Finalement, après une courte réflexion, j'avais pris la décision de sortir. Qui avait été là ? Qui était entré ? Je n'étais de toute façon pas plus à l'abri enfermé dans ce tipi, s'il était parvenu à entrer une fois, il y arriverait de nouveau. Un silence de mort régnait dans le campement, tout le monde dormait à poings fermés.
La nuit était profonde, la lune était fine ce soir et les étoiles presque absentes. Mais rien ne m'arrêterait cette fois. Même si une boule d'angoisse habitait mon estomac, mon envie de savoir était plus forte encore.
Le froid me fouettait le visage, le sol blanchissait même sous le givre hivernal qui semblait avoir de l'avance en cette période encore automnale. Devant moi, j'entendais bientôt les feuillages habillant le sol craqué sous le poids d'un homme certainement.
— Éh toi, arrête toi ! Lui criais-je.
Évidemment, il ne m'écoutait pas et s'était même mis à accéléré davantage, je m'étais alors mis à courir m'enfonçant encore plus loin dans la nuit m'éloignant peu à peu du campement. Perdu au milieu des arbres, je m'étais arrêté un instant pour reprendre mon souffle, mais aussi afin d'écouter et de pouvoir distinguer. Le silence était lourd plus un seul bruit, jusqu'au moment où les feuilles séchées crépitèrent près de moi. Je m'étais vivement retourné et avais retenu un cri d'horreur lorsque je croisais le regard d'un homme à seulement deux pas de moi. J'avais finalement repris mon calme lorsque je constatais qu'il ne s'agissait que d'Andek.
— Bon sang, tu m'as fait peur. Avouais-je en retrouvant mon souffle. Toi aussi tu as vu ce type qui ... J'avais finalement coupé court ma phrase. Mais qu'est-ce que tu fais ici au milieu de la nuit ?
— Cet endroit ne semble plus le même que la dernière fois où je suis venue. Je sens que nous ne sommes pas seuls.
Il y avait eu un moment de silence, Andek avait les yeux rivés à l'horizon comme s'il percevait quelque chose dans la nuit sombre, j'avais eu envie de lui parler de cette fameuse silhouette, de celui que je suivais mais je n'avais rien dit. Andek semblait agité bien que fatigué aussi et puis il y avait toujours cette blessure même si elle commençait à disparaître elle restait encore importante.
— Est-ce que tu m'autorises à jeter un coup d'œil ? Osais-je finalement demander.
Andek m'avait regardé un instant avant de hocher affirmativement la tête. Nous étions partis rejoindre le campement afin d'aller dans son tipi. Il avait seulement allumé un feu et posé quelques couvertures sur le sol, sans doute s'aménagerait-il davantage plus tard.
Nous nous étions installé près du feu pour que je puisse profiter de l'éclairage des flammes pour observer sa blessure. La plaie était moins vilaine et il n'y avait plus la moindre infection, le pire était passé. J'avais tout de même remis un peu de pommade que le chaman m'avait donnée avant de refaire le bandage.
— Il te faudra encore rester vigilant quelque temps et bientôt ta blessure sera complètement guérie.
Andek avait affirmé qu'il le ferait avant de me tendre une petite poche de cuire. J'avais lancé un coup d'œil au natif qui m'avait fait signe de la prendre. À l'intérieur, un petit couteau à la lame très tranchante.
— C'était à mon frère, il m'a protégé longtemps avec cette arme, il me l'avait offert avant de partir à son dernier combat dont il n'est jamais revenu. S'il t'avait connu, c'est à toi qu'il l'aurait donné, tu as protégé les miens et tu m'as sauvé comme il l'aurait fait avec ce couteau. Il te revient.
J'étais resté bouche bée, gêné d'avoir reçu un tel présent, j'aurais aimé dire à Andek de le garder c'était un précieux souvenir, mais j'avais aussi peur de le froisser si je le faisais. J'avais observé chaque détail du petit objet, la crosse en bois était joliment gravé et malgré sa petite lame elle semblait plus tranchante qu'une baïonnette.
— J'en ferais bon usage, affirmais-je.
— J'en suis certain.
Et puis après cela, Andek m'avait posé des questions sur mon passé sans que je sois mal à l'aise à l'idée d'y répondre. Il connaissait désormais la raison de ma fugue de mon peuple et toutes les distances qu'il avait gardées jusque-là semblaient effacer, il me parlait sans prendre la moindre précaution et je découvrais un tout autre homme.
Les paupières lourdes, je battais des cils afin de parvenir à garder les yeux ouverts. Je m'étais redressé d'un bon lorsque je remarquais que je ne dormais pas dans le tipi de Chayton. Je reconnaissais l'aménagement sommaire de l'habitation d'Andek. Nous avions beaucoup parlé hier soir et j'avais dû me laisser emporter par la fatigue sans m'en rendre compte.
En sortant du tipi, je remarquais que déjà tout le monde était levé ici et il faisait déjà jour depuis un moment d'après la clarté du ciel. D'un regard circulaire, j'observais les lieux que je n'avais pu voir que furtivement la veille. Je fus aussi gêné de croiser le regard de nombreuses personnes qui avait sûrement remarqué que je sortais du tipi d'Andek. Je m'étais senti tellement mal à l'aise à cet instant. Et puis j'avais finalement croisé le regard de Chayton qui était un peu plus loin entouré d'hommes. Cette fois-ci, son regard ne fut pas soutien comme il l'était habituellement. Je ne savais pas si cela venait du faite qu'il est rapidement détourné le regard ou du malaise profond que m'envahissait à cet instant même.
Finalement, j'avais décidé de rejoindre Chayton pour éviter le regard des autres. Mais au moment où j'étais arrivé près de lui, il ne m'accordait pas la moindre intention se concentrant sur un morceau de tissu rouge qu'il tenait dans ses mains. Les guerriers discutaient entre eux tandis que Chayton décidait enfin de m'accorder un regard.
— J'ai trouvé ça dans la forêt pendant que je te cherchais partout, avait-il débord dit sur un ton de reproche. Est-ce que tu sais ce que c'est ?
Sa question en sonnait pas vraiment comme une. Je l'avais regardé un moment dans les yeux, rongés par la culpabilité de ne pas l'avoir averti de mon escapade de la vieille. Chayton était distant pourtant, je savais qu'il veillait toujours sur moi,par ma faute, sa nuit avait sans doute été mauvaise ainsi que le début de la journée. J'ignorais depuis combien de temps il me cherchait.
Son regard devenu trop insoutenable, j'avais fini par baisser les yeux pour accorder toute mon attention aux morceaux de tissu rouge.
— Les tuniques rouges ? Murmurais-je en fronçant les sourcilles.
Le rouge était flamboyant, bien plus que les teintures que les Indiens faisaient eux-mêmes, c'était la couleur exacte des vestons que portaient les soldats anglais. Mais que faisaient-ils ici ? Il semblait pourtant qu'aucun campement Anglais n'était situé dans cette région. Et si la veille, la silhouette que j'avais aperçue dans le tipi était un soldat anglais . Je m'étais senti frémir à cette idée, cela n'annonçait rien de bon et j'espérais me tromper.
Mais est-ce que je devais expliquer à Chayton ce que j'avais vu la vieille ? Qu'allait-il arriver si je lui révélais cette présence bizarre ? J'avais entendu parler de temps de guerre ces derniers jours et de temps de mort chez les Amérindiens que je préférais me terrer dans le silence et de m'assurer d'abord moi-même de ce qui pouvait bien se passer.
— C'est à moi ! Mentis-je finalement en prenant le ruban rouge. Je m'en servais pour m'attacher les cheveux je l'ai retrouvé dans le fond de ma poche de ma chemise de nuit.
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Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...