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Les jours passaient et je n'avais toujours aucun retour de Matthieu, mes espoirs de quitter cette maison se réduisaient un peu plus chaque jour. Je devais supporter de voir Serena être mielleuse avec Roano tous les jours, et cela m'irritait bien plus que je ne l'aurais souhaité.
J'étais d'une humeur massacrante aujourd'hui, et j'avais réussi à trouver toute seule le champ de tirs. Cette propriété regorgeait de nombreux secrets, entre autres cet endroit, mais pour l'heure j'avais envie de détruire quelque chose. Je n'avais jamais tenu une arme de ma vie, mais pour avoir vu les hommes de main de Nicolas les charger à maintes reprises, je sus comment m'y prendre, et très vite je me retrouvai face à un tas de bouteilles vides à douze mètres de moi. Je n'avais ni la posture ni l'expérience pour me servir de ce pistolet, mais je savais où appuyer. Après avoir chargé le tir, j'appuyai sur la gâchette. Je ratai ma cible, et le tir me déséquilibra, mais je restais sur ma faim. Armant un prochain tir, qui partit presque aussitôt que le précédent, je ratai une nouvelle fois ma cible et cette fois-ci je me retrouvai presque au sol après un mouvement de recul.

- Vous ne devriez pas jouer avec ces engins si vous ne savez pas vous en servir.

La voix de la personne que je méprisais le plus et surtout que j'évitais depuis son arrivée, s'approchait déjà de moi. Je soufflai, exaspérée de la voir elle et ses jolies bottes de cuir, ainsi que ses cheveux noirs coupés en coupe courte. Maintenant qu'elle était proche de moi, elle semblait plus grande. Malgré moi, je me tournai vers elle non sans cacher mon agacement.

- Nous n'avons pas eu l'occasion de nous présenter officiellement. Serena Pelletoni; dit-elle en me présentant sa main.

- Salut ; lâchai je, ignorant sa poignée évidente.

- Vous êtes une invitée de Roano je suppose ; sourit-elle.

- Non, ses invitées il les met dans son lit il me semble.

Je la toisai avant de me remettre en position de tir.

- Me voilà gênée, on fait tant de bruits que ça tous les deux !; se moqua-t-elle.

- Allez voir ailleurs s'il vous plaît, je suis occupée ; dis je en visant à nouveau le tas de bouteilles.

- Vous me détestez hein, c'est certainement l'œuvre de ma chère Giulia. Elle disait à qui voulait l'entendre que je l'enviais. Pas étonnant que le karma se soit acharné sur elle de cette manière, partir si tôt à cause de ses pensées ignobles...

Elle allait certainement continuer à dénigrer la mémoire de Giulia, si je n'avais pas braqué l'arme que je tenais vers elle. J'étais réellement de mauvais poil, et j'avais de bonnes de raisons de lui tirer dessus maintenant qu'elle avait osé salir la mémoire de mon amie.

- Écoutes moi bien petite garce, ton numéro de charme tu le fais à cette petite bite de Roano c'est clair ? Un mot de plus sur Giulia et je te jure que cette balle finit dans ton ventre ; dis-je avec un calme qui me surprit moi même.

- Juste dans mon ventre ? Je pensais que sainte Giulia méritait mon...

- Je tiens à te prévenir que je ne vais pas revenir sur mon avertissement ; dis je en levant le canon vers sa tête.

- Voilà qui est mieux, maintenant appuie sur la gâchette. Je suis sûre que tu te sentiras mieux après ; me provoqua-t-elle ses mains rangées dans les poches de son blouson.

- Je suis du même avis.

J'allais le faire, et elle aussi le sentait. Je le sus quand je vis disparaître peu à peu la confiance de ses yeux verts. Je caressai doucement la gâchette, me délectant de lire la peur dans son regard, et au moment crucial, la voix de Roano tonna au milieu du champ comme une sirène policière. Très vite il s'immisça entre le canon du pistolet, et la cible qui se détendait peu à peu derrière ses grandes épaules.

- Baisse cette arme Layana !; somma-t-il.

- Laisse la, si elle avait des tripes elle m'aurait tiré dessus avant même que tu n'arrives. Ça fait une demi-heure que nous sommes là.

Un rictus de colère se dessina sur mon visage, et sans crier gare, je vidai le chargeur en l'air pendant que la grande gueule de Serena se cacha de plus belle derrière Roano. Quand j'eus terminé, ma colère n'était pas redescendue, mais je me réjouissais d'avoir cloué le bec à cette vipère.

- Vous disiez?; repris je en la dévisageant.

Roano se précipita pour se saisir de l'arme que je tenais, je le laissai faire. J'avais au moins satisfait une de mes envies.

- Mais c'est une tarée celle là! Vous devriez vous faire interner nom d'un chien ! Putain de bordel de merde!; hurla-t-elle en s'échappant au plus vite de ce lieu désert.

En la voyant s'enfuir au pas de course, je ne pus réprimer le sourire de satisfaction qui se dessina de lui-même sur mon visage. Au moins là, j'étais certaine qu'elle m'éviterait comme la peste.

- Non mais je peux savoir ce qu'il t'arrive ?; gronda Roano lorsque nous étions seuls.

- Oh rien, à part que moi au moins je défends Giulia face aux mesquineries de sa sœur, que tu ne te gênes d'ailleurs pas pour baiser! ; lâchai je en détachant mes cheveux.

- Mais en quoi est-ce que ça te regarde les femmes que je baise?; hurla-t-il outré.

- Ça me regarde dès l'instant où des cris me parviennent jusque dans ma chambre qui est à des mètres de la tienne, des cris causés par les prouesses de ta petite bite.

Sans attendre sa réponse, je le laissai planté là et je me dépêchai de rejoindre mon atelier, en espérant qu'au moins là-bas j'arriverais à me calmer.

J'avais des pensées noires aujourd'hui, et cela se réflétait aisément sur ma toile. J'étais ainsi depuis ma séance chez Javier, ce matin nous avions parlé de mon père et de ma mère. Et contrairement à nos précédentes séances, je n'étais pas sortie détendue mais plus remontée que jamais auparavant. Je n'avais pas supporté de m'étendre sur les viols répétés de mon père, et de l'incapacité de ma mère à me défendre. Et si parler des choses qui se sont passées il y a 20 ans me mettait dans des états pareils, je redoutais le pire lorsqu'il s'agirait de parler de Nicolas.
Lasse de tergiverser sur cette séance, je jetai de nombreux coups de peinture sur la toile, avant d'envoyer valser quelques pinceaux qui traînaient par là. C'était l'une des pires journées de ma vie, je n'avais jamais été autant en colère, où peut-être avais je tout simplement refoulé ce sentiment, n'ayant pas le droit de le ressentir il y a encore un mois, sous peine de représailles.
En y repensant, je me mis à pleurer à chaudes larmes. Pourquoi tous ces malheurs s'étaient ils abattus sur moi? En pleurant je sentis mon cœur s'apaiser, et le fil de la journée me revint en mémoire. Au milieu de mes sanglots, un rire fou s'empara de moi en repensant à mon altercation avec Serena, puis avec Roano. Elle avait été troublée par ma soudaine instabilité et lui, il semblait perturbé par mes propos qui ne se basaient que sur les dires de Serena. Je n'avais jamais perçu aucun bruit trahissant des rapports sexuels depuis que j'étais dans cette maison, mais si elle le disait, c'était probablement vrai. Pour l'heure je n'en avais que faire, j'avais besoin d'un bon bain, et d'une bonne nuit de sommeil après cette journée éprouvante.

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