Chapitre XIII - Premier jet

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    Abraxius, puisque c'était son nom, fit trembler Naira dans un coin de ma tête tandis qu'il se hérissait, de plus en plus menaçant, prêt à réduire en miettes la menace qu'il avait détecté. Sa présence s'accompagna d'une forte odeur de chèvrefeuille et de cannelle, ce qui attira immédiatement sur moi l'attention du marquis à mes côtés et de plusieurs autres passants réceptifs à la magie.

  - Abraxius a détecté quelque chose ? souffla le loup-garou, les sens en alerte.

    Cheveux, grogna en réponse ce dernier. Danger.

    Au début, je ne compris pas un mot de ce qu'il tentait de me signaler. Puis, avec anxiété, je tâtai un instant ma coiffure auburn. Non, il ne semblait pas y avoir de problèmes. Du moins, je ne sentai rien d'étrange. Si seulement il voulait bien se montrer un peu plus éloquent...

    Regarde par terre. Tes cheveux ont été coupés par un sorcier.

    Je m'exécutai aussitôt, et eus bien du mal à remarquer les quelques petites mèches tombées par terre. Toutefois, dès que je les pris dans mes mains et les rapprochai de mon visage pour les examiner, un parfum singulier attira toute mon attention.

    Des fleurs séchées et de la résine.

    Je relevai aussitôt le regard et scrutai attentivement la foule, à la recherche d'un possible coupable qui s'enfuyerait à toute vitesse. Mais l'esprit dans ma tête m'arrêta aussitôt.

    Il est déjà parti. Avec tes cheveux. Beaucoup trop de maléfices nécessitent des cheveux. Sois prudente.

    Et, avec lenteur, il partit se rendormir, même si je sentis qu'il restait sur ses gardes, ne dormant que d'un œil. Sa présence avait beau être réconfortante, elle ne pouvait pas calmer cette panique tenace qui me prenait aux tripes. En quelques secondes, je venais de devenir une cible et, pire encore, l'agresseur pouvait me faire du mal à distance, à n'importe quel moment.

  - Miss Villeneuve, ne me dites pas que ce sont vos cheveux !!

  - Si, et notre suspect a réussi à s'enfuir avec une mèche avant qu'Abraxius ne se réveille. Vous pouvez remonter sa trace ?

    Le marquis fronça le nez, dans une grimace qui exprimait à la fois le dégoût et un soupçon d'impuissance.

  - Je ne passe pas assez de temps à quatre pattes, sous ma forme de loup, pour suivre son odeur, et les parfums alentours sont de toute façon trop forts pour le pister. Et pour ce qui est de sa signature magique, il me faudrait attendre qu'il vous lance un enchantement ou pire.

    Je hochai de la tête pour lui indiquer que j'avais compris, même si je continuais à craindre le pire. Après tout, j'avais eu connaissances de bon nombres de sortilèges qui demandaient cet ingrédient, et presque aucun n'avait un effet bénéfique. Je me souvenais par exemple que l'un d'entre eux avait comme effet de faire pousser les poils à profusion, et encore, c'était le sortilège le plus sympathique du lot.

    Perdue dans mes pensées, j'en fus tirée brusquement lorsque Sir Albert Coalman lâcha :

  - J'espère au moins qu'il ne vous lancera pas un sortilège d'amour.

    Je relevai immédiatement la tête, ce qui poussa plusieurs promeneurs à me dévisager avec curiosité. Mais je n'en tins pas compte et confrontai le loup-garou, ayant du mal à suivre son raisonnement.

  - Pourquoi donc me jetterait-il un sortilège d'amour ? Je vous rappelle qu'il a fait disparaitre les âmes humaines de deux membres de notre meute et que, selon toute vraisemblance, je risque bien de recevoir le même sort !

Le voleur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant