Partie 5

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Même plusieurs heures après, ma rencontre avec Alissa continue de me tourmenter. Je ne sais vraiment pas pourquoi il m'est impossible de la relayer dans un coin de ma tête. De ne simplement plus y penser. Incapable de travailler, je suis allée me coucher plus tôt qu'à l'accoutumée. Je me tourne et me retourne sur mon matelas. Visiblement trouver le sommeil est loin d'être plus simple. Le grincement du sommier est le seul à briser le silence. J'ai beau fermer les yeux, je ne peux m'empêcher de revivre notre échange.

Elle vivait ses paroles. Les ressentait jusqu'au plus profond de son être. Elle a parlé de propagande, de manipulation, de soumission. Tous ces mots sont si forts. Si j'acceptais de la croire, ça remettrait tout en question. Toutes mes certitudes seraient bouleversées. Ce n'est pas le cas bien entendu. Pour quelle raison lui ferais-je confiance ? Je ne la connais même pas. En plus, les défaillants sont bien plus ignorants. Leur accès à l'éducation est amoindri par l'état du système. La dégénérescence de leurs connaissances va crescendo depuis des décennies.

Non, elle doit juste répéter bêtement ce qu'on lui bassine depuis sa naissance. J'ai entendu dire que les défaillants nous détestaient. Qu'ils seraient prêts à tout pour renverser notre gouvernement et que c'était la raison de leur isolement. Ça et leur instabilité, bien entendu. L'emportement d'Ali le prouve : succomber à ses pulsions n'engendre rien de bon.

Je soupire, agacée que mes pensées prennent inévitablement cette même direction. Une part de moi ne peut s'empêcher de remettre mes convictions en cause. Je trouve ça dingue parce qu'on n'a pas discuté si longtemps que ça. Elle ne m'a pas donné de preuve et ça devrait suffire à me prouver le manque de fondement de tout ça. Au lieu de quoi, je commence à y accorder foi.

Déchirée par mes propres réflexions, je décide de forcer un peu le sommeil. Je ferme les yeux pour me retrouver dans le noir complet et récite la table périodique des éléments. C'est une astuce que m'a donnée mon père, il y a des années, lorsque je souffrais régulièrement d'insomnie à force de m'inquiéter de ma différence. À cette époque-là, je ne comprenais pas ce que je psalmodiais. 

Ne les envie pasWhere stories live. Discover now