8 | Une sincérité assez rare

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C'est quoi ce délire ?!

Nous sommes tous les trois figés, mais le mouvement du chien sous moi s'occupe de me reconnecter à la réalité. Le cœur battant à tout rompre, je me recule, l'observant tandis que – libéré de mon poids – il s'empresse vivement de se redresser. S'asseyant pour me contempler à son tour, il capte immédiatement toute mon attention.

Alors ? As-tu compris que tu as failli mourir ? Réalisé que je ne te ferai jamais de mal ? Je veux te protéger, fais-moi confiance.

Tout va bien, murmuré-je alors que ses pupilles sont plongées dans les miennes.

Spontanément – espérant que Naïm ne refasse pas des siennes – j'avance doucement mes doigts dans sa direction, guettant ses réactions, circonspecte. C'est finalement un léger coup de langue qui les accueille, allégeant la pression présente dans ma poitrine.

Gagné ?

Souhaitant confirmer cette hypothèse, ma main rejoint son poil, l'explorant précautionneusement. Puis lorsque j'atteins l'arrière de ses oreilles, sa queue commence à remuer comme si nous étions de vieux copains.

Gagné !

À cette seconde, mes lèvres s'étendent avec une sincérité assez rare pour être soulignée, donc c'est parée d'une mine honnêtement réjouie assortie d'un sourire d'une fierté indéniable que je pivote vers les deux hommes, qui eux, demeurent statufiés.

Wahou ! C'est quoi ces têtes sérieux ?!

Allez viens ! proposé-je au canidé d'une voix enthousiaste.

Il se lève en réponse à mon injonction, suivant mon mouvement jusque dans l'eau tandis que je reste face à lui, m'assurant qu'il ne soit pas tenté par l'idée de faire demi-tour.

Je ne te laisserai guère filer !

— C'est bien, continue, l'encouragé-je, satisfaite.

Finalement, nous rejoignons l'autre rive et je m'assois un instant avant de sortir, frottant son pelage afin de le nettoyer. Ce dernier prend une teinte flamboyante qui n'est pas sans me rappeler l'éclat d'yeux espiègles de mon passé.

Lorsque j'étais une petite sœur. Avant de n'être plus rien.

Ce souvenir ayant tôt fait de remettre en place le voile sombre recouvrant mon âme, je secoue légèrement la tête, tentant vainement de maintenir parmi mes traits l'éclat de cette joie sincèrement ressentie. Sauf qu'il s'est envolé quand je m'extirpe de l'eau, réalisant que Naïm et Priam n'ont toujours pas bougé. L'un a encore l'air horrifié et l'autre – bien que sa main soit retombée le long de son corps – semble resté en apnée. Mes yeux se plissent d'incompréhension pendant que les leurs me suivent scrupuleusement, comme s'ils attendaient une autre réaction que celle que j'ai eu jusqu'à présent.

Ça vient, ça vient. Comptez là-dessus. Même si tout est bien qui fini bien.

Je me dirige vers eux d'une foulée rapide – le chien sur mes talons – me plantant devant le soldat pour le bouscule en plaquant brièvement mes paumes sur son torse.

— Non mais t'es dingue ?! grondé-je. T'as failli le blesser ! Qu'est-ce qui t'a pris ?! Tu vois bien qu'il est inoffensif ! Il avait juste peur ! Tu aurais pu me laisser plus de temps ! Personne ne peut faire de miracle si vite !

Même si parfois on a à peine fermé les yeux que tout change. Pas pour le meilleur. Le bon se construit avec patience, se détruisant en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Jusqu'au fond de l'eauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant