𝙹𝚘𝚞𝚛 𝟹

109 22 118
                                    

Siri, mets ma vie en pause, s'il te plaît.

— Cathy, ça ne va pas du tout. 14,5 sur vingt.

Le vampire sans crocs me tend la copie raturée de rouge, mon père était tout content en me déposant ce matin, à l'idée que j'aie un vingt sur vingt. Je pose la feuille sur mon pupitre et la regarde les larmes aux yeux. Tous mes espoirs s'envolent et se brisent, mes jambes flageolent, ma gorge et mon ventre se nouent, mon cœur tambourine dans ma cage thoracique et mon corps est pris de violents tremblements.

— Amy ?

— Présente ! cria la dénommée Amy en levant le bras.

— Excellent travail, 20 !

Les larmes coulent sur mes joues de plus belle, je renifle et me frotte les yeux à l'aide de la manche de mon gros sweat large. J'appréhende, je ne veux pas rentrer à la maison. Que va penser papa ? Que va penser mon prof de cours de soutient ? Que va dire maman..?

Pourquoi suis-je aussi nulle que ça...?

La cloche retentit au même moment où le prof ramasse nos copies. Je range mes affaires et les fourre dans mon sac à dos rose bonbon. La chanson Title track de MGK trotte dans ma tête, et malgré ma situation désastreuse, je prends la peine de visser mes écouteurs dans mes oreilles et les branche à mon téléphone. Je me dirige vers la cantine en me faisant bousculer par plusieurs élèves au passage. Je suis invisible à leurs yeux, personne ne me voit, et personne ne daigne me parler. Ce serait un honte de parler au fantôme du lycée... Peut-être est-ce à cause de mon accent un peu trop prononcé...?

Je prends place au self et laisse mon sac sur une table, je prends un plateau et me sers chez la gentille dame qui se trouve derrière le comptoir :

— Qu'est-ce qui te ferai plaisir, ma petite pomme d'amour ?

Un sourire radieux vient étirer les rides de son doux visage, la vieille Marta est française, son accent est adorable, je prends toujours un petit carnet avec moi pour noter les mots qu'elle m'explique.

Tu veux un croissant ? Me dit-elle en français.

— Haha ! J'ai compris ! Oui s'i- vu -plaît !

Elle se moque de mon accent bâclé et me dépose un beau croissant bien garni sur le plateau, plus une tarte au pommes, des frites, un sandwich et une bouteille de jus d'orange.

— Merci Marta !

— Mais de rien !

Je m'apprête à me retourner lorsqu'elle remarque mes yeux enflés et m'apostrophe :

— Catherine ? Est-ce que ça va ? Tu as pleuré...?

Je soupire :

— J'ai eu une mauvaise note en maths...

— Combien ?

— 14,5. répliquai-je en baissant le regard.

— Mais, c'est une bonne note ma chérie !

— Pour vous, Marta... Vous voyez toujours le bon côté, mais pas mon professeur, ni mes parents...

— C'est Monsieur Morton, ton professeur ?

— Pio, c'est bien lui !

Elle tape dans ses vieilles mains ridées et couvertes de tâches de vieillesse en riant :

— Ne me parle plus de ce coureur du jupons !

Elle regarde autour d'elle comme pour vérifier si personne n'est en mesure de nous écouter puis elle ajoute, en plaquant sa main près de sa bouche, et me mime de m'approcher encore plus, je m'exécute :

— Il paraît qu'il voulait épouser une de ses élèves qui faisait l'âge de sa fille !

— Non ?!

— Si ! Et même qu'il voulait l'y obliger en la menaçant qu'il pouvait la faire redoubler, c'était une petite de 16 ou 17 ans qui était son élève il y a 2 ans, elle a fait un scandale !

— Je n'y crois pas ! criai-je presque.

— Moins fort !

Je m'excuse et continue de discuter avec elle pendant deux bonnes minutes avant de rejoindre mon banc, surprise, je vois que des élèves y sont assis.
Je regarde autour de moi en me demandant si je me suis trompée, mais non. C'est bien le banc où j'avais posé mon cartable. Un garçon me regarde du coin de l'œil avant de sourire crument :

— Regardez qui voilà !

Tous les autres attables se retournent, je baisse le regard, assez intimidée...

— Je... Mon... mon... cartable était là et je...

— T'as dit quoi blondinette ? fit le garçon aux boucles en se levant et en avançant vers moi d'un pas menaçant.

J'avale ma salive avec difficulté et m'accroche à mon plateau. Une fille sors mon cartable de derrière le banc et le tend au dénommé "Bryan" qui le saisit et le jette violemment à mes pieds. Mon téléphone tombe de la poche de ce dernier et la protection se fissure :

— Mon téléphone ! criai-je en me penchant pour le récupérer.

— "Mon téléphone !" me mima-t-il. Non mais elle est sérieuse celle-là ? T'as eu ton cartable alors maintenant dégage !

Je le regarde, les larmes menaçant de couler :

— Pourquoi tu as fait ça...?

L'assemblée éclate de rire comme si je venais de raconter la blague la plus drôle du siècle. Je baisse ma tête et quelques larmes coulent déjà sur mes joues :

— Oh non... Tu pleures ? cria-t-il en ricanant. 

Je baisse le regard et reste immobile, il se rapproche encore en me poussant, une fois, deux fois, trois fois, en me criant de dégager : 

— Tu me fais mal ! 

Il persiste, il me pousse violemment une dernière fois, je glisse et bascule en arrière. Le choc est aussi rude que la chute, je renverse mon plateau qui tombe à la volée en projetant ma nourriture dans les airs, mon jus d'orange se renverse sur mon jeans, mon croissant tombe par terre : mon déjeuner est foutu, j'ai mal aux jambes, je suis humiliée. 
Je ne peux pas arrêter ces foutues larmes qui coulent sur mes joues laissant de longues traîner transparentes, mes joues chauffent, le rouge me monte au visage. J'ai envie de disparaître. 

Le silence fait place aux ricanements des élèves qui venaient de se retourner vers moi. Marta arrive en courant : 

— Catherine ?! Mais qu'est-ce que... 

Je me relève et essuis mon visage d'un revers de main à l'aide de la manche de mon gros sweat, et lui souffle d'une toute petite voix :

— Désolée pour le bazar Marta... 

Mon jeans est trempé, les rires ne cessent de s'élever tandis que je pleure en silence, seule. 

Je sors du self en traînant les pieds, le silence reprend son droit dans les couloirs déserts de l'établissement, je me rend vers la partie réservée aux collégiens, puis me dirige vers les toilettes. Je me rince le visage et hurle en pleurant toutes les larmes que j'ai en réserve. La douleur est trop intense, je me suis écorchée les mains, Ils m'ont écorché le cœur.  

Je saisis mon portable et vérifie s'l n'est pas foutu. L'écran fonctionne encore, malgré les imposantes fissures qui le jonchent. 

Qu'est-ce que je vais dire à papa maintenant...? 

Je soupire, je veux ma maman... J'ai besoin d'un câlin... J'ai besoin de réconfort, j'ai besoin de quelqu'un pour m'aider à surmonter ce que je subis ici... J'ai besoin d'air, j'ai envie de respirer... 

Je m'appelle Catherine Miller et j'aurais 14 ans le 3 décembre prochain. 

𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓 𝐕𝐈𝐑𝐆𝐔𝐋𝐄 [ 𝙴𝙽 𝙲𝙾𝚄𝚁𝚂 ]Kde žijí příběhy. Začni objevovat