Partie 16 : Le rendez-vous.

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Aurélien était assis contre la porte de sa chambre, une main posée contre son ventre par-dessus son tee-shirt, et la tête baissée. Il avait les sourcils froncés et se mordait l'intérieur de la bouche le plus fort possible pour s'empêcher de crier de douleur à nouveau. Son père l'avait frappé. Des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues et il avait tout le mal du monde à se retenir de pleurer bruyamment à nouveau. Quand ils étaient rentrés un peu plus tôt de l'église, le trajet s'était fait en silence, son père marchant à côté de lui sans dire un mot et lui marchant sans oser lui demander ce qu'il avait pensé du concert et de sa prestation au piano, traînant son vélo à ses côtés. Quand ils étaient rentrés, il avait suivi son père dans le salon le cœur battant et l'avait observé se perdre dans ses pensées, réfléchissant de toute évidence à quelque chose. Aurélien l'avait alors vu se tourner vers lui, le regard vitreux, et avait compris qu'il avait encore bu. Alors il n'avait pas pu s'empêcher de le lui faire remarquer : Tu as encore bu ? T'aurais pu t'abstenir aujourd'hui, papa... Juste aujourd'hui... Je sais que ce n'était sûrement pas le meilleur concert du siècle, mais c'était important pour moi... Il avait alors vu une lueur de colère apparaître dans les yeux sombres de son père et la seconde d'après, il l'avait senti lui asséner une énorme gifle. Il était resté stupéfait un instant, ne s'attendant pas à se recevoir une gifle lorsque son père l'avait poussé violemment et il était tombé par terre. Tu as honte de moi maintenant ? Espèce de fils de chien ! Et ce garçon c'était qui ? Hein ? Répond ! Aurélien s'était mis à pleurer quand son père avait commencé à lui donner des coups de pieds dans le ventre, le suppliant de se calmer et essayant d'éviter au mieux ses coups, alors qu'une énorme douleur faisait son apparition en lui. Arrête papa, c'est juste un ami. Le garçon des lettres, c'est lui, avait-il essayé d'expliquer entre deux cris de douleur et son père avait arrêté de le frapper pour s'accroupir à côté de lui. Il lui avait alors agrippé fortement les cheveux, le forçant à se redresser malgré son corps qui souffrait grandement, et lui avait lancé un regard suspicieux. Un ami ? Toi ? Non, Aurélien. Tu n'as pas d'amis. Parce que tu es trop con pour en avoir. Tu n'as aucune raison de continuer de voir ce garçon maintenant qu'il n'a plus besoin de tes conseils, tu as bien compris ? S'il ne te paie pas, tu ne le vois plus. Aurélien était resté immobile et presque en apnée devant les paroles de son père et quand ce dernier l'avait lâché, il avait attendu qu'il ne lui crie de dégager avant de s'enfuir en courant dans sa chambre, le seul lieu à peu près sûr — et encore — de cet appartement pour lui. Il s'était alors écroulé contre la porte puis avait enfoui son visage dans ses bras croisés pour pleurer. Il avait sangloté jusqu'à ne plus avoir de larmes dans le corps, avec violence, avant de finalement arrêter près de vingt minutes plus tard, se sentant complètement vidé de toutes émotions. Et maintenant, ça le reprenait. Il décida de chasser ses pensées en secouant la tête et releva doucement son tee-shirt pour voir à quel point il était blessé. Il grimaça de douleur en sentant la fabrique de son tee-shirt frôler sa peau puis retint sa respiration en voyant un énorme bleu commencer à apparaître sur son flanc droit. C'était son père qui lui avait fait ça. C'était de sa faute. Il sentit ses larmes se remettre à couler à la vue de cet hématome et c'est à ce moment-là qu'il entendit son portable sonner dans son pantalon, le faisant sursauter violemment. En voyant le nom de Guillaume sur son écran lorsqu'il réussit à sortir son portable de sa poche, il hésita un bref instant à répondre au vu de ce que venait de lui dire son père. Tu n'as plus aucune raison de le voir maintenant. S'il ne te paie pas, tu ne le vois plus. Mais lui, il avait envie de continuer à voir Guillaume. C'était un garçon qu'il appréciait. Et puis... il continuait à le payer, son père ne le savait juste pas. Alors il décrocha, après s'être passé une main sur le visage pour essuyer ses larmes, et se fit violence pour essayer de paraître le plus naturel possible.

« Allô Aurél ? résonna aussitôt la voix du plus vieux lorsqu'il décrocha et un petit sourire s'inscrivît sur ses lèvres en l'entendant.

— Eh... Salut, Guillaume... dit-il d'une voix un peu tremblante et il se mordit fortement la lèvre, se disant qu'il devait faire plus d'efforts que ça s'il ne voulait pas qu'il se doute de quelque chose.

— Tu devineras jamais ce qu'il s'est passé après que tu sois parti tout à l'heure !! s'exclama Guillaume d'une voix enthousiaste et il exhala un petit rire, contant de voir qu'au moins un d'eux deux avait l'air heureux.

— Dis-moi alors...

— Chloé est venue me parler ! Comme ça, sans que je m'y attende ! Elle m'a demandé « Guillaume, c'est bien toi ? » puis « C'est toi le Guillaume des lettres ? » et alors je lui ai demandé « Tu te souviens de moi ? » et—

— Guillaume... l'appela-t-il en riant doucement, voyant à quel point il semblait excité. Tu peux... ralentir, s'il-te-plaît...? Je comprends absolument rien.

— En gros, Chloé a compris que c'était moi derrière les lettres, expliqua Guillaume. Et elle a pas paru énervée.

— Pourquoi tu voudrais qu'elle soit énervée ? répondit-il d'un air surpris avant de sourire doucement. C'est plutôt flatteur, non ?

— Ouais... entendit-il dire le plus grand d'un air hésitant. Du coup, elle m'a demandé si on pouvait se voir un de ces quatre. Pour... prolonger ce qu'on a commencé avec les lettres. Avec un... rendez-vous... Et je lui ai dit que j'allais réfléchir à une date et à un lieu... En gros, j'ai besoin de ton aide, encore. Sinon je vais tout faire foirer. »

Aurélien fronça les sourcils et se redressa, réprimant avec peine un petit grognement de douleur, afin d'aller s'allonger sur son lit. Il entendit cependant Guillaume l'appeler d'une voix inquiète et il se figea, le cœur battant à cent à l'heure.

« Aurél, ça va ? T'as mal quelque part ?

— Hein ? paniqua-t-il, conscient que Guillaume avait dû entendre dans son grognement qu'il avait mal. Non, non, pas du tout. T'inquiète. J'ai juste un peu mal au ventre depuis tout à l'heure. Et je me suis relevé un peu vite...

— T'es sûr ? T'as la voix qui tremble, t'es sûr que tout va—

— Tout va bien, Guillaume, le coupa-t-il, ne voulant pas qu'il se doute de quelque chose. Je vais réfléchir pour le lieu du rendez-vous, d'accord ? Et... Il faudra que l'on se voit pour t'entraîner un peu... Pour répéter, tu vois ?

— Oui, bien sûr... dit Guillaume d'un air hésitant. Demain, t'es dispo ?

— Non, demain je ne pourrai pas, répondit-il précipitamment en se disant qu'il aurait sûrement encore bien trop mal pour faire comme si de rien n'était. Je t'enverrai un message pour te dire quand je pourrai, d'accord ?

— Euh... Ok, pas de problèmes. À bientôt alors...?

— Oui, à bientôt, Guillaume. Bonne soirée. » dit-il rapidement avant de raccrocher sans lui laisser le temps de rajouter quoique ce soit.

Aurélien jeta son portable sur son lit et ferma les yeux avec force, essayant de réprimer une autre poussée de douleur. Il alla chercher son pyjama et un slip propre afin d'aller se laver avant d'aller dormir. Il ne voulait pas risquer de croiser son père mais il ne pouvait pas non plus aller au lit ainsi. Une fois ses vêtements dans ses bras, il prit une grande inspiration et sortit de sa chambre. Il entendit la télévision dans la pièce à côté, signifiant qu'il avait le champ libre, et il poussa un soupire de soulagement avant de se diriger vers la salle de bain. Est-ce que c'était à ça qu'allait ressembler son quotidien à présent ?

Fiction OrelxGringe - L'autre partie de moi.Where stories live. Discover now