P R O L O G U E

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« Le souvenir, c'est la présence invisible »
— Victor Hugo

KATERINA

Mes genoux cédèrent sous mon poids et je tombai à terre, une nouvelle fois.

Je pensais avoir vécu le pire lorsqu'elle était partie, que je ne ressentirais pas une telle douleur à nouveau. Je la croyais inégalable, mais je m'étais trompée. Je n'arrivais pas à respirer, la douleur semblait se propager dans tout mon corps, le paralysant et le rendant douloureux. Je voulais sortir de là, ne plus éprouver cette souffrance. Je refusais de la laisser entrer une fois de plus. Des larmes de tristesse et de colère dévalèrent mes joues à toute vitesse. Je manquais de plus en plus d'air.

Je croyais connaître toute l'histoire, tout savoir sur sa mort, mais ces deux lettres affirmèrent le contraire. Comment pouvais-je être passée à côté de tout ça ? Comment avais-je pu être aveuglée par mes problèmes pour ne pas voir les siens ? Comment ?

J'avais passé deux années à faire son deuil, à consulter des psychologues et divers spécialistes pour soigner mon chagrin, tout ce travail pour qu'au final ces nombreux efforts partent en fumée.

La colère que j'éprouvais envers ma mère s'était multipliée quand j'avais lu sa lettre, mais elle disparut aussitôt lorsque je pris conscience de tout ce qu'elle avait enduré sans se plaindre depuis sa mort. Elle était distante avec moi pour ne pas avoir à se souvenir qu'elle avait contribué à son départ. Ma mère avait perdu un enfant et moi je ne pensais qu'à ma petite personne. Cette pensée m'attrista et j'eus honte d'avoir agi de cette manière avec ma mère ces dernières années. Elle avait eu besoin d'un soutien — qu'elle n'avait visiblement pas obtenu auprès de mon père — et pas d'une enfant qui renie sa mère et rejette toute la faute sur elle.

S'il y avait bien une chose que tous mes psychologues m'avaient répétée, c'était que ce n'était jamais notre faute. Que si les personnes faisaient ce choix-là, c'était leur choix et pas le nôtre. Difficile de les croire lorsqu'on était la cause de cette décision-là.

Ma mère n'avait pas été correcte avec moi non plus, cependant j'aurais dû essayer de créer un contact avec elle et ne pas devenir froide et distante. Tellement de regrets et si peu de temps pour arranger les choses...

J'avais l'impression que mon chagrin était en train de me dévorer, me bouffer de l'intérieur. J'étais vide. Mes mains tremblaient, mes yeux me brûlaient à force de pleurer. Je me tirais les cheveux pour essayer de souffrir autre part que dans mon cœur. C'était horrible. J'avais envie d'être partout sauf dans cette chambre avec ces souvenirs et aveux que je souhaitais oublier. J'en avais marre de souffrir, de ressentir cette douleur perpétuelle. J'essayais de la masquer, la camoufler sous des couches de rires sans joie et de sourires vides. Mais rien n'y faisait, elle revenait sans cesse, de plus en plus vite, de plus en plus douloureuse.

J'avais besoin de lui parler, tout de suite. Je ne pouvais pas rester ici, je ne pouvais plus voir sa chambre. C'était bien trop difficile. Je respirai en essayant de calmer mes tremblements mais en vain. Je sortis mon téléphone et faillis le lâcher plusieurs fois. Je composai le numéro de ma meilleure amie mais elle ne répondit pas.

— Merde, merde, merde Élise ! Tout le monde mais pas toi s'il te plaît ! Réponds ! sanglotai-je.

J'étais paniquée. La seule personne qui pouvait m'aider en ce moment ne décrochait pas. Les battements de mon cœur s'accélérèrent brusquement. Je voyais flou. J'avais l'impression que j'allais tomber dans les pommes. Je ne pouvais pas rester ici, c'était inimaginable, quelqu'un devait venir me chercher, tout de suite ! À ce moment, l'image qu'il aurait de moi ne m'importait plus et je décidai d'appeler Aaron. C'était le seul à qui je faisais suffisamment confiance pour lui demander de venir me chercher ici.

Je repris mon smartphone et l'appelai. Les secondes semblaient durer des heures, j'avais l'impression que mon cœur allait s'échapper de ma cage thoracique tellement il battait fort.

Il répondit enfin.

— Aaron ? pleurai-je. Viens me chercher je t'en supplie, j'ai besoin de toi.

C'était un jour d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant