SAMEDI 3 / 10 HEURES

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 Dès que la portière claqua, Ninon rangea les flacons de comprimés dans son sac. Elle dit :

― Merci encore, Valérie. Vous me sauvez la vie !

Les mains sur le volant, la mère de Louis rit :

― De rien, c'est mon métier.

Elle lui avait fait une ordonnance à temps, avant la sécheresse. La mère de Louis était une personne en or, et Ninon s'était sentie assez vite en confiance. Sans jugement, Valérie lui avait imprimé le papier signé, elle n'avait pas manqué de faire ses recommandations posologiques, car elle craignait que le médecin traitant de Ninon n'ait surdosé sa prescription. Ninon avala un comprimé, elle avait loupé celui du petit-déjeuner.

― Tu as réfléchi à la fin du traitement ? la questionna sa belle-mère.

Penaude, Ninon secoua la tête. On lui avait conseillé de prendre les comprimés pendant trois semaines, au-delà, le risque d'accoutumance augmentait chaque jour. Il ne lui en restait qu'une de traitement. Et Ninon avait déjà assez de soucis pour se coller une dépendance aux anxiolytiques sur le dos. Seulement... voilà... ces trucs, ça marchait du tonnerre. Ses TOCs s'amenuisaient, son stress s'envolait, son anxiété paralysante était partie en vacances. Les insomnies allaient de mal en pis, mais personne n'aurait trouvé le sommeil, à sa place. Vraiment, ces trucs étaient des pilules magiques : un quart sur la langue et tous vos problèmes disparaissaient. Comment ferait-elle sans ? La psychothérapie fonctionnait, mais la crise sanitaire rendait les consultations difficiles et les résultats n'étaient pas si rapides.

Valérie la rassura avec bienveillance :

― Ça ira.

Ninon sourit tristement. Elles redémarrèrent pour rejoindre l'église communale.

Le soleil était au beau fixe, mais les températures avaient chuté pendant la nuit. Adieu les robes d'été, Ninon avait ressorti les pantalons et les pulls d'hiver. Les joies du printemps... La famille n'attendait plus qu'elles pour la cérémonie. Le comité restreint patientait sur le parvis de l'église, Clothaire dans sa robe de baptême.

Ninon se fit aussi petite qu'elle le put quand elle se glissa parmi la foule. Louis bavardait avec ses cousins, il portait une chemise et du gel, c'était la première fois qu'elle le voyait si apprêté. Ses cheveux bruns gominés en arrière, il ressemblait à un mafieux italien. En fait, il ressemblait surtout à son père. D'autant qu'il avait bronzé à arpenter les vallées alentours, la veille. L'air de famille était flagrant.

Perdu. Il la remarqua aussitôt.

― T'étais où ?

― Avec ta mère, on était parties faire des courses de dernières minutes.

S'il y avait une chose que Ninon maîtrisait à la perfection, c'était l'art d'éluder la vérité sans jamais mentir. Elle savait y faire pour tourner ses phrases d'une manière vague. Moins on était clair, moins on avait le risque de se faire prendre. Et Louis tomba dans le panneau. Il fronça les sourcils, mais laissa passer. Quand Clémentine appela tout le monde à rentrer dans l'église en respectant les distances de sécurité et les regroupements par famille, Ninon culpabilisa. Peut-être devrait-elle lui parler...


Ninon n'avait jamais assisté à un baptême. Sa famille n'était pas religieuse pour un sou. Bien au contraire, on évitait toute forme de dévotion comme la peste. Tous les prétextes étaient bons pour taper sur les religions, surtout celles qu'il était tendance de détester et contre lesquels les médias alimentaient des terreurs fantaisistes. Pour autant, être athée n'était pas un bouclier contre les croyances ubuesques et les tendances sectaires. Sa mère en était un parfait exemple : refusant toute icône religieuse à moins de dix mètres d'elle, mais suivant le premier gourou qui promettait de traiter les cancers avec le cycle de la lune et le mysticisme du magnétisme.

L'écumeWhere stories live. Discover now