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  Nishinoya finit par réaliser qu'il était éveillé depuis un bon moment et qu'il fixait le plafonnier sans réellement comprendre ce que c'était. Il cligna des yeux pour y voir clair. Il n'était pas supposé se trouver là. Ça ne collait pas. La dernière chose qu'il se rappelait, c'était qu'il était dans la Lexus et qu'on l'avait traîné dehors...
  J'ai dû perdre à nouveau connaissance. Un redoutable cocktail de douleur, de peur et d'état de choc avait déconnecté son cerveau.
  Une chose était claire : il n'était plus dans la voiture, mais à l'intérieur d'une bâtisse. Au prix d'un immense effort, il s'assit et regarda autour de lui. Une horrible migraine tambourinait sous son crâne à chaque battement de cœur, comme si quelqu'un jouait de la grosse caisse à l'intérieur de sa tête. À peine s'était-il redressé qu'il eut un haut-le-cœur. Il lutta pour se retenir de vomir et ferma les yeux, le temps que la douleur et la nausée se calment.
  Il ouvrit les yeux.
  Il était dans un lit, dans une chambre impeccable, en totale contradiction avec le monde tel qu'il était aujourd'hui. Des draps propres, qui sentaient le frais. Des taies d'oreillers tout aussi soignées. Des murs habillés d'un papier peint aux délicats motifs. Des stores en bois hermétiquement clos. De sorte qu'il n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être, ni même si c'était le jour ou la nuit. Tous les meubles semblaient neufs. Une chaise, une commode et une penderie. Un tapis par terre. Une table de chevet sur laquelle était posée une lampe. Aucune lumière ne fonctionnait, bien sûr. Puisqu'il n'y avait pas d'électricité. Une bougie chauffe-plat dans un photophore permettait néanmoins d'y voir.
  La porte était fermée.
  Il se laissa retomber sur les oreillers.
  C'était bizarre.

  Il se toucha la tête. Elle palpitait comme si elle était sur le point d'éclore. Était-ce possible, se demanda-t-il, qu'une tête s'ouvre en deux, d'elle-même ? Ça devait certainement arriver aux étrangers, de temps à autre. Ils éclataient au soleil comme des fruits trop mûrs.
  Un verre d'eau était posé sur la table de nuit. Il le renifla, puis en but une gorgée. Elle avait bon goût. Il avisa ses vêtements, soigneusement pliés sur une table basse, à côté de son sac à dos et de ses armes, posés par terre.
  Il portait son t-shirt et son caleçon.  Dans cette chambre impeccable, il se sentait d'autant plus sale. Sa puanteur le gênait. Il n'aurait su dire à quand remontait la dernière fois qu'il avait pris une douche ou un bain. Chaque fois qu'il en avait l'occasion, il enfumait ses vêtements et se servait de l'odeur pour masquer ses propres effluves. Dans cette chambre quasiment stérile, son odeur le gênait.
  Une épave puante et dolente, voilà ce qu'il était. De fait, il avait mal partout.
  Il se passa la main dans les cheveux. De nouvelles bosses s'étaient ajoutées à celle que son ami Tendō lui avait fait en le frappant accidentellement avec une batte de base-ball. S'il continuait à se faire cogner comme ça, il allait finir complètement neuneu. Sûr que ça ne lui faisait pas du bien. Il s'imagina en détraqué baveux, traînant des pieds avec le reste de l'armée de Saint Georges.
  Il toussa et ressentit une vive douleur dans la poitrine. Il souleva son t-shirt répugnant et constata que ses côtes étaient constellées d'hématomes.
  Bah, ça aurait pu être pire. Au moins, il était vivant.
  Mais où diable était-il, et comment s'était-il retrouvé là ?

  Il s'extirpa douloureusement du lit, ses muscles perclus de courbatures lui arrachant un gémissement plaintif.
  Il alla en clopinant piteusement jusqu'au store et tira sur le cordon. Les lamelles de bois remontèrent, révélant...
  Rien. Pas de fenêtre. Juste un mur nu.
  De plus en plus bizarre.
  Depuis le début, cette chambre lui faisait un drôle d'effet. Trop propre, trop bien rangée, bref, trop parfaite. Or, à y regarder de plus près, il s'aperçût que tout était faux, comme dans un décor de théâtre. Ce n'était pas une vraie chambre. Il s'avança jusqu'à la porte en pressentant ce qu'il allait trouver : elle serait fermée à clé. Il était prisonnier ici.
  Il posa la main sur le bouton, tourna et...
  La porte s'ouvrit.
  Il sourcilla. Et lâcha la poignée.
  Crétin.
  S'il avait été fait prisonnier, pourquoi lui aurait-on laissé ses armes et ses vêtements ? Il n'avait pas les idées en place. Pour quelqu'un comme lui, qui avait toujours eu un temps d'avance sur les autres, c'était plutôt embarrassant.
  Restait à espérer que ces coups à la tête n'avaient pas irrémédiablement réduit ses capacités mentales.

ENEMY Tome 2 : Le sacrifice Donde viven las historias. Descúbrelo ahora