𝙹𝚘𝚞𝚛 𝟾

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Distraite, je suis distraite. Ou alors, je suis nerveuse, pire, anxieuse. J'ai chaud, j'ai froid, et une boule énorme me noue l'estomac. Je me regarde une dernière fois dans la glace et prie intérieurement pour que tout se passe bien... 

 Nous sommes en juin, l'école est finie, le bal de fin d'année est annoncé, pour surprise générale, cette année, j'y vais accrochée au bras d'Ethan Hills, qui a eu la gentillesse de m'y inviter. Je dois être heureuse, j'imagine. J'ai un ami qui m'accompagne au bal, je suis plus que ravissante dans cette robe dorée. Mes yeux bleus doivent pétiller, mais tout ce que je vois, c'est un corps livide, presque cadavérique, un teint blanc de porcelaine, au nez poudré et aux joues faussement rosées, des cils recourbés par un mascara qui me pique les yeux, des lèvres teinté d'un gloss rosé, qui brille peut-être plus que mon avenir. Je vois des bras maigres, trop frêles, trop blancs... Des cheveux ramenés dans un chignon dont quelques mèches bouclées s'échappent, une frange indomptable, des poches sous les yeux, grossièrement dissimulée par un filme beige opaque, dont la texture est aussi épaisse que du beurre. 

J'ai l'impression d'étouffer. 

Le bal de fin d'année de mon collège regroupe tous les élèves diplômés de leur brevet, y compris ceux qui viennent de groupes scolaires différents. Le pire dans tout ça, c'est que mon père est d'accord pour que j'y aille, (ce serai franchement bizarre qu'en plus de me séquestrer, il me prive de la fête annuelle), il ne sait pas qu'Ethan m'y accompagne, il serait furieux s'il l'apprenait... 

Je saisis mon téléphone et scrute l'écran, 19 heures, j'ai encore 1 heure devant moi... 

— Catherine ! Tu es prête ? 

La voix de ma mère raisonne dans le grand Duplex fraichement repeint, je me remets une touche de gloss et ouvre la porte de ma chambre :

— Oh, tu es... 

Elle hésite avant de parler, elle se tortille les doigts et se pince les lèvres avant de dire :

— Très jolie, mais, tu as un peu forcé sur l'anticernes, je crois... Tu sais, tu n'as pas de cernes, ma chérie. 

— Maman... fis-je d'une voix presque inaudible, qui menaçait de se briser. Absolument tout le monde me fait la remarque... 

C'est bon, ça y'est. Le stress remonte, et l'envie de me planquer sous la couette de mon lit douillet et de me projeter violemment dans les pages d'un livre monte en ébullition. Mon anxiété se transforme en une phobie sociale, chaque jour, chaque seconde... Chaque rumeur qui se répand à mon sujet, chaque moquerie... chaque moment passé seule dans mon coin, chaque minute écoulée alors que je me trouvais seule dans un coin sombre de la bibliothèque du collège... Je n'ai aucun souvenir heureux, j'ai toujours été seule dans des endroits au fond de moi dont je ne connaissais même pas l'existence... Cette solitude, qui pour moi a été une tempête de silence, et qui a arraché toutes mes branches fragiles... un silence interrompu par des soupirs évanouis, des rires, des moqueries, et par ma voix étouffée, qui avait envie de sortir...

— C'est parce que tu as une bouille blanche, ton visage est angélique, ma puce, ils sont jaloux... Ne pleure pas, ne ruine pas ton joli maquillage... 

Sur ces mots qui se veulent réconfortants, elle me serre dans ses bras avant de me saisir le visage et d'essuyer le surplus de produit à l'aide d'une petite lingette blanche, et par la même occasion, elle essuie les larmes qui se sont échappées de mes yeux... 

— Regarde-toi, tu es tellement jolie, et cette robe te va à ravir ! Ton père sera là d'une minute à l'autre. Je suis certaine que tu seras le diamant de la soirée. 

𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓 𝐕𝐈𝐑𝐆𝐔𝐋𝐄 [ 𝙴𝙽 𝙲𝙾𝚄𝚁𝚂 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant