4|Main tendue

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Chaque année, je me présente à l'élection des délégués de classe

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Chaque année, je me présente à l'élection des délégués de classe. J'aime qu'ils soient sérieux, mais je suis souvent déçue par la nonchalance des candidats. Ainsi, je me dévoue tous les ans pour ce poste, puisque je sais que si c'est moi qui représente la classe, je ne serai pas déçue par un délégué incompétent et paresseux. Lorsque je suis la seule à me présenter, je suis élue d'office. Cependant, lorsque j'ai de la concurrence et que d'autres se proposent également pour le poste, je ne fais jamais l'unanimité des votes.

J'ai conscience que ma sévérité et mon regard froid en rebute plus d'un à voter pour moi. Mais je n'y peux rien : c'est ainsi que je suis. Je ne supporte pas les feignants, je déteste ceux qui bâclent leur travail et qui ne font aucun effort. Alors parfois, je m'emporte et je fais savoir mon mécontentement. Et ça ne plaît à personne d'être réprimandé.

Cette année, plusieurs autres candidats se sont proposés. Sans grande surprise, je n'ai pas été élue, et encore moins choisie pour faire partie de l'équipe de délégués censée veiller à une bonne entente dans la classe tout en gérant les conflits qui éclatent parfois. J'utilise le terme « censé », parce qu'il est clair que cette petite équipe ne prend pas son rôle au sérieux et n'éprouve aucune culpabilité à fermer les yeux sur le harcèlement.

Ce n'est pourtant pas faute de leur en avoir parlé. J'ai plusieurs fois eu une conversation en tête-à-tête avec le délégué de classe — pardonnez-moi le mot, mais c'est un con — à propos du cas de Toge Inumaki et des brimades qu'il subit. Mais il a tout nié en bloc, se contentant de me dire que ce n'était pas mes affaires et que je n'avais pas à fourrer mon nez dedans.

S'il y a bien une chose que je déteste encore plus que les feignants, ce sont les gens corrompus. Depuis que je suis toute petite, je hais les injustices. Alors même si ça ne me regarde pas, j'ai souvent tendance à m'incruster dans des histoires qui ne me concernent pas pour rétablir un semblant de justice et remettre à leur place ceux qui ont dépassé les bornes. J'ai beau ne pas aimer créer de conflits, j'aime encore moins rester les bras croisés alors que je sais que j'ai les capacités d'aider.

Si je vois un élève se faire maltraiter, je ne vais certainement pas fermer les yeux et passer mon chemin. C'est pourquoi, lorsque je sors du lycée pour rentrer chez moi et que j'entends des cris étouffés derrière le gymnase, je ne peux m'empêcher d'accourir pour voir ce qui se passe. Je fronce les sourcils en tombant nez à nez avec Toge Inumaki face à deux autres lycéens de troisième année — des racailles — qui le regardent de haut.

— Arrêtez-ça. Si vous ne voulez pas que je rapporte ce que vous faites au proviseur et que vos parents soient au courant, vos feriez bien de m'obéir et de dégager.

Je leur lance le regard le plus noir dont je suis capable. Je cherche à les intimider pour résoudre le conflit sans avoir à en venir au main. Ce sont bien évidemment des menaces en l'air, puisque peu m'importe leurs réactions : qu'ils m'obéissent ou non, je ferais en sorte qu'ils soient punis et qu'ils s'en souviennent longtemps.

— Qu'est-ce qu'elle veut cette pute ?

— Mêle-toi de tes affaires Yoshida, retourne sucer les profs.

Je serre les bretelles de mon sac de toutes mes forces. L'un d'eux recommence à cogner Toge Inumaki, comme si je n'étais pas là. Il encaisse en silence, sans me regarder, comme s'il avait honte de la situation. Les coups ne semblent pas lui faire mal, je me demande combien il a dû en subir pour arriver à une telle maîtrise de lui-même.

— Puisque c'est comme ça, je suppose que vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que je filme la scène et que j'appelle la police ?

Ils se figent et tournent la tête vers moi. Ils n'ont peut-être pas peur d'un petit conseil disciplinaire, mais visiblement, la menace de la police leur fait de l'effet. Je sors mon portable de mon sac et appuie sur l'application de la caméra.

— Dégagez. Et tout de suite.

L'un deux crache à mes pieds, l'autre se contente de crisper la mâchoire et de me dévisager. En passant à côté de moi, ils passent leur pouce sur leur gorge, comme une menace silencieuse. Je n'y prête pas attention, range mon téléphone et me précipite vers Toge qui se relève péniblement.

— Inumaki-san, allons à l'infirmerie. Tu as mal où exactement ?

— Sashimi...

Il pointe du doigts ses côtes, je prie pour qu'elles ne soient pas cassées.

— Tu peux marcher ?

— Saumon.

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris, ce n'est pourtant pas la première fois que ses réponses sont aussi absurdes et vides de sens. Mais je ne peux retenir un gloussement. La situation est grave, il est blessé, et il continue à parler de nourriture. Il semble surpris de me voir rire, ce que je comprends : je n'ai pas l'habitude de me laisser aller. Il a l'air encore plus surpris lorsque je passe mon bras derrière ses épaules pour l'aider à avancer.

Je le sens se figer pendant un instant, et des rougeurs sont mêmes apparues sur ses pommettes. Il ne doit pas avoir l'habitude d'une telle proximité avec le sexe opposé. Je n'y suis pas habituée non plus, mais il en faut beaucoup pour m'embarrasser et arracher une quelconque expression à mon visage de marbre.

— Takoyaki, Sashimi Yakisoba.

J'esquisse un petit sourire puis hoche la tête. J'imagine que c'est sa façon à lui de me dire merci. Tandis que l'entraînement de softball poursuis son cours dans le stade extérieur et que nous entendons des ballons rebondir à l'intérieur du gymnase, signe que l'équipe de basket a commencé à jouer, je conduis en douceur Toge Inumaki à l'infirmerie, en espérant que ses blessures ne soient pas trop graves.

 Tandis que l'entraînement de softball poursuis son cours dans le stade extérieur et que nous entendons des ballons rebondir à l'intérieur du gymnase, signe que l'équipe de basket a commencé à jouer, je conduis en douceur Toge Inumaki à l'infirmer...

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Sashimi Yakisoba pour les intimesWhere stories live. Discover now