47 | Sans lui

462 83 34
                                    

Le ciel est de plus en plus sombre. Ma gorge irrémédiablement nouée, j'aperçois plusieurs averses tomber au loin. Le cœur douloureux, je me retiens difficilement de sauter dans la mer, cherchant l'apaisement que l'eau saurait me procurer. Honnêtement, je me raisonne tant bien que mal, me persuadant que la pluie fera son œuvre d'ici peu. Que lorsqu'elle glissera sur ma peau, je me sentirai mieux. Aux alentours, quelques passagers se promènent sur le pont, lançant des œillades nerveuses en direction des plus gros nuages vers lesquels nous nous dirigerons, poussés par un vent intense.

Aurai-je l'air étrange, si je demeure sous les gouttes pendant que tous les autres iront précipitamment s'abriter ?

Probablement, Eléa.

L'air étant définitivement frais sur cette partie du continent, je resserre ma cape après une rafale m'ayant fait frissonner. N'étant guère habituée à ce type de météo, je songe un instant à aller chercher d'autres vêtements dans ma malle, bien que j'ignore où elle se trouve. Pour autant, je demeure debout sur le parapet de la proue du navire, une main accrochée à une corde afin de garder l'équilibre. Écoutant l'apaisant bruit des vagues se brisant contre la coque ainsi que celui des voiles blanches nous faisant avancer à vive allure, je pense. Ici, mais ailleurs à la fois. Mes pérégrinations vont et viennent inlassablement, me ramenant toujours à lui. Jusqu'à me donner l'impression de sentir ses doigts effleurer mon dos. Anéantie, je peine à réprimer le soupir douloureux tentant de m'échapper à ce souvenir aussi âpre qu'il aurait dû être doux à tout jamais. À votre avis, combien de temps vais-je pouvoir ravaler ces sanglots ?

Pourquoi es-tu parti sans me dire au revoir, Priam ?! Tu as prétendu que tu m'aimais ! Ne vais-je pas te manquer ?! N'était-ce en rien difficile pour toi ?! Nous n'avons jamais évoqué nos retrouvailles ! Cela est-il sans importance à tes yeux ?!

Pour rappel, tu lui as interdit de parler plusieurs fois, Eléa. Il n'a fait qu'obéir à ton injonction avec cette compréhension le caractérisant.

Ta gueule putain !

Tu admettras que j'ai raison.

Peu importe ! Si je comptais alors il aurait dû m'affronter ! S'imposer !

Le cœur meurtri, hésitante sur la nature de notre relation, j'ignore depuis combien de temps mon attention s'est perdue sur la ligne d'horizon lorsque je réalise – du coin de ma vue brouillée par les larmes – qu'un homme arrive à mes côtés, s'y arrêtant.

— Je suis ravi de vous revoir en parfaite santé, madame, me salue-t-il, souriant.

Oh, c'est toi.

Après avoir passé un revers de main rapide sur mon visage, je force le sourire qui ne trompera personne mais que je suis habituée à offrir.

— Merci capitaine Ilyes, votre sollicitude me touche.

Désolée de ne pas sembler davantage ravie.

Faire cette nouvelle traversée sur le même navire que la première est aussi rassurant que douloureux. Retenant une expiration malvenue, je saute du bastingage pour rejoindre le marin, laissant impulsivement glisser mes doigts sur le bois où étaient autrefois posés ceux du blond me hantant.

Je t'aime. S'il te plaît, laisse-moi le temps de revenir vers toi. Autorise-moi à croire que j'ai réellement de l'importance dans ta vie.

— J'ai ouï-dire que je me devais de vous remercier, ajoute-t-il, feignant poliment d'ignorer ma lamentable apparence.

Pardon ?

— À quel sujet ?

— Le roi m'a convoqué afin de me parler de votre quête, précise-t-il, me couvant d'un regard bienveillant. Il est désormais évident que vous êtes celle ayant envoyé ce bâtiment pirate par le fond.

Jusqu'au fond de l'eauDonde viven las historias. Descúbrelo ahora