JEUDI 1 / 12 HEURES 45

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Les parents de Louis avaient enfin fait goudronner l'allée du garage. Depuis le temps qu'ils en parlaient ! Tant de détails paraissaient changés depuis la dernière fois qu'il était venu, à Noël. La boîte aux lettres était repeinte, des lampes ornaient les bordures de la pelouse, le merisier était en fleurs et le vent printanier faisait voler les pétales jusque sur la route. Louis se gara devant le portail électrique, sortit pour taper le code d'ouverture à l'interphone et revint au volant. Ninon ne disait rien, mais ses yeux furetaient sur le décor. Le portail blanc crème coulissa et révéla derrière lui l'endroit où Louis avait grandi.

C'était une maison moderne, à étage et à toit plat. Le terrain vallonné offrait aux yeux des visiteurs une bâtisse comme perchée au sommet d'une colline. Le garage était au rez-de-chaussée, du là les murs bardés de bois se dressaient sur deux étages. Le jardin était paysagé dans la mouvance minéral : copeaux de bois et parvis d'éclats d'ardoises. Louis gara sa voiture le long du lilas des Indes et des hortensias, en sortant, l'asphalte récent luisait au soleil, l'odeur vous prenait au nez. Il claqua la portière avec l'assurance d'un propriétaire des lieux. Ninon sortit timidement et lissa les plis de sa blouse. Le thermomètre avait déjà pris une dizaine de degrés depuis que l'aube s'était levée.

― On prends les sacs ? s'enquit Ninon.

― Non, on va d'abord dire bonjour

Louis la guida jusqu'à la porte d'entrée. Il fallait grimper la pente et suivre des pas japonais. Ils ne prirent pas la peine de sonner, Louis tapa de son index sur la porte – par souci de formalité et rentra sans attendre de réponse. Dès le seuil de la porte, les relents du cuir et de lessive lui parvenaient déjà. Une chaleur naquit au creux de son estomac, pas de doute, il était chez lui. Ninon dans ses pas, il s'avança dans le salon lumineux. L'immense pièce offrait la cuisine, le coin télé et la salle à manger dans quelques cent dix mètres carrés. Quand il était petit, Louis faisait du vélo là-dedans.

Personne à l'intérieur. Pour cause, la fête battait son plein sur la terrasse, sous la pergola. Derrière les baies vitrées, on apercevait la famille en plein repas. Il y avait ses parents, sa sœur, son beau-frère et son neveu. Petit comité pour une grande arrivée. Louis tapa au carreau, avant de passer une tête à l'extérieur. Un « Ah ! » collectif secoua l'assemblée. De toute évidence, il était attendu.

― Il est là !

Sa mère se leva et s'engagea pour le prendre dans ses bras. Au dernier moment, Louis eut un mouvement de recul.

― Bah ? Maman ? Pas de câlin.

Il n'y en avait pas eu à Noël, ni à leurs anniversaires. En fait, depuis un an, il n'avait pas pris sa mère dans ses bras.

― On est vaccinés, ton père et moi ! Depuis la semaine dernière. Surprise !

L'information mit du temps à monter au cerveau, mais quand sa mère l'enlaça, Louis cessa de se prendre la tête. Il savoura l'instant et le câlin. Sa mère l'embrassa sur les deux joues et se tourna vers Ninon. Mince, pensa Louis, il ne l'avait pas encore présentée. Elle devait mourir de malaise, il s'empressa de la désigner :

― Papa, maman, voici Ninon.

― La fameuse Ninon !

Sa mère avait un sourire qui s'étendait d'une oreille à l'autre. Elle avait toujours porté un grand intérêt à la vie amoureuse de son fils, et plus les années passaient sans qu'il ne lui ramène quelqu'un, plus elle fouinait. Enfin, Louis venait de réaliser ses désirs. Sa mère prit les deux mains de Ninon, les serra fort et lui affirma :

― Tu es la bienvenue chez nous. Merci d'être venue.

― Et surtout, merci de te sacrifier pour la nation et de subir Louis, ricana la sœur.

L'écumeWhere stories live. Discover now