CHAPITRE SEPT .1

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Elle n'avait pas osé le monter, pas encore, mais avait attaché les pieds du mort à sa selle pour le regrouper avec les autres. L'erkis avait finalement suivi, après quelques signes d'encouragement.

Tranit avait rejoint le cadavre de dorkis le plus proche et recommencé son écœurant travail de bouchère. Mais cela avait été bien plus facile que de dépecer un corps humain.

L'erkis s'était bruyamment régalé des organes internes du volatile et Tranit avait dû s'éloigner quelque peu pour ne pas succomber à la tentation de vomir une nouvelle fois.

Elle n'avait plus rien dans l'estomac et commençait à voir un peu trouble. Mais elle avait pu regrouper les différents corps et les rassembler plus loin, vers le début du plateau.

Le second cadavre de dorkis avait lui aussi été éventré pour nourrir l'erkis qui émettait un son de gorge de plus en plus fort au fur et à mesure que Tranit le sustentait. Et de sa longue langue préhensile, il léchait les corps des maraudeurs couverts de sang et de fourmis.

Tranit ayant trouvé sur le second dorkis une outre d'eau et une plus petite d'alcool s'était éloignée pour se rafraîchir et avaler quelques gorgées, pour s'aider à supporter le spectacle. Elle pouvait détourner le regard, mais impossible d'échapper aux bruits que faisait l'animal en aspirant goulûment d'innombrables fourmis enduites de sang. Il semblait se régaler.

Tranit s'assit à l'écart, fuma une pipe de chanvre et avala quelques lampées d'alcool pour tenter de tenir et attendre qu'il ait fini de se rassasier. Le temps jouait contre elle.

À ce rythme, elle n'allait pas pouvoir récupérer ses affaires avant le lendemain et perdre ainsi de précieuses heures. L'avance qu'elle pouvait avoir sur ses poursuivants était ce dont elle avait le plus besoin.

Perdue dans ses pensées, Tranit eut un mouvement de frayeur en découvrant l'erkis assis à moins d'une toise, la regardant attentivement. Elle ne l'avait même pas entendu approcher. Elle calma sa respiration et observa l'animal en tentant de ne pas penser à l'odeur infecte qu'il dégageait.

Sa gueule couverte de débris d'entrailles, de sang séché, il la regardait puis se tournait vers la pile de cadavres qu'il avait consciencieusement léchés pour en récupérer la moindre goutte de sang et les fourmis qui revenaient pourtant obstinément à l'assaut de cette montagne de victuaille.

Tranit comprit finalement que l'animal voulait encore manger. Il avait compris que Tranit pouvait le nourrir et le lui signalait. Jamais la jeune femme n'avait pensé cela possible. Un dorkis affamé se mettait à picorer frénétiquement et son cavalier comprenait ce qu'il fallait faire, mais l'erkis semblait communiquer de façon plus efficace.

Tranit leva les yeux au ciel, exaspérée. Elle avait donné tout ce qu'il pouvait manger chez les deux dorkis. Elle ne voulait pas recommencer à dépecer des cadavres. Mais avait-elle le choix ? Pourrait-elle contraindre ce monstre à lui obéir si elle ne le nourrissait pas ?

Elle ne pensait pas avoir la force ni la puissance nécessaire pour contraindre l'animal. On disait toujours que les chevaliers montant des erkis devaient être aussi puissants que leurs montures.

Tranit se releva en intimant par geste à l'animal de ne pas bouger. Il le regarda faire et découvrit les dents en la voyant s'approcher des corps. Ses grognements de satisfaction se firent plus forts. La jeune femme se tourna vers lui pipe à la main.

— Deux ! Seulement deux de plus, sale goinfre !

L'erkis regardait sa main qui s'agitait. Tranit termina sa pipe en quelques bouffées puis vida l'outre d'alcool avant de s'attaquer aux deux cadavres les plus faciles. Celui ayant perdu sa jambe dans l'explosion de sa grenade et son compère qui s'était empalé sur son arme.

Serrant les dents à s'en faire mal, la jeune femme trouva les cœurs et les foies qu'elle lança à l'erkis qui ne s'était toujours pas relevé, mais avait pivoté dans sa direction. Comment un tel animal pouvait-il se déplacer si silencieusement ?

C'était un mystère, mais il ouvrit grand la gueule lorsque Tranit lui lança les organes qu'il avala avec un long grognement de satisfaction. Il avalait sans même mâcher.

Tranit le regarda, incrédule, dégoûtée et pourtant quelque peu fascinée devant la sauvagerie de l'animal.

— Monstrueux goinfre ! J'ai rarement vu une bestiole aussi ignoble !

L'erkis montra les dents et tira la langue, comme s'il voulait encore manger, mais Tranit brandit fermement le poing !

— Ça suffit ! J'ai plus rien à vomir ! Lève-toi !


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Vixii

Les Larmes de Tranit - 7Where stories live. Discover now