'enfuit, s'enfonçant dans les méandres du vaisseau. Mais Basile, tenace, la suivit. Lorsqu'elle referma la porte de la cabine, il était déjà trop tard : le pied du jeune homme barrait la moindre chance de fermeture. Alors, il entra, ferme et obstiné.

-  Qui es-tu ?

-  Je suis Obax. Ton oncle m'a aidée à m'enfuir.

-  Pourquoi ?

-  Parce que j'allais subir un châtiment que je ne mérite pas. Mais surtout parce qu'un autre destin m'attende.

-  De quel destin parles-tu ?

-  Laisse-moi te montrer.

La jeune noire avait les mains devant elle, elles imploraient la patience de Basile, mais ses yeux, quant à eux, étaient farouches, ils criaient « Ose me défier ». Avec calme, elle s'assit devant le clavecin et commença à jour.

Pendant le laps de temps où la mélodie invisible défilait dans la pièce, la passion emplit le cœur et le corps d'Obax. Elle ne jouait pas pour sa vie, mais elle composait sa destinée. Sa tête se pencha en arrière, entraînée malgré elle par l'harmonie des notes, dévoilant un nuque fine et lisse. Ses lèvres en cœur s'entrouvrir. Parce qu'il voulait s'y noyer, dans ses lèvres chocolat, qu'il sut.

-  Tu ne peux exister, murmura-il comme pour lui-même, les larmes aux yeux.

Jamais il n'avait vu de plus belles créatures. Qui était-elle ? Pourquoi ce don lui avait-il été déchu ? Pourquoi elle ? Il ressentait soudain le besoin d'être son ami, son confident. Il fallait qu'il se fasse une place dans son cœur. Sa beauté interdite ne l'effrayait pas, elle l'obsédait. Son amour naissant au bord de la bouche, il prononça :

-  Je t'aiderai, les flots limpides avaient jailli sur ses joues et perlé aux coins de ses lèvres.

OBAXWhere stories live. Discover now