CHAPITRE TROIS .2

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Suwane posa avec une dextérité de plus en plus stupéfiante son petit kañv d'attaque monoplace, sur le terrain balisé par les soldats et effectua les manœuvres d'arrêt du rotor en poussant un profond soupir.

Avec tous ces vols, ces posés et ces décollages, il ne devait pas rester grand-chose en énergie dans ses bouteilles.

Une équipe de trois hommes s'approcha de son KA 011 pour recharger ses batteries et l'approvisionner en munitions si nécessaire.

Suwane fit un signe négatif en montrant le canon de son fusil lourd qui jaillissait de son cockpit. Elle n'avait pas eu besoin de s'en servir depuis qu'elle volait. Elle quitta son siège et montra son cahier au sous-officier.

Elle n'avait besoin que de bouteilles pleines pour reprendre l'air et poursuivre ses reconnaissances.

Puisqu'elle était muette, le seul rôle qu'elle pouvait remplir sans avoir besoin de personne d'autre était la reconnaissance des objectifs, les châteaux et manoirs fortifiés, alliés à la cité d'Azil susceptibles de mobiliser des renforts.

Avec les indications de prisonniers plus ou moins coopératifs, Suwane cherchait puis localisait le plus précisément possible ces endroits.

Ensuite, grâce à une série de cours accélérés sur la mise au point offerte par Adacie et ses enseignes, elle en relevait les coordonnées le plus précisément possible avant de revenir les transmettre à son amante et supérieure, qui y envoyait ensuite un 341 avec des prisonniers messagers.

Depuis que Tranit avait dressé la bannière aux trois bleus sur les Imprenables, Adacie avait réussi à envoyer près de quatre-vingts émissaires et à obtenir des réponses dans plus des trois quarts des cas. Il fallait dire que la jeune femme avait mis au point un système redoutablement efficace d'après les idées de Tranit et d'Erwan.

Elle avait regroupé tous les chevaliers, écuyers et officiers capturés lors de la prise des forteresses et s'était empressée de dresser une carte de leurs relations.

À un certain point, tous étaient plus ou moins voisins, voire cousins à un certain degré. Et malgré leur état de choc, leur réflexe de ne pas vouloir coopérer, ils finissaient par lâcher quelques brides d'informations suffisantes à Adacie et les officiers des deux régiments pour sélectionner leurs messagers.

Ceux-ci n'étaient pas renvoyés chez eux, mais chez un proche voisin, dont le fils ou la fille avait été capturé ou blessé, avec un message du membre de leur famille et un autre d'Erwan, escorté par un hussard ou un mousquetaire à pied.

Transportés ils ne savaient comment et se retrouvant en territoire connus après un bref trajet, alors qu'ils avaient souvent mis plusieurs jours pour parvenir jusqu'aux formidables fortifications dont ils devaient assurer la garde, ils allaient, plus ou moins hébétés parce qu'il leur était survenu, apporter leur message, l'homme d'Erwan attendant au loin, bien visible, mais prêt à riposter.

Le messager qui revenait porter la réponse avait la certitude de revoir sa famille d'ici moins d'une décade. Depuis le début de l'opération, il n'y avait eu que cinq incidents : deux messagers refusant de revenir et trois châteaux où des hommes en patrouille avaient tenté de capturer l'homme d'Erwan.

Deux d'entre eux avaient été légèrement blessés mais quatorze Aziliens avaient été tués et trois chevaliers capturés, à la stupéfaction totale des défenseurs.

C'était inévitable mais, les effectifs d'Adacie étant limités, ces quelques incidents étaient frustrants. Avec les renseignements dont ils disposaient avant le début de l'attaque, Erwan avait estimé qu'il faudrait neutraliser deux cents places-fortes pour s'offrir l'espace sécurisé dont il avait besoin pour mener cette première partie de sa campagne à terme.

Avec un 341 détruit, un autre touché par un problème encore insoluble pour le moment, il ne restait que quatre engins qui avaient rempli toutes leurs missions.

Avec celles d'aujourd'hui, ils allaient peut-être enfin dépasser la centaine d'objectifs. De toute façon l'escadron était en limite de possibilité et les équipages, malgré toute leur bonne volonté, épuisés.

C'est que diriger un chariot du ciel n'était pas une mince affaire. Physiquement c'était à la portée de presque n'importe qui. Dans la tête, il en était bien autrement. Et puis rien à voir avec chevaucher un goéland, chose complètement naturelle pour Suwane et plus de la moitié des équipages.

Un 021 était gardé en réserve pour Erwan, un second utilisé pour faire la navette avec la ligne ferroviaire en construction plus haut, alors que le troisième le troisième était encore en réparation.

Son équipage pourrait renforcer Suwane dans les actions de reconnaissance. Il restait toujours une bonne trentaine de citadelles, de manoirs dont la jeune femme n'avait pas encore réussi à établir la position avec certitude.

Suwane montrait de cahier de relevé et voulait le remettre à l'équipe d'enseignes qui établissait les cartes et les plans de vol, mais un sous-officier lui montra un jeune pilote s'approcher d'elle à vive allure. Le second adjoint d'Adacie.

— Il a quelque chose à vous dire, lieutenant.

Suwane fronça les sourcils en voyant l'air préoccupé du sergent qui retourna très vite auprès du kañv.

— Suwane, l'interpella le lieutenant Klins, on a un petit problème.

La jeune écuyère attendit la suite. Tout le monde savait qu'elle était muette et qu'il fallait donc lui en dire plus avant qu'elle puisse réagir ou décider quoi que ce soit.

— Le 341 du capitaine est tombé en rade sur le chemin du retour à trois lieues d'ici.

Le visage de Suwane devint blanc. Son cœur se serra, mais elle s'efforça d'écouter le rapport du lieutenant.

— Adacie est blessée, lui apprit ce dernier, en levant la main pour qu'elle le laisse poursuivre son explication. — Elle est inconsciente, mais ses blessures ne me semblent pas trop grave. J'étais ici quand on a reçu le message de détresse en TOP. Le 341 du lieutenant Agad était déjà ici, en train d'être remis à niveau. Il est intervenu assez vite.

Le copilote est en vie et a parlé des bouteilles qui se sont vidées d'un seul coup. Deux mousquetaires et un Aziliens tués. Cinq autres prisonniers commotionnés.

Autant pour l'espoir d'atteindre enfin les objectifs fixés. La jeune muette sentait son cœur battre plus vite, l'inquiétude allait la gagner. Elle devait la voir !

Klins poussa un nouveau soupir et son air préoccupé se renforça.

— Bien content que tu sois de retour ! Je sais pas trop quoi faire. Impossible d'obtenir des instructions de Sa Seigneurie.

* * *

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 7Où les histoires vivent. Découvrez maintenant