𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑 | 𝐀𝐘𝐔̂𝐍𝐀

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𝓛es chants des oiseaux me tirent doucement de mon court sommeil. Je m'étire en fixant les rayons du soleil annonçant une journée agréable. Je place mes mains à l'arrière de mon crâne, pensive.

Et la scène d'hier me revient en tête.

Et si Ava allait vraiment acheter mon livre ? Est-ce donc ça une "amie" ?

Il est vrai que son comportement m'a quelque peu troublée. Mais je ne vais pas cacher le fait que cette petite attention est agréable pour mon petit cœur écorché et dénudé de toute trace d'amour.

Mais je me demande si elle ne changera pas d'avis en apprenant à connaître mon comportement puéril. Mon cœur se serre et ma gorge se noue à l'annonce de cette idée.

Je vais encore décevoir des gens...

Je me lève difficilement et décide d'attraper mon vieux calepin qui traîne sur ma table de chevet - manquant de s'écrouler par son manque d'équilibre, dû à son détériorement face aux années passées ici.

Il lui manque un pied comme il me manque une âme, en raison des êtres humains sadiques qui se sont tristement joués d'eux.

Je tire l'élastique autour du cuir de la couverture et je l'ouvre, anxieuse.

Quelques photos assez datées et jaunies glissent sur mes genoux. Je reconnais tout de suite ce que c'est : des photos de famille en Géorgie, avant notre immigration en Norvège.

Je m'empresse de retourner ces photos et je n'y prête pas plus d'attention, au risque de voir mes yeux s'embrumer de larmes aussitôt. Je parcours d'un œil furtif mon caret : des gribouillis noir, des formes indéchiffrables et effrayantes prennent quasiment toute les pages. Je continue de feuilleter le reste du carnet et je me stoppe net en voyant ce texte :

18/02 : Le silence de mes mots.

" La nuit est si belle,

Mon coeur est frêle,

Mon corps grêle,

D'une fatigue surnaturel,

Le corps arc-en-ciel,

La mort est torrentiel,

Leur coup sur mon épiderme sont mortels,

Pour une petite querelle,

Mon corps n'est plus jouvencelle."

Ce jour-là, mon cœur criait à l'aide, mon corps pleurait leurs coups en silence. Tant de mots que mes lèvres souhaitaient révéler. Tant de choses interdites qui brûlait cette ouverture oratoire.

J'avais treize ans lorsque mes mots et mes larmes se sont déversés sur ce papier. Lorsque leur coup m'avait tellement fait souffrir, que même respirer m'était infernale. Mais je me devais d'écrire, je me devais d'exprimer sur papier ce que mon corps vivait au milieu de ce déluge, au risque de perdre la raison compte tenu de la famine qu'on m'imposait et qui s'engouffrait petit à petit dans mon être, me rongeant sans arrêt et sans limite.

Face à ces mots, ces souvenirs reviennent et me noue la gorge.

Il y'a neuf ans; Oslo,
Norvège.

— Mange chérie, il faut que tu prennes des forces mon coeur, déclare une voix enjouée au loin, tandis que mon pied, trempé, referme la porte d'entrée qui m'entraîne alors dans une perte d'équilibre soudaine.

𝐋'𝐄́𝐏𝐇𝐄́𝐌𝐄̀𝐑𝐄 Where stories live. Discover now