LUNDI 5 / 10 HEURES 30

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 Rayan était parti bien trop tôt, pour quelqu'un s'étant couché avec 1 gramme d'alcool dans le sang. Personne n'avait trouvé à redire, même pas Louis. Après coup, il aurait dû l'empêcher de prendre sa voiture. Il avait peut-être couru cinq kilomètres pour décuver, ils n'avaient presque pas dormi et avaient picolé comme des marins... Ninon reprenait le volant, ça allait sans dire.

Ils avaient remis leurs affaires dans la voiture et dit au revoir à tout le monde. Contrairement à sa famille à lui, les adieux durèrent moins d'une minute. Un signe de la main, un « à la prochaine » et ils étaient partis. Louis avait toujours pensé qu'il n'existait qu'une manière de faire famille, son séjour chez Ninon avait fait voler ces présupposés. Ces personnes-là ne faisaient pas preuve d'un amour dégoulinant. Pour autant, ils s'aimaient, ils tenaient les uns aux autres. Louis ne comprenait pas bien comment.

Quand il s'installa sur le siège passager, il dit à Ninon :

― Ta mère m'a demandé mon numéro, t'y crois, à ça ?

― Ma mère t'a demandé... Oh non...

― Quoi ?

Dans un timing parfait, son portable vibra. Louis venait de recevoir un message sur WhatsApp : « 3ème confinement ??? 3ème CONS-finement !! On en a marre d'être pris pour des CONS le gouvernement nous cache la vérité.école fermés, restaurants en faillite et culture sacrifié c'est le début d'une dictature des esprits pour nous préparer à être DOCILES et OBEISSANTS.pas chez moi !! #jenemeconfineraipas »

― Je crois qu'elle t'aime bien, déclara Ninon.

― Tu vois, tout le monde m'aime bien.

Elle se pencha sur lui pour l'embrasser. La pluie tapait contre le pare-brise, l'habitacle formait un cocon autour d'eux.

― Merci... chuchota Ninon.

― Merci pour quoi.

― Merci pour tout.

Ils s'embrassèrent de nouveau.

― Tu sais, formula Louis, je me souviens de ce que j'ai dit hier soir. Et ça tient toujours. J'en pense chaque mot.

Ce n'était pas parce qu'il était ivre qu'il avait dit n'importe quoi. Ces mots, ils les pensaient depuis des semaines, l'alcool n'avait été qu'une potion de courage. Ninon se mordit la joue, Louis craignit pour la suite :

― Quoi ? paniqua-t-il.

― Je prends des médocs.

Ninon attrapa son sac sous le siège de Louis et en sortit un flacon. Il lut l'étiquette et reconnut le nom de la molécule, c'était des anxiolytiques. Il ne put s'empêcher d'ouvrir le tout et fourrer son nez à l'intérieur.

― C'était pour tenir le coup pendant l'hospitalisation de maman, je devrais bientôt arrêter. Je ne sais pas pourquoi je ne te l'ai pas dit. Enfin, si, j'ai cru que tu me jugerais. Pardon.

La réaction de Louis le surprit lui-même. Il sourit. Il était heureux, car enfin, elle lui faisait confiance. Il lui rendit le flacon sans un mot. Au fond, il s'en fichait que Ninon avale de cachets ou non, cela ne changeait rien ni à leur relation, ni à son amour. Mais la symbolique derrière cet aveu lui faisait chaud au cœur. La veille, Ninon l'avait entendu.

Elle démarra le moteur, Louis rabattit sa capuche. Ses yeux le tiraient à cause du manque de sommeil.

― On rentre à la maison ? lança Ninon avec amusement.

― On rentre à la maison, pas de traquenard, cette fois.

Le week-end avait été riche en émois. Deux maisons et des nuits sans repos plus tard, Louis avait la sensation qu'ils en avaient retiré un quelque chose. Il avait encore du mal à le pointer du doigt. Peut-être une vulnérabilité nouvelle, une ouverture inédite l'un à l'autre. Le week-end s'achevait enfin, il laissait derrière lui l'écume des anciens non-dits. Ouais... c'était une belle métaphore.

Louis croisa les bras pour se tenir chaud, bercé par le ronronnement du moteur, il s'endormit.



Fin de la partie 1

L'écumeWhere stories live. Discover now