Le silence était total, nous n'osions même pas bouger. Les deux hommes de tête s'étaient séparés pour partir en observation chacun de leur côté, d'autres natifs étaient partis les accompagner. La pression était à son comble, nous redoutions tous le pire.
Soudain, des éclats de voix provenant d'un peu plus loin nous avaient tous faits tressaillir, je vis même une larme échapper à Ehawee qui était pourtant si forte au quotidien. Nous nous étions beaucoup soutenus durant cette rude aventure. Elle était une amie importante et je ne supportais plus la voir ainsi.
Les voix avaient fini par cesser, cela n'annonçait rien de bon. Le temps sentait s'être arrêté pendant un moment jusqu'à ce que plusieurs ombres apparaissent à l'horizon. J'avais senti tout le monde se tendre à cet instant. Certains avaient aussitôt sorti leurs armes pour se défendre. Pour ma part, j'étais plutôt occupé à essayer de calmer mon cheval qui s'agitait à son tour. « Tout doux, calme » répétais-je dans l'espoir qu'il ne se cabre pas.
Maintenant ce n'était plus deux ombres qui apparaissaient, mais la silhouette d'une dizaine d'hommes. Le ciel gris qui reflétait la neige blanche ne permettait pas de voir correctement. Ils arrivaient à pas lent et au fur et à mesure qu'ils avançaient je pouvais sentir la tension grimper au sein de notre petit groupe.
Soudain, l'atmosphère avait totalement changé. Certains avait même laissé tomber leurs armes. Mon cheval lui aussi semblait s'être soudainement détendu. Lorsque je levais la tête, je rejoignais là réactions des autres. J'eus peine à croire ce que je pouvais voir.
Poussé par un élan d'émotion, je m'étais dirigée rapidement vers le groupe de natifs qui nous faisait face et j'avais attrapé Andek afin de lui faire une accolade. Je ne pouvais le croire, il était là devant nous et semblait aller si bien. Nous n'avions plus jamais entendu parler de lui lorsqu'il avait été envoyé avec un bataillon loin des autres hommes. J'avais même commencé à me faire à l'idée de ne jamais le revoir.
Andek était un homme d'une grande sagesse et d'une gentillesse incomparable. Il avait été le premier à montrer sa confiance et il avait toujours été là pour m'aider. C'était grâce à lui que j'avais pu apprendre la langue de son peuple, il m'avait accordé beaucoup de temps et surtout beaucoup de patience. Comme son père, il avait toutes les caractéristiques d'un chef de village.
Lorsque nous mettons fin à notre étreinte, tout deux ne pouvions nous empêcher de sourire.
- Ashaish, je savais que tu allais t'en sortir, tu es si forte.
Mon cœur s'était réchauffé instantanément, au milieu de toute cette terreur que nous venions de vivre au sein des troupes françaises tout espoir de retrouver qui que ce soir s'était évanoui. Et pourtant, après des heures de marche renaissait déjà l'espoir, nous croisions déjà le chemin d'un ami proche que nous pensions perdu à jamais.
Lorsque les hommes avaient été emmenés au combat les uns après les autres, Andek avait été l'un des premiers à partir. Il était élu depuis bien longtemps par les français comme porte-parole et chef de la tribu, il ne s'adressait qu'à lui, sans doute car il était celui qu'il pensait pouvoir le plus facilement l'influencer. Andek était un homme de grande écoute et de partage, sa gentillesse pouvait parfois ressembler à de ma naïveté. Mais c'était une erreur de penser ça. Il était plutôt malin, d'une importante intelligence et savait en faire usage.
Il nous racontait alors son histoire. Il avait été emmené avec d'autres hommes soi-disant, mais en cours de route, son chemin ne fut pas le même. Il avait été emmené là où les hommes blancs complotaient afin de détruire les terres des natifs, là où ils amorçaient les guerres sans jamais se lever de leurs chaises. Non ceux-là se contentaient de donner les ordres. Andek avait rapidement compris qu'il avait affaire à des hommes dangereux. Ils avaient essayé maintes fois de sous-tirer des infos au jeune amérindien à propos des terres les plus propices à la culture et à la chasse, les tribus de "sauvages" les plus impitoyables de qui il fallait se débarrasser au plus vite.
Mais Andek n'avait jamais laissé sortir le moindre mot de sa bouche face à ces hommes. Il était alors devenu muet et sans intérêt. Malgré les lourdes menaces qu'un lui avait adressées, il n'avait jamais cédé ce qui lui avait velu un séjour au cachot. Après maintes tentatives de le faire parler, les hommes blancs avaient décidés qu'il serait tué, abattu par les armes devant tous les hommes de hauts grades. Le natif n'allait pourtant pas se laisser faire si facilement. Dans les cellules attenantes à la sienne, il avait rencontré d'autres natifs dans la même situation que la sienne. Ils avaient réfléchi des jours et des nuits à un plan d'évasion, ils étaient maintenant sept hommes à vouloir s'échapper. et ils avaient réussi. Ils avaient aussitôt pris la route des terres de tribus encore épargné par la présence du diable blanc afin de les prévenir.
Et puis voilà, ils avaient croisé notre chemin tandis qu'ils continuaient leur périple afin de prévenir les tribus en danger. A notre tour nous lui expliquions notre périple vers le nord.
— Là-bas, nous pourrions à nouveau trouver la paix. Avait dit un des hommes de notre groupe une lueur d'espoir dans son regard.
Cela m'avait réchauffée le cœur d'entendre de la bouche d'un autre membre de la tribu la naissance d'un espoir. Andek avait affiché un sourire franc à ce même moment.
— Je sais que vous aller y arriver, grâce à vous, nous allons continuer à prospérer.
— Tu ne prends pas le même chemin que nous ? Avais-je demandé alors que je comprenais à travers ses mots qu'il n'allait pas rejoindre notre groupe.
— Ashaisha, il reste trop d'homme en danger. Nous ne pouvons laisser les hommes entre les griffes des blancs.
J'avais senti Chayton se redresser à côté de moi. Je savais déjà à quoi il pensait, il voudrait suivre Andek afin de l'aider dans sa mission. Mais aussitôt le fils du chef s'était approché de son ami et posa une main sur son épaule ainsi que celle de Wakiza juste à côté qui depuis le début de la conversation faisait tournoyer nerveusement son couteau entre les mains afin de concentrer sa colère face aux annonces désastreuse de ce qui pouvait se passer autour de nous.
— Les hommes et les femmes de cette tribu vont avoir besoin de vous, vous êtes l'âme de ce groupe. De bon guerrier, de bons chasseurs , des hommes sages. Vous n'avez pas le droit de les priver de votre présence. Vous êtes les seules qui arriverez à les emmener vers la paix. Je serais certainement responsable de la mort de beaucoup si je les privais de votre présence. J'ai ma mission, vous avez la votre et nos chemins se retrouverons. Lorsque la mienne sera achevée, ma prochaine sera de vous retrouver.
A ses mots, le jeune chef accorda une accolade à ses meilleurs amis. Peut-être était-ce un adieu, ou juste un long au revoir. Mais c'est à la suite de ce moment que nos chemins se séparaient à nouveau. Chacun, le cœur allégé bien qu'encore lourd reprit sa propre direction.
VOUS LISEZ
Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...