CHAPITRE TROIS .3

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Suwane respira profondément pour dompter un début d'affolement de son cœur puis écrivit sur son cahier. Le lieutenant suivant au fur et à mesure ce qu'elle notait, lui répondit assez rapidement.

— C'est arrivé, voici deux heures à peine. On venait de sonner quinze heures quand le message a été reçu. Adacie est à l'hôpital fit-il en montrant l'immense bâtiment en pierre qui longeait le rempart ouest.

Toute la partie sud comportait de vastes appartements pour des hôtes de marques venus avec le roi Wélaxix et Erwan avait décidé d'y installer aussi ses blessés. Suwane hésita entre courir auprès de Tranit pour l'avertir ou bien se précipiter au chevet d'Adacie.

Klins avait en tout cas fait préparer un dorkis pour la jeune femme. Suwane n'hésita pas. Tranit avait ses propres soucis, aussi voulait-elle d'abord s'assurer qu'Adacie n'était pas trop gravement touchée avant de lui apporter cette mauvaise nouvelle.

Suwane grimpa sur le dorkis qu'elle fit volter prestement et se précipita au galop vers les services sanitaires, à plus de six cents toises de distance. Sa monture, un jeune mâle, donna toute sa puissance et moins de trois minutes plus tard, Suwane sautait à terre près de l'entrée.

Un mousquetaire ayant participé à l'opération était en train d'aider un camarade touché à la tête la reconnut et lui montra l'escalier.

— Deuxième étage, lieutenant. La chambre tout à gauche.

Suwane remercia d'un signe de main en avalant les marches et grimpant le plus vite possible. Malgré tout, son cœur battait bien plus fort qu'à l'ordinaire et une petite appréhension la torturait.

Suwane s'arrêta sur le pas de la porte et découvrit Adacie reposant sur un lit, déjà revêtue de cette longue blouse bleue dans laquelle Erwan exigeait que ses blessés soient habillés.

Sa tête était entourée d'un bandage blanc propre, rien ne semblait suppurer, mais son pied droit était lui aussi bandé et posé sur un petit coussin, alors que sa main gauche était recouverte d'un onguent jaune et qu'un liaig préparait un bandage.

Suwane reconnut Asèn, le liaig du Barcus qui lui fit signe d'entrer.

— Lieutenante Suwane. Venez, asseyez vous là, dit-il en lui montrant un tabouret près de la tête du lit.

La jeune femme obtempéra et laissa le druide bander la main d'Adacie qui ne réagissait pas du tout. Le liaig termina son travail et prit appui contre le rebord de la fenêtre donnant sur la chambre.

— Rien de trop grave. Cheville luxée, main brûlée. C'est le choc à la tête qui me préoccupe. Elle portait son casque, pourtant, mais ils sont tombés sur des rochers et ont culbuté direct. Il faut attendre. J'ai pas vu de commotion, mais je regarderai de nouveau ce soir.

Suwane le remercia d'un signe de tête et resta seule avec son amante, oscillant entre tristesse et colère. Elle lui prit sa main gauche qu'elle pressa doucement contre ses lèvres et pensa à tout ce qu'elle voulait lui dire.

Suwane haïssait faire semblant de parler, cela ne servait à rien. Elle resta près d'une heure immobile à son chevet, passant en revue tout ce qu'elle voulait lui dire puis reposa sa main avec douceur.

— Maintenant, songea-t-elle, je vais aller porter la nouvelle à notre Tranit parce que je crois bien que personne n'a encore osé le lui dire. Elle semble tellement fatiguée et si triste quand je l'ai aperçu la dernière fois. Elle a besoin de toi, Ada, pour supporter le fardeau de la prophétie. Reviens vite, moi aussi j'ai besoin de toi.

Adacie lui avait raconté cette histoire de prophétie lancée à Erwan l'année précédente et avait convaincu Suwane que Tranit était bien celle dont il était question.

La jeune Suwane avait accepté le fait, surtout quand son oncle avait confirmé qu'elle ressemblait à la statue de la déesse dont s'occupait sa mère. Un tel hasard, c'était impossible.

Reprenant le dorkis emprunté, Suwane gagna à un rythme plus posé le campement du Barcus à l'autre bout de la forteresse. Elle répondit aux saluts de plus en plus nombreux que les hommes lui adressaient.

L'ambiance semblait bien plus joyeuse que la veille voire même le jour même de la prise de la position. Les veillées étaient plus animées, les hommes semblant revivre finalement.

Suwane se demanda ce qui avait bien pu se passer. Elle aurait pensé que l'exploit aurait été dignement célébré mais le lancement du plan d'Erwan l'avait empêché d'y penser plus longuement.

Elle se faufila entre les chariots et arriva au centre du dispositif du régiment où se trouvaient les deux chariots de Tranit. Tout y semblait bien calme. La lessive avait été faite.

De longues cordes supportaient un grand nombre d'uniformes en train de sécher, les chariots de provisions restaient sous la garde d'une section qui prenait ses aises à l'ombre, mais les équipages étaient dispersés partout auprès de leurs camarades.

Un sentiment de relâchement général presque étonnant lorsqu'on pensait à l'agitation qui régnait dehors. Suwane avait entendu parler des cérémonies de la veille et des nombreux abus d'alcool qui avaient suivi.

Apparemment, les gens du Barcus et de l'Etxalar s'étaient mieux comportés. Une enseigne vint à sa rencontre, toujours aussi alerte et sur le qui-vive.

— Mes respects, lieutenant. Barcus Unité est 10-14.

Il y eut une légère hésitation puis la jeune fille poursuivit.

— 10-77 pour demain 08.00.

Suwane haussa les sourcils, étonnée puis consulta son cahier pour s'assurer qu'elle comprenait bien les codes. Que faisait Tranit en patrouille ?

Suwane descendit de monture qu'elle laissa à l'enseigne et grimpa dans le chariot de commandement. Un certain malaise la gagna lorsqu'elle vit la table avec les armes disposées dessus, comme prêtes pour l'inspection.

Elle visita les deux autres compartiments du chariots mais tout était impeccablement rangé. Trop même, pour elle qui travaillait si souvent ici. Elle se dirigea vers la chariot d'habitation et l'angoisse la saisie.

Tout était là aussi impeccablement ordonné, comme si les occupants venaient de faire le ménage, mais Suwane découvrit les affaires TTA bien posées sur le lit alors qu'elle voyait qu'il manquait quelques pièces d'armure ainsi que l'épée qu'elle avait offerte à Tranit.

Suwane s'aperçut que les coffres de vêtements avaient été récemment bougés. Quand elle les ouvrit et vit qu'il manquait certaines choses, l'incrédulité la saisit. Suwane alla s'asseoir à la table et s'empara d'un gobelet qui trainait.

Elle sentit l'odeur de liqueur, cette boisson fortement alcoolisée qu'il fallait mélanger à de la glace pour en boire, ce qui en général la faisait rire. Pas cette fois-ci. La jeune écuyère sentit un gros pincement au cœur et elle se servit une rasade modérée de ce ouisk pour se ragaillardir, n'osant croire ce que son esprit lui suggérait.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 7Where stories live. Discover now