C H A P I T R E | 21

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« Les graines semées dans l'enfance développent de profondes racines. »
— Stephen King

AARON

Je n'arrivais pas à croire que Cadence se trouvait là, dans mon garage, et qu'elle confonde ma petite-amie avec sa sœur disparue. Se ressemblaient-elles à ce point ? Et d'abord, comment Cadence connaissait-elle Mélodie ?

Tous les moments que nous avions passés ensemble me revenaient tel un ouragan. Tout se mélangeait, mon côté paranoïaque refit surface et je ne pus m'empêcher de penser que notre relation était orchestrée depuis le début. Notre rencontre, nos soirées à bavarder, l'amour que nous partagions. Et si Mélodie n'avait jamais existé ? Et si Katerina était une pure invention de Cadence pour me faire du mal de nouveau ?

Je savais qu'elle était responsable de mon incarcération. Comment ? C'était la seule personne à savoir que je consommais de la marijuana et que j'en avais sur moi le soir où les flics étaient venus me chercher. Au début, ils m'accusaient « seulement » de vol, ils avaient soi-disant une vidéo de moi en train de cambrioler Cadence, alors que c'était impossible car je ne l'avais tout simplement pas fait. Mais les bijoux de Cadence qui s'étaient mystérieusement retrouvés dans ma moto étaient des preuves suffisantes pour la police et même la meilleure avocate d'Oldham n'avait pas réussi à m'innocenter : j'avais dû plaider coupable pour avoir la possibilité d'avoir une réduction de peine. C'était cette garce qui m'avait pourri la vie et je n'allais pas la laisser faire une deuxième fois. Je ne voulais pas me venger ou avoir une indemnisation, car tout l'argent du monde ne pourrait pas me rendre les deux années que j'avais perdues. J'avais préféré purger ma peine pour pouvoir ensuite vivre l'esprit libre, plutôt que de m'entêter encore pendant encore des années à prouver mon innocence, sans aucune garantie d'y parvenir.

Je jetai un coup d'œil à Katerina, ou Mélodie, et vit ses mains trembler. Elle essaya de le cacher, mais en vain.

— Comment connais-tu Mélodie ? demanda-t-elle la voix chevrotante.

Quelle bonne comédienne ! Moi qui croyais avoir trouvé la femme parfaite, celle qui me redonnerait enfin confiance en moi et me permettrait par la même occasion de refaire confiance aux femmes, c'était plus que raté ! Je n'arrivais pas à croire que Cadence ait inventé un truc aussi tordu. Cette femme était le diable incarné, elle était dotée d'une méchanceté, d'une cruauté hors du commun ! Je n'arrivais pas à croire qu'elle avait été ma copine pendant deux ans. Deux ans de souffrance et de chagrin. C'était à cause d'elle que je n'accordais plus ma confiance au sexe opposé, que je craignais que les femmes ne me trompent ou me blessent d'une manière ou d'une autre.

— Mais tu n'es pas Mélodie, constata-t-elle malicieusement, tu es Katerina ! Elle m'avait beaucoup parlé de toi, finit-elle en se regardant les ongles.

Donc Katerina était bien réelle. Mais comment se faisait-il que Katerina ne connaisse pas Cadence alors que celle-ci avait l'air de bien connaitre sa jumelle ?

— Comment connais-tu ma sœur ? répéta-t-elle.

— C'était mon amie, ma meilleure amie, on a fait les quatre cents coups ensemble, répondit Cadence en me jetant un coup d'œil bizarre.

Et si Mélodie était liée à mon arrestation ?

— Cadence arrête ton cirque tu veux ! Qu'est-ce que tu es venue faire ici ? Je te croyais en Europe, rétorquai-je.

Katerina se tourna brusquement vers moi en entendant le prénom de Cadence, mais je l'ignorai. Il fallait que j'aie une discussion avec elle. Les doutes, la paranoïa me rendaient fou. Elles semblaient réellement ne pas se connaitre, mais c'était une coïncidence incroyable et irréelle que la femme qui avait ruiné ma vie soit liée d'une manière ou d'une autre à celle qui je pensais allait me sortir la tête de l'eau.

— Mais parce que tu m'as manqué, j'avais envie de voir comment tu allais, minauda-t-elle, un sourire arrogant au coin des lèvres.

Elle n'avait pas changé. La voir me donnait envie de vomir.

— Ou tu viens vérifier que tu es toujours considérée comme la victime et que Mélodie ne t'a pas dénoncée ! crachai-je.

— Quoi ? chuchota Katerina, c'est vrai ce qu'il dit ?

Un instant, pendant une fraction de seconde, je vis de la peur dans les yeux de Cadence, mais elle fut rapidement camouflée par un voile de mépris et de mensonge. C'était tout ce que je voulais savoir. C'était bien elle et Mélodie les responsables de mon arrestation. Il ne me restait qu'à découvrir le lien qui unissait Katerina à toute cette histoire.

— Tu crois cet imbécile ? Il est tellement convaincu d'être innocent qu'il raconte n'importe quoi !

— Je suis innocent.

— C'est pas ce qu'a dit le juge. Il y a des preuves Aaron, tu ne peux pas continuer à mentir aux autres et à toi-même.

Elle s'approcha de moi avant de chuchoter :

— Tu es l'unique responsable de ton incarcération, peu importe ce tu dis. Innocent ou pas, ton casier n'est plus vierge !

— Dégage, lui intimai-je, essayant de garder mon calme.

— Pardon ?

— Tu dégages d'ici ! Ne t'avise plus de revenir ou j'appelle les flics ! finis-je par lui cracher au visage, fou de colère.

— J'allais partir de toute manière, répondit-elle en levant les mains en signe de paix. Ravie d'avoir fait ta connaissance Katerina, tu passeras le bonjour à ta sœur. Oh, mais tu ne peux pas, quel dommage ! dit-elle avant de quitter le garage.

Si je ne me calmais pas, j'allais faire quelque chose que je risquais de regretter. Katerina avait les larmes aux yeux, mais ça ne m'importait pas. Cette garce de Cadence avait mis mes nerfs sens dessus dessous. Je n'avais jamais ressenti une telle fureur. Je doutais de tout, de tout le monde et en particulier de la personne qui se trouvait en face de moi.

— Comment as-tu pu être en couple avec un monstre pareil, chuchota Katerina la voix chevrotante.

— Arrête ta comédie ! Qu'est-ce que tu es venue faire dans ma vie ? C'est elle qui t'a demandé de me séduire ? criai-je au bout de mes forces.

Katerina me jeta un regard dégouté.

— Que... Quoi ? Attends... tu penses vraiment que je jouais la comédie ? Que pendant tout ce temps, je te mentais ?

— Ah oui ? Parce que tu ne sais peut-être pas que c'est à cause de ta sœur que j'ai dû aller en taule ? Si tu es si sûre de toi, appelle-la !

— Je ne peux pas l'appeler ! Tu ne penses pas que si j'avais la possibilité de le faire je l'aurais fait plus tôt ? cria-t-elle à son tour. Je n'arrive pas à croire que tu doutes de moi comme ça. Je te croyais plus malin que ça.

— Tu ne peux pas ou tu as peur qu'elle dévoile tous tes petits secrets ? rétorquai-je violemment.

— Je ne peux pas, merde ! cria-t-elle avant que des larmes ne coulent sur son visage. Elle est morte Aaron ! Elle s'est suicidée, chuchota-t-elle, avant de me tourner le dos et partir en pleurant.


C'était un jour d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant