Chapitre 10 - Pas si seul

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Chayton m'avait raccompagné jusqu'à son tipi. Une fois à l'intérieur, le natif semblait toujours aussi irrité par ce qu'il venait de se passer. Assise dans un coin de la pièce, je ne comprenais pas tout à fait la tournure qu'avaient prise les choses, leur échange s'était fait dans leur langue maternelle et je n'en avais pas saisi le moindre mot. Pour autant, j'imaginais être encore une fois le problème dans l'histoire. 

     — Je suis désolé ... Lâchais-je à petite voix. 

J'avais remarqué les épaules du natif se contracter avant de redescendre, jusque-là dos à moi, il s'était retourné et m'avait tendu un récipient qui contenait du ragoût à base de maïs et de viande de bison. L'aspect n'était pas des plus appétissants mais le goût était plutôt appréciable. Un silence lourd régnait dans le tipi, Chayton avait préféré s'installer un peu plus loin et s'était mis à aiguiser la lame d'un de ses nombreux couteaux.

Après un moment, alors que j'avais tout juste fini mon repas, Chayton s'était brusquement levé pour se diriger vers la sortie. Lorsqu'il avait soulevé la fourrure qui faisait office de porte, je n'avais pas pu m'empêcher de l'interrompre. 

       — Où vas-tu ?   

       —  Ne sort pas d'ici tant que je ne suis pas de retour. 

Sans rien dire de plus il avait quitté le tipi en refermant derrière lui. Qu'allait-il donc faire à cette heure de la soirée dehors ? Il s'était disputé avec cet homme un peu plus tôt et il avait mis un moment à retrouver son calme. Et s'il ne l'avait pas retrouvé ? Il avait aiguisé pendant un moment l'un de ses couteaux avant de l'accrocher à sa ceinture. Allait-il se venger ? Je palissais rien qu'à l'idée qu'il puisse agir ainsi. Non, Chayton n'était pas Wakiza il était bien plus calme et plus civilisé, tentais-je de me rassurer. 

Mes yeux n'avaient pas pu s'empêcher de se porter sur l'entrée de la tente, une envie irrésistible de me glisser dehors s'était emparé de moi. Je me mordais la lèvre inférieure comme pour réprimer ma petite voix intérieure, non s'était trop risqué, de plus si je croisais Chayton alors qu'il me l'avait interdit le rendrais encore plus en colère qu'il ne semblait déjà l'être.

J'allais attendre là bien sagement qu'il revienne, je ne fermerais pas l'œil tant qu'il ne serait pas de retour. J'avais trop de questions à lui poser, et même si cela finirait sûrement par l'agacer j'essayerais quand même d'en savoir plus.

Le temps semblait s'écouler à une lenteur interminable. Je luttais à présent contre moi-même. Mes paupières pesaient des tonnes et je me sentais basculer de gauche à droite menaçant de céder au sommeil à tout instant. 

         — Bon sang Eleanor ressaisi-toi. Me répétais-je à des intervalles réguliers afin de me tenir éveillé.     

Il ne fallait pas que je cède, je voulais en savoir plus et puis au fond de moi une pointe d'inquiétude faisait surface, et s'il lui arrivait quelque chose ? S'il ne revenait jamais ? Même s'il n'était pas des plus bavard et restait distant, au fond de moi, ou peut-être moins profond que je pouvais le penser, je ressentais de l'attachement pour Chayton.

Mais qu'est-ce que je racontais ? Surprise par mes propres pensées, je m'étais vivement redressé bien que toujours dans un état second. La fatigue et la solitude parlaient sûrement à ma place, mais Chayton avait été la seule personne qui s'était montré un tant soit peu intentionné envers moi, il m'avait offert un toit, de la nourriture, des chaussures et il m'avait même à plusieurs reprises protégé. 

Je regardais pensivement les mocassins toujours à mes pieds. Mes sœurs et mon père me manquaient, ma mère aussi, et même si j'étais éloigné de ma famille et mes quelques amis, il semblait que je n'étais pas si seule que je pouvais bien le croire. 

Un léger courant d'air venait me caresser dans le dos me faisant lâcher un léger gémissement de désagrément. J'étirais longuement mes bras devant moi avant d'ouvrir les yeux. Le feu était éteint et le jour s'était levé. Je m'étais vivement redressé en réalisant que j'avais fini par m'endormir avant le retour de Chayton. 

Je lançais un rapide coup d'œil circulaire dans la pièce, il n'y avait personne d'autre que moi. Rapidement je m'étais levée, ma tête s'était d'ailleurs mise à tourner un instant. Où était-il donc passé ? Il aurait dû être rentré après tout ce temps. 

Maintenant qu'il faisait jour, je décidais que l'interdiction de sortir de Chayton était levée, il était hors de question que j'attende plus longtemps, il fallait que je sache où il était passé et qu'il ne lui était rien arrivé.

Je quittais le tipi et regagnais le cœur du village qui commençait à doucement se réveiller, je regardais sans arrêt à ma gauche et à ma droite à la recherche de Chayton. Après avoir traversé chaque allés au moins deux fois je commençais à doucement perdre espoir de le retrouver.

Désemparé, je m'étais assise sur un rocher. Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer d'innombrables scénarios tous plus catastrophiques les uns que les autres. Qu'allais-je devenir s'il n'était plus à mes côtés ? Je n'aurais plus nul par où aller et ma vie n'aurait plus aucun sens.

Mais alors que je m'égarais dans mes pensées les plus lugubres, une silhouette masculine qui venait de sortir de la bâtis où était Andek avait attiré mon attention. Aussitôt, je m'étais relevé et précipité dans sa direction. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plutôt ? J'aurais dû aller vérifier à cet endroit en premier. 

         — Où as-tu passé ? J'ai passé la nuit à t'attendre ! M'exclamais-je en me postant face au natif. 

  Celui-ci m'avait dévisagé un moment avant d'afficher un rictus moqueur. 

         — Tu dormais profondément lorsque je suis rentré, et quand je me suis réveillé ton sommeil était toujours aussi profond.

J'avais senti mes jours s'empourprer tant je fus gêné. Il est vrai que j'avais toujours eu un sommeil lourd et profond. Je repensais aussi à ma conduite, à présent je me sentais tout à fait gêné de mes pensées de la veille au sujet de l'Amérindien ainsi qu'à la façon dont je lui avais demandé où il avait dormi.

      —  Vous tombez bien vous deux. 

Le vieux chaman venait de sortir de la bâtisse et avait mis un terme à ce moment gênant qui m'avait paru interminable.  

      — Mes réserves en plantes médicinales sont au bord de l'épuisement, il m'en faut d'autres mais quelqu'un doit rester ici pour veiller sur Andek. Prends la fille avec toi, ses connaissances médicinales sont bonnes

Chayton avait regardé un moment le chaman à peine sûr d'avoir compris, mais d'un signe du doigt le vieil homme m'indiquait en hochant la tête.

        — Partez maintenant et revenez avant que le jour ne décline. 

Omakiya (Aide moi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant