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Je m'étais endormie en serrant mon carnet contre moi, et si je me levais en sursautant, c'était parce que quelqu'un s'impatientait derrière ma porte. Je rangeai le gardien de mes secrets dans un tiroir de ma commode, passai la main dans mes cheveux avant de remarquer que j'avais toujours mes vêtements de la veille. À quoi bon m'y attarder puisqu'il s'agissait probablement de Carmen que j'avais renvoyé plus d'une fois la veille avec ses plateaux repas. En ouvrant ma porte, mon cœur rata un battement. Roano se tenait dans l'encadrement en jogging le corps en sueur. Et malgré ce merveilleux spectacle qu'il m'offrait de si bon matin, je n'oubliai pas ses paroles de la veille qui transforma du tout au tout mon humeur.

- Salut ; dit il simplement.

- Qu'est-ce que tu fais là?; répliquai je sans bouger.

- Je... Je suis passé voir comment tu allais ; répondit-il.

- Je n'ai pas utilisé une de tes armes, merci bonne journée.

Je tentai de refermer la porte, mais il anticipa mon mouvement et bloqua la porte de son poids. Je lâchai prise et il se retrouva à l'intérieur de ma chambre.

- Je suis allé trop loin dans mes propos hier, j'en suis navré je me suis mal...

- Roano... Je me fiche pas mal de tes excuses. Nous n'avons rien à nous dire, et j'ai bien compris que si tu me tolères encore ici c'est par respect pour la mémoire de Giulia. Faut bien rattraper quelque part après avoir passé une nuit torride avec sa sœur ; l'interrompis je en rangeant quelques vêtements qui traînaient.

- Je peux savoir de quoi tu parles ?; demanda-t-il incrédule.

- Ah oui que suis je bête, je ne dois pas me mêler de ta vie privée ; ironisai je.

- En effet ! Surtout si tu es mal informée ; répliqua-t-il durement.

- Ne te méprends pas je ne m'y intéresse pas du tout, ce que je souhaite c'est que tu me colles la paix, que tu fasses comme si je n'existe pas, et peut-être arriverons nous à nous supporter jusqu'à ce que je me tire d'ici ; me moquai je.

- Parfait ! ; déclara-t-il en passant la porte de ma chambre qu'il laissa ouverte.

Je m'affessai sur mon lit pour me masser les tempes. Je devais faire preuve de plus de courage, et peut-être arriverais je à ignorer les sentiments contradictoires qui se bousculaient actuellement dans ma tête et mon cœur. Je me levai pour fermer ma porte, avant de me remettre dans les couvertures. Je n'allais pas sortir d'ici s'il était encore dans les parages.

Plus tard, en début d'après midi je fis un tour dans la cuisine, où je trouvai Carmen en train de vociférer sur les jeunes demoiselles de ménage. Après quelques ordres savamment grondés, elles disparaissaient de la cuisine en me laissant un rapide bonjour à leur passage. Je m'installai à la table, en face du jardin et Carmen ne tarda pas à m'y rejoindre.

- Ces jeunes de maintenant ne pensent qu'à leurs amoureux et font tout de travers ; se plaignit elle.

- Buenos días Carmenita; lançai je.

- Buenos días Niña, qué pasa? Tu ne te sens pas bien?; s'enquit elle.

- Au contraire, je crois que je vais bien mieux qu'à mon arrivée ; dis-je en regardant vers l'horizon.

- Je me suis inquiétée en voyant tous ces repas revenir, même Roano s'est inquiété ; ajouta-t-elle.

- C'est une surprise ; marmonai je. Tu as agrandis le personnel Carmenita ?; ajoutai je en remarquant de nouvelles têtes.

- Que Dieu m'en préserve ! C'est cette prétentieuse là de Serena qui s'est amenée avec tout ce petit monde. Elle va rester quelques jours ici.

Je me raidis sur ma chaise en entendant ces mots. Cela voulait il dire qu'ils s'étaient vraiment mis ensemble. Je feignis le détachement en lui demandant la raison de sa venue, elle me répondit qu'elle n'en savait rien mais qu'elle espérait qu'elle reparte aussi vite qu'elle n'est arrivée. Alors que je me levais pour retourner dans ma chambre elle me stoppa dans mon élan.

- Aiy Niña, j'ai failli oublier. Viens j'ai quelque chose à te montrer.

Sans m'en dire plus, elle m'entraina dans le fond du jardin où il y avait un petit chemin menant à une réserve totalement vitrée. Les fleurs qui l'entouraient étaient parfaitement entretenues de même que la pelouse. J'étais subjuguée devant la beauté de la simplicité de cet endroit qui ne clamait que paix et sérénité. Elle sortit une clé de sa poche et la tourna dans la serrure.
Ce que je distinguais à peine de l'extérieur, je le voyais désormais. Un grand chevalet trônait au milieu de la pièce et dans un coin, des multitudes de toiles de différentes tailles, sans compter tout l'équipement pour la peinture. Je me croyais dans un rêve éveillé, je n'étais pas entrée dans un atelier de peinture depuis des années.

- C'était à Giulia?; dis je en continuant à inspecter les lieux avec émerveillement.

- Dios mío non! Cette gamine avait deux mains gauches ; se moqua-t-elle.

Je souris à sa remarque en me rappelant les moments où nous dessinions toutes les deux, elle était la première à se moquer de ses croquis qui étaient très loin des résultats escomptés.

- Cette réserve était encore un débarras jusqu'à hier matin. Roano a estimé que puisque tu ne fais rien de tes journées, tu pourrais t'occuper ici à peindre; ajouta-t-elle en se rapprochant de moi.

- Roano?; demandai je surprise.

- Oui Niña, cet endroit fait désormais partie de ton espace personnel. Des ouvriers vont installer l'éclairage sur le chemin pour que tu te sentes en sécurité si tu travailles tard.

- Quand vont-ils s'y mettre ?; demandai je en dissimulant mon sourire victorieux.

- Ils ne devraient pas tarder.

Moi non plus je ne voulais pas tarder à me replonger dans cet univers que j'avais quitté prématurément à cause de mes mauvais choix. Je remerciai poliment Carmen avant de la congédier. Ayant vérifié qu'elle soit assez loin, je ne pus réprimer mon envie de jubiler sur place. Enfin j'avais un atelier... Et c'était Roano qui me l'a offert. Mais comment a-t-il su que la peinture était ma passion ? Probablement grâce à notre conversation de la veille où j'avais menti lamentablement. Je suppose que je devrais le remercier pour cette attention, ou laisser les choses telles qu'elles. Sans tergiverser plus longtemps, je filai dans ma chambre où je mis la main sur une salopette ample après avoir mis mes affaires sens dessus dessous, sous laquelle je mis une simple brassière noire, je savais que seule la toile n'allait pas être peinte aujourd'hui et je souris à cette idée.

La nuit était déjà pleine au dessus de ma tête lorsque je finissais mon tout premier tableau. J'avais peint un des portraits de Giulia en signe d'hommage, pour la remercier pour tout ce qu'elle a fait pour moi. Je me sentais fière de mon œuvre, heureuse aussi. Je n'avais pas eu ce sentiment depuis fort longtemps, le sentiment d'avoir accompli quelque chose d'utile et de bien. Je rangeai rapidement le désordre que j'avais mis dans mon euphorie, et très vite je refermai mon atelier, impatiente d'y revenir le lendemain.

En revenant vers la maison, je remarquai Roano et Serena dans le jardin, admirant les étoiles des verres de vin à la main. Elle parlait, et avait toute son attention. Cela se voyait qu'ils se plaisaient l'un l'autre, inutile de dire que j'en avais le sang battant dans mes oreilles.
Cessant de les épier cachée derrière un arbre, je finis par continuer ma route jusqu'à ma chambre. Je sentis leurs regards dans mon dos en arrivant sur la terrasse, et je continuai à faire comme si je ne les avais pas remarqué. Très vite je me réfugiais dans ma chambre où je me jetai sur mon carnet de secrets, encore une fois j'avais beaucoup à lui dire de bonnes choses comme de mauvaises.

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