I- Le Terrier

71 10 254
                                    

« Un foyer chaleureux ».

Elfeda de Coucy s'était tout de suite fait cette réflexion quand Molly Weasley l'avait accueillie dans son humble demeure, il y avait bientôt trois ans. Non, ce n'était pas le luxueux château dans lequel vivait la jeune fille brune, il n'y avait pas des domestiques à circuler dans les couloirs sombres, au parquet bien ciré, encore moins de jardins somptueux à la française où rien ne dépassait. Pas de paillettes, pas de dorures, pas de marbre, pas de pierre réfléchissant la lumière du soleil. Toutefois, ça n'avait jamais été un problème.

Le Terrier avait été, pendant un temps, le refuge d'Elfeda.

Cette maison était haute et biscornue. Le toit paraissait gratter les nuages et chatouiller les arcs-en-ciel. Elle était si penchée qu'Elfeda se demandait même si elle ne tenait pas par miracle ou par magie. Pelouse grillée, chemins boueux, cochons et poulets en plein air, mauvaises herbes, Elfeda n'avait jamais vu de cour aussi pittoresque et agréable. Sans oublier ; les gnomes qu'elle avait aidé à retirer le troisième été où elle était venue, le mystère de la goule qui vivait avec les Weasley, les multiples pièces, la cuisine étroite encombrée par cette grande table en bois, la haute cheminée poussiéreuse où des rangées de livres étaient entassés en désordre. Ou encore, cette horloge emblématique où les aiguilles se trouvaient être des cuillères représentant chaque membre de la famille.

Ce n'était pas le château des de Coucy mais Elfeda s'y sentait comme chez elle.

Arrivée par transplanage, grâce à son père, Edward, Elfeda se tenait devant le portillon en bois qui la séparait de cette cour disgracieuse. Ses mains tremblaient d'excitation tandis qu'elle serrait le chariot transportant tous ses bagages. L'air étouffant par cette chaleur d'été lui compressait les poumons et la sécheresse du sol venait lui piquer la peau. Pour autant, elle aurait pu rester à contempler les lieux pendant des heures. Elle avait laissé tant de souvenirs ici. Des bons. Et la raison pour laquelle elle venait chaque fin d'été et une semaine à Noël se résumait en un prénom. George.

George Weasley était tout ce qu'elle n'était pas. Quand Fred, son jumeau, et lui étaient venus la voir en troisième année pour solliciter ses dons en potions, ils ne s'étaient plus quittés. Une amitié était née, bien que sordide, et George était peu à peu devenu intrigué par la noirceur qu'Elfeda dégageait. Fred aimait à rappeler que son frère était « amoureux d'une lord », moquant le couple même s'il était surtout heureux pour eux.

Si Elfeda n'avait pas trouvé difficile, l'attente des deux mois avant de revoir George, ses parents eux, lui avaient manqué, bien qu'elle dût avouer que cette année n'était pas comme les autres. Quelque chose avait changé. Une fracture. Une fissure. La lune devant le soleil. Les vacances qu'elle aurait dû avoir n'étaient jamais venues et au lieu de ça, Elfeda s'était ennuyée. Profondément. Guettant avec impatience le moment où elle se tiendrait devant le Terrier. Maintenant qu'elle avait quitté les couloirs sombres, le labyrinthe interminable de la forteresse des de Coucy, elle se sentait revivre. Malgré tout, ce sentiment étrange qui l'habitait depuis le mois de juillet ne l'avait pas quitté. C'était un genre de pincement désagréable lui soulevant le cœur.

Une mauvaise intuition.

Valguse Varas, le corbeau majestueux qu'Elfeda avait adopté depuis sa première année, déploya ses ailes et décolla de son épaule. Après quelques cercles réguliers dans le céruléen des cieux, il se posa sur les branches des arbres environnants. Ses croassements se firent de plus en plus bruyants, comme s'il voulait prévenir les Weasley de la présence de leur invitée. Son bec se nicha entre ses plumes aux reflets bleutés qu'il lustra un moment avant de reprendre son monologue incessant.

Elfeda ne tenait plus. Elle franchit le portillon, tirant avec elle le lourd chariot qui supportait toutes ses affaires et pénétra le champ dévasté par les trous de gnomes et les mauvaises herbes. Ses Dr Martens, s'enfonçant dans les crevasses et les nids de poule, manqua de lui faire perdre plusieurs fois l'équilibre. Heureusement, elle se rattrapait à chaque fois de justesse. Puis, avant même qu'elle n'eut le temps d'approcher le gros chaudron planté devant la remise en pierre, un craquement bruyant la fit sursauter. De surprise, Elfeda se laissa tomber sur le sol dur qui lui heurta violemment les fesses. Deux ombres élancées, survinrent, lui ôtant le soleil des yeux.

Priori Incantatum || Draco MalfoyWhere stories live. Discover now