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Si au début de cette aventure j'étais ravie de voir que le temps était mon allié, désormais je voulais qu'il s'arrête. Je m'étais très vite attachée à Giulia, dont les éloges de ses proches ne lui rendaient pas totalement justice. C'était bien la première fois que je rencontrais, quelqu'un avec autant d'amour à revendre, toujours joyeuse, malgré la triste issue qui lui était destinée. En trois semaines, nous avons noué des liens solides et je regrettai de n'avoir pas fait sa connaissance plus tôt dans ma vie.
Cette journée n'avait pas été très ensoleillée, mais à quoi bon puisque elle même était un rayon de soleil. Après avoir rangé le jeu de cartes, je l'aidai à s'allonger dans ses couvertures. Elle était de plus en plus fatiguée et frêle, malgré le maquillage léger que je lui avais fait, suite à ses nombreuses suppliques.

- Une journée pluvieuse n'est jamais bon signe dans notre famille ; dit-elle en jetant un regard par la fenêtre.

- Vraiment ? Et pourtant tu sembles apprécier ce spectacle ; répliquai je en m'installant près d'elle.

- Parce que tu me tiens compagnie ; sourit-elle.

Je glissai ma main dans la sienne pour la caresser doucement.

- Tu ne parles jamais de ta famille Giulia, je suis curieuse de savoir qui sont ceux qui t'ont légué cette bonne humeur ; repris je.

- Je suis toute seule, mes parents sont morts l'un après l'autre, il y a des années maintenant. Et j'ai... Une demi-sœur, c'est elle qui gère le patrimoine familial... Avec Roano.

- Je ne savais pas que tu avais une sœur ; dis-je surprise.

- Parce que nous n'avons pas de contact elle et moi. On n'a jamais été proches, et ça s'est accentué après mon mariage. Serena a toujours convoité Roano; sourit-elle tristement.

- Mais tu n'as rien à craindre d'elle, c'est toi qu'il aime; la rassurai je en serrant un peu plus sa main.

Elle rit tristement avant que ses yeux laissent apparaître des larmes à leurs coins. Elle était ainsi ces derniers temps, je me suis dit au départ que c'était à cause de son traitement, mais elle était tout simplement à fleur de peau. Comme à mon habitude, je l'enlaçai pour la calmer.

- Je suis désolée, j'ai ruiné ton maquillage ; s'excusa-t-elle.

- Mais non, je peux arranger cela avant qu'il n'arrive ; souris je.

Je me levai pour prendre mon poudrier dans mon sac. En reprenant place près d'elle, elle reprit la parole.

- J'ai une faveur à te demander Layana.

- Je t'écoute ; dis-je en appliquant un peu de poudre sur ses joues mouillées.

- Ne précipite pas ton départ ; marmona-t-elle.

Je stoppai tout mouvement avant de plonger mon regard dans ses yeux noisette.

- Tu sais que je resterai près de toi pour la vie ; souris je.

- Malheureusement je n'ai plus la vie devant moi... J'arrive au dénouement de la mienne ; reprit elle un sourire triste étirant ses lèvres.

- Hey, les médecins ont parlé d'un essai clinique pour toi. Tu devrais être plus optimiste. Souviens toi que nous devons voyager toutes les deux, quand tu seras sortie d'ici.

Elle leva sa main pour la déposer délicatement sur ma joue.

- Tu sais ce que j'apprécie le plus chez toi ?; reprit elle.

- Ma merveilleuse voix ?; souris je.

- Ta capacité à faire face à la vérité. Je croirais entendre Roano. Nous savons tous que je n'ai plus beaucoup de temps, voire très peu d'ailleurs. Je ne vais pas suivre ce traitement Layana, et tu le sais.

Je baissai les yeux sur mes genoux. Elle avait raison, au lieu de lui donner de vains espoirs, je m'étais attelée à rendre ses journées moins déprimantes, et là je venais lamentablement de faire ce que qu'elle m'avait expressément demander de ne pas faire. La vérité était que je n'étais pas prête à la laisser partir. Elle m'avait apporté beaucoup sans s'en rendre compte, c'était la seule amie que j'avais eu depuis toutes ces années, et mon cœur se déchirait à l'idée de savoir que je pourrais rentrer et ne pas la retrouver le lendemain à tout moment.
Elle releva mon visage, qui trahissait l'arrivée imminente de larmes patientant aux coins de mes yeux.

- Je ne veux pas que tu sois triste pour moi Layana, j'ai eu une très belle vie et probablement les meilleurs derniers jours de ma vie ; sourit-elle.

- Arrêtes d'être aussi fataliste Giulia, tu ne vois donc pas que nous sommes tous effondrés à l'idée de te voir disparaître ; me levai je soudainement.

- Et pourtant c'est vrai, plus vite vous vous y serez faits à cette idée, mieux ce sera pour nous tous.

Ce sourire que j'avais appris à apprécier ces derniers temps, me semblait soudainement très cruel. J'avais l'impression qu'elle était ravie de voir la profonde tristesse qu'elle laisserait derrière elle. J'essuyai rapidement mes larmes avant de ramasser mes effets, je n'avais pas envie de m'éffondrer devant elle, ce serait faire comme Carmen et de surcroît elle se mettrait en colère.

- Tu ne m'as pas répondu Layana ; m'interrompit elle.

- À quelle question veux-tu que je réponde; dis-je exaspérée.

- Je veux que tu me promettes... De ne pas partir immédiatement après moi.

- Tu ne crois pas que c'est trop me demander Giulia ?; dis-je nonchalamment.

- J'en ai conscience, mais... Je sais que Roano aura besoin d'une amie dans les prochains jours, et je veux que ce soit toi cette amie.

- Je suis désolée, mais Roano et moi nous parlons à peine depuis que je suis ici. Nous serons bien l'un sans l'autre, surtout lui d'ailleurs ; ris je en m'adossant sur le mur.

- Moi je suis certaine du contraire ; sourit-elle à son tour.

Je baissai à nouveau le regard sur mes chaussures. À l'entendre on savait parfaitement qu'elle ne vivait pas dans cette maison avec nous. Je ne savais pas ce que Roano lui racontait, mais en tout cas il était distant de moi, nous nous parlions peu et c'était à peine si nous nous voyions. Ma présence semblait l'importuner et à vrai dire c'était réciproque, raison pour laquelle j'étais pressée de quitter cette maison. Giulia était la seule chose que nous avions en commun, et nous voulions tous les deux lui faciliter la vie... Du moins ce qu'il en restait.
Sans dire un mot, je me rapprochai de nouveau de son chevet pour déposer un baiser sur son front, comme je le faisais si souvent.

- Je ne peux rien te promettre, mais je vais y réfléchir ; souris je.

- C'est déjà mieux qu'un non.

La porte s'ouvrit sur Roano, dont les cheveux étaient mouillés. Il avait un bouquet de roses à la main. Son regard passa rapidement de son épouse à moi. C'était la première fois qu'il nous voyait aussi proches, en effet nous ne nous croisons jamais à l'hôpital, et aucun d'entre nous ne parlait de ses échanges avec Giulia.

- Excusez moi, je pensais te trouver seule Giulia ; commença-t-il.

- Ce n'est rien, j'étais sur le départ. À demain Giulia ; chuchotai je à l'endroit de mon amie.

- Je l'espère ; sourit elle.

Je me poussai pour laisser la place à Roano, qui se débarrassait de son manteau de l'autre côté du lit. Alors que j'étais sur le pas de la porte, elle m'appela une nouvelle fois. Après m'être retournée sur eux et leurs mains jointes. Elle reprit.

- Merci... Pour tout.

Je lui répondis par un sourire avant de refermer la porte derrière moi. Je ne pus m'empêcher de fondre en larmes au milieu de ce couloir. Ses paroles avaient été tellement lourdes de sens que pour la première fois, je souhaitai réellement du plus profond de mon cœur, revenir demain et la retrouver... Plus vivante que jamais.

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